François Villon (1431 - 1463)

Le poète de Paris

Portrait présumé de François Villon dans l'édition originale du Testament, 1489, Paris, BnF, Gallica.François Villon meurt à 32 ans. En dépit de sa courte vie, il est très vite entré dans la postérité. Brillant élève, il réussit à faire des études malgré la condition misérable de sa famille. Il aura également à plusieurs reprises maille à partir avec la police et la justice. À 24 ans, lors d’une rixe, il tue un prêtre et doit fuir Paris.

Après avoir tenté sans succès de faire carrière à la cour du prince-poète Charles d’Orléans, il va mener une vie d’errance. De retour à Paris après six ans d’exil, il commet de nouvelles violences et cette fois se trouve condamné à la pendaison…

Que de frasques ! Elle lui vaudront une réputation sulfureuse qui ne ternira pas pour autant sa renommée littéraire. Redécouvrons ce poète que le XIXe siècle qualifia de « maudit » !

Roger Jouan

« Pauvre je suis de ma jeunesse… »

François a mentionné son année de naissance en deux vers du Testament :
« En l’an de mon trentième âge »… (vers 1)
« Escript l’ay l’an soixante et ung »… (vers 81)

En l’an 1431, deux ans après la mort de Jeanne d’Arc sur le bûcher, le royaume de Charles VII éprouve les horreurs de la guerre. François de Montcorbier, (futur François Villon), naît à Paris, dans le quartier de l’Arsenal à l’ombre des murs du château de la Bastille.

Ses parents, les Montcorbier, étaient de « petite extraction ». Ils louaient pour quelques piécettes un réduit de dépôt de poudre à canon, appelé loge. Cet endroit, le plus dangereux de Paris, était destiné aux familles les plus pauvres.

Reconstitution de la Bastille médiévale (1420), Theodor Josef Hubert Hoffbauer, XIXe siècle.

Sa mère, femme pieuse et humble, ne savait ni lire ni écrire. Son père meurt très tôt après la naissance de son fils, sans doute durant le terrible hiver de 1432-1433. Cette année-là, le froid intense, la famine, les épidémies et la Seine gelée permettent aux loups affamés d’entrer dans la ville et de dévorer enfants et jeunes hommes qui ne peuvent se défendre.

« Pauvre je suis de ma jeunesse
De pauvre et de petite extrace
Mon père n’eut oncq grand richesse,
Pauvreté tous nous suit et trace... »

Plan des environs du Cloître de Saint-Benoît-le-Bétourné à Paris au temps de François Villon, Paris, BnF, Gallica.Durant ses premières années François découvre son environnement, limité à la cour des loges où s’ébattent ses compagnons de jeux, âgés de moins de douze ans, âge ou un jeune garçon doit travailler sur les ports de la Rivière de Seine pour gagner de l’argent et aider sa famille. À sept ans, François est curieux de tout et pose quantité de questions auxquelles sa mère ne sait répondre.

Cloître et église Saint-Benoît-le-Bétouné (aujourd'hui disparue), en 1810, Theodor Josef Hubert Hoffbauer, XIXe siècle. L'agrandissement montre une vue intérieure de l'église : la chapelle Saint-Pierre ou de la Tournelle, Louis Courtin, 1832, Paris, musée Carnavalet.Comprenant que son fils cherche à s’ouvrir à l’étude, elle se souvient que son époux lui avait recommandé en mourant de s’adresser à Maître Guillaume de Villon en cas de nécessité. Elle se résout à le rencontrer en l’église Saint-Benoist-le-Bétourné dont il est chanoine.

Cette église était située Grande rue Saint-Jacques, mitoyenne de La Sorbonne. Pourquoi « Le Bétourné » ? L’architecte avait construit le portail du mauvais côté et il fallut le reconstruire.

Accompagnant sa mère, François traverse Paris qui l’émerveille. Les ponts surtout et leur foule de badauds, de charlatans et de mauvais garçons dévalisant les chalands occupés à leurs emplettes devant les échoppes, mais aussi le bruit, les chansons, les couleurs et les odeurs.

Une scène de foire, Thomas III de Saluces, Le Chevalier errant, vers 1400-1405, Paris, BnF. L'agrandissement montre Les plaisirs de la taverne. Faits et dits mémorables de Valère Maxime, XVe siècle, Paris, BnF.

Premières études

Guillaume de Villon est chanoine mais aussi Maître des décrets. Il enseigne à la prestigieuse Université de Droit, au Clos Bruneau, en haut de la Grande rue Saint-Jacques. Leur rencontre est une lourde épreuve pour François. Il comprend que sa mère l’abandonne pour le confier au chanoine qui accepte de l’instruire dans toutes les disciplines qui conduiront à le présenter à l’université.

L’enfant ne sait ni lire ni écrire comme sa mère mais très vite il se passionne pour la lecture puis pour l’étude du grec, du latin et l’apprentissage du français, lu, écrit et parlé. Après son cours du matin avec Guillaume, il court les rues de Paris, évitant de se faire remarquer en passant devant le Grand et le Petit Châtelet, et découvre la vie de chaque paroisse (quartier). Sa visite du cimetière des Innocents lui sera une révélation sur la mort.

Une école bondée, Heures de Louis de Savoie, vers 1450, Paris, BnF.En 1443, François vient d’atteindre ses douze ans. Reconnaissant son aptitude à l’étude et ses dons pour décrypter et traduire en français les auteurs anciens, grecs et latins, Guillaume inscrit son protégé à la Faculté des Arts, rue du Fouarre (« du foin »).

Son maître, Jean de Conflans, brillant clerc exerçant à la cathédrale de Paris, est surpris par les connaissances littéraires de François qui connaît par cœur le Donat, grammaire latine du IVe siècle, et a lu Aristote et Boèce dans les textes originaux... à l’âge de douze ans !

La Faculté y ajoutera la grammaire, la philosophie et les lettres (Le trivium). Cinq ans plus tard, en 1448, il obtiendra son Baccalauréat (baies de lauriers) et continuera ses études avec la dialectique et la rhétorique (le quadrivium).

Premier poème

Guillaume est souvent invité à souper chez les notables et parle de François chez le Prévost de Paris, Robert d’Estouteville, qui l’invite à son tour. Voulant le remercier de le recevoir, François, conseillé par Guillaume, écrit un poème qu’il lit devant les hôtes du Prévost. Mal lui en prit !

Un clerc vêtu de noir travaillant dans son étude à la transcription d'un texte. Tite-Live ou son traducteur Pierre Bersuire écrivant, Paris, BnF. L'agrandissement montre l'illustration d'une ancienne édition des Repues Franches, vers 1500, Paris, BnF, Gallica. Villon est représenté ici en clerc, portant le bonnet, insigne du licencié ès arts, et la robe longue. Imité d’Alain Chartier, le poème relate une déclaration d’amour qui se veut celle de d’Estouteville à sa jeune épouse. Par manque de clarté, c’est François qui est pris pour l’amoureux auquel on demande de ne plus revenir chez le Prévost ! Le jeune homme jure alors qu’il n’écrirait plus jamais de poésies !

Le 4 mai 1452, il obtient sa licence, puis sa maîtrise, le 26 août. Il devient ainsi Maître ès Arts et Clerc et il peut enseigner. Pour rendre hommage à son maître et tuteur, et le remercier d’être pour lui encore bien plus qu’un père, il demande à Guillaume la permission de porter le nom de Villon, ce que le chanoine accepte avec émotion.

C’est ainsi que François Villon, le poète, naît à l’histoire, et nous fera oublier le nom de Montcorbier.

Mais les temps changent. Il lui reste deux ans d’études en théologie pour préparer et se présenter au doctorat.

Interdit d’entrer en théologie

Chaque année, le roi offre aux cents meilleurs élèves, toutes Facultés confondues, un emploi dans la fonction publique. Cette année-là, le souverain n’octroie que cinquante places dans l’administration civile et cléricale. François n’est pas retenu.

Autre déception : en sa qualité d’étudiant sans ressources, il doit recevoir, comme chaque année, une bourse de la Chancellerie pour se loger et se nourrir. On la lui refuse sans justification. Sur le registre du chancelier, le nom de François de Montcorbier est simplement rayé ! Mais, il y a peut-être une explication.

Depuis 1444 et pour de longues années, l’Université de Paris est en conflit avec le Saint Siège et avec le roi Charles VII : ce dernier, à son tour s’en prend au Pape qui se retourne contre l’Université ! Il en résulte de nombreuses grèves des maîtres et étudiants, des émeutes, des chahuts et autres actions scabreuses sur les deux rives de Paris.

Rien ne dit que François ait participé à ces manifestations de colère mais on l’en a cru capable et c’est sans doute la raison pour laquelle il a été privé de bourse.

Tour de Pet-au-Diable, rue du Tourniquet Saint-Jean, A. Bénard, 1843, Paris, BnF, Gallica.

L’affaire du pet-au-diable

Un soir de 1453, ses diplômes en poche mais empêché de continuer ses études, il est invité à participer à l’enlèvement, dans le cœur de Paris, d’une lourde borne dressée à l’angle d’un portail, et baptisée « Le Pet-au-Diable » selon une vieille légende. Ce n’est qu’une simple farce destinée à se venger d’une femme qui aspergeait les étudiants d’eau quand ils passaient devant sa maison en l’aguichant.

Cependant, des centaines d’étudiants y participent, dont François qui pense s’y amuser. Or, la « plaisanterie » se termine en émeute avec arrestations de quarante étudiants et un procès devant le Parlement de Paris, intenté par le Chancelier de l’Université contre le Prévost, pour usurpation de gouvernance. L ’Université ayant encore sa propre juridiction.

François n’est pas concerné. Prudent, il s’est éloigné à temps, mais il a été reconnu par les sergents du Châtelet venus disperser la foule, sans succès. De retour chez lui, il écrit Le Roman du Pet-au-diable, manuscrit qui n’a jamais été retrouvé... Mais l’a-t-il vraiment écrit ?

Frontispice du Livre IX de Valère Maxime, Les bains publics, Guillaume Vrelant (Atelier de), XVe s., Paris, BnF. L'agrandissement montre une enluminure extraite de l'ouvrage de Boccace, Des femmes nobles et renommées, XVe s., Paris, BnF

 

Premières amours

Déçu par les décisions de la Chancellerie et en colère contre l’Université, le jeune homme interrompt ses études. Guillaume l’incite à ouvrir un cours pour de jeunes élèves, cours qu’il abandonnera quelques mois plus tard.

Portrait présumé de la Grosse Margot dans l'édition originale du Testament, Paris, BnF, Gallica. L'agrandissement est une édition du XVIe s. des oeuvres de François Villon contenant Les Lais, Le Testament, Les Ballades et Poésies, Paris, ed. la Sirène.Entraîné par ses camarades de faculté à la découverte de nouveaux plaisirs, la plupart liés à la prostitution et au brigandage, il se met à fréquenter les bordiaux (bordels), les tavernes mal famées et les femmes faciles, dont la Grosse Margot qu’il rendra célèbre par une ballade du Testament :

Je suis paillard, la paillarde me duit.
Lequel vault mieux ? chacun bien ensemble
L’ung l’autre vault : c’est à mau chat mau rat.

Au cours de ses errances nocturnes, il dérobe dans les jardins et les maisons dont les portes sont mal fermées ou n’existent pas. Dans la journée, il baguenaude.

Dégouté des bordelières (les putains) racolant dans les sombres rues, il tente de se faire aimer par de jeunes bourgeoises. La première, Katherine de Vauzelle, le quittera, après quelques semaines de fol amour, en le promenant, nu, dans la rue Saint-Jacques, le frappant de « La pelle-au-cul », un châtiment prononcé, en principe, par la justice.

La seconde lui volera le peu d’argent qu’il possède, la troisième le traduira devant le tribunal, le dénonçant comme possédé par le Diable ! Après ces échecs, il renonce au fol amour.

L’affaire Sermoise

Le 5 juin 1455, François est assis dans le cloitre de Saint-Benoît avec des amis quand il est interpellé par deux individus. L’un deux, un prêtre nommé Sermoise (ou Chermoyse) se rue sur François, poignard à la main, en l’insultant et lui entaille le visage.

Effrayé par la violence de son agresseur, il sort, pour se défendre, un petit poignard de sous son mantelet au moment où le prêtre le prend à bras le corps pour l’étouffer, s’empalant sur l’arme de François. Le prêtre sera transporté à l’Hôtel Dieu où il décédera trois jours plus tard en demandant que son meurtrier ne soit pas inquiété, lui seul s’avouant l’unique responsable de sa mort.

Prudent, François Villon quitte Paris pour se réfugier à Bourg-la-Reine chez un barbier qu’il connaît, Girard Perrot, grand amateur de fêtes bien arrosées. Au cours de l’une d’entre elles, François succombe aux charmes d’une femme de belle allure, Huguette du Hamel, abbesse de Port Royal !

Le vacarme de ces fêtes fait intervenir les sergents de garde du château. L’un d’eux est frappé par l’abbesse qui le laisse mort sur le pavé. François s’enfuie à nouveau vers Orléans où il s’intègre à une bande de mauvais garçons, sans doute des Coquillards.

Pendant ce temps, Guillaume plaide l’innocence de son élève et obtient du roi une lettre de rémission. Elle confirme la défense légitime de François qui rentre à Paris en janvier 1455.

Bandes de mercenaires ravageant la France pendant la guerre de Cent Ans, Jean Froissart, XVe s., Paris, BnF.

Le laiz

Au printemps 1456, François, après ces années de galère dues à sa vie dissolue, cherche le moyen de se venger de ses persécuteurs quels qu’ils soient et de rendre grâce à ses protecteurs auxquels il doit tant. La liste établie, il va offrir à chacun d’eux un leg sarcastique à double sens.

Ne possédant rien il va offrir le pire à ses ennemis, le meilleur à ses amis. Il intitulera ce long poème de quarante huitains en octosyllabes : Le Laiz. Ses amis vont néanmoins changer le titre en Petit Testament, ce qui ne manquera pas de l’irriter :

(...) je fis à mon partement (départ)
Certains lays, l’an cinquante six,
Qu’aucuns, sans mon consentement
Voulurent nommer Testament ;
Leur plaisir fut, et non le mien.

Testament et Legs n’avaient pas le même sens. On pouvait faire un leg avant un voyage et le reprendre, toujours en vie, au retour, tandis que le testament restait irrévocable, que l’on meure peu après sa rédaction, ou plusieurs années plus tard.

Or, François différencie bien les deux titres. Il écrit Le Laiz avant un voyage dont il sait revenir, et Le Testament se sachant malade et près de sa fin.

Une visite à sa mère

Un après-midi de l’été 1456, François pense à sa mère qu’il n’a pas revue depuis 1438, soit près de vingt ans. Il ignore si elle vit encore et se décide à revoir la cour des loges de l’Arsenal où il naquit. Sa mère est là qui le reçoit avec effusion, bien qu’en fin de vie.
Elle lui demande d’écrire pour elle une Ballade pour prier Nostre-Dame, qu’elle se fera lire et retiendra, de mémoire, jusqu’à son dernier jour qui est proche. François tient sa promesse et écrit cette ballade au nom de sa mère.

Femme je suis pauvrette et ancienne,
De rien ne sait, aucune lettre ne lu,
À l’église je vois, dont je suis paroissienne,
Paradis peint où sont harpes et luths
Et un enfer où damnés sont bouillus ;
L’un me fait peur, l’autre joie et liesse.
En cette foie je veux vivre et mourir.

Le collège de Navarre en 1440, illustration du XIXe siècle, coll. privée.

Vol au Collège de Navarre

Le soir de la Noël de la même année, il soupe avec ses amis mauvais garçons, Colin de Cayeux, Régnier de Montigny et Tabarie et deux autres auxquels, le vin aidant, il révèle un secret : le roi, comme chaque année, a fait porter au Collège de Navarre, prestigieuse École de la Noblesse Française, une bourse de cinq cents écus d’or...

Le vol est aussitôt organisé par François qui dirige ses compagnons. À l’heure de la messe de minuit, les rues sont vides et chacun repart avec son pactole sans être vu de quiconque. Mais François s’inquiète d’éventuelles représailles qui pourraient le conduire à l’échafaud si l’un de ses amis est suspecté et soumis à la question.

Charles d'Orléans (debout, vêtu d'une robe bleue) reçoit l'hommage de son vassal Antoine de Beaumont, enluminure, XVe s., Paris, Archives nationales.Il quitte à nouveau Paris le lendemain, et cette fois il sera absent six années, de décembre 1456 à novembre 1462. Il va errer de Bourg-la-Reine à Angers puis vers Bourges et jusqu’à Blois où il sera invité à la cour du duc d’Orléans, prince et poète lui-même.

Durant son absence, ses trois compagnons sont arrêtés et interrogés devant l’Official de Paris au sujet du vol. Régnier de Montigny sera pendu en 1457, Tabarie est arrêté et soumis à la question pour dénoncer François et pendu en 1458, puis Colin de Cayeux en 1460.

En 1457, François est à Blois où il participe au concours de poésies de Charles d’Orléans autour du thème que le prince impose : je meurs de soif auprès de la fontaine... À chaque poète d’écrire la suite sur le grand livre. Ce poème, écrit de la main de Villon, est le seul autographe que nous possédions de lui.

1461, François est emprisonné à Meung-sur-Loire, sans qu’on en connaisse la raison, dans les geôles de l’évêque d’Orléans, Thibault d’Aussigny qui, selon François, l’aurait agressé sexuellement ou tenté de le faire : « (...) Je ne suis son cerf ni sa biche... » (quatre premiers huitains du Testament).

Par chance, Louis XI qui, le 25 août précédent, a été couronné, fait son tour du royaume et passe, le 2 octobre, par Meung pour se rendre à Orléans. François demande à son geôlier pourquoi cette foule dans les rues et ces réjouissances.

Aussitôt qu’il apprend la visite du roi, il écrit un court poème et le fait porter au souverain par son geôlier lors du passage du cortège royal. Sitôt lu, le roi ordonne la libération de François et expédie quelques jours plus tard l’évêque dans un monastère isolé, perdu dans les montagnes...

Le Testament

François est enfin libre. Sur une requête qu’il adresse au duc de Bourbon, il rejoint Moulins où il est reçu par le prince. Mais il se brouille avec lui et revient vers Paris en novembre, sans doute à Bourg-la-Reine chez son ami barbier.

Le poète François Villon écrivant son testament entouré par différents épisodes de sa vie, gravure, Gustave Janet.Il y écrit Le Débat du cœur et du corps, La Ballade de la Fortune,... puis, et surtout de décembre 1461 à mars 1462 son œuvre maîtresse : Le Testament.

Contrairement au Laiz, qui est une « parodie » le Testament est écrit à partir de faits réels vécus par François. Il y exprime ses sentiments, des réflexions sur sa pauvre vie, sur ce qu’il a subi de ceux et celles qui l’ont fait souffrir.

D’autre part, la forme est construite sur le modèle des vrais testaments, juridiquement définis, dont il eut sans doute connaissance en écoutant Maître Guillaume relater les conflits juridiques. Ce long poème de cent quatre-vingt-six huitains, est augmenté de dix-neuf ballades et pièces antérieures plus tard insérées dans le Testament, soit 2023 octosyllabes !

Retour à Paris

François revient à Paris en novembre 1462. Pas de chance. Il est aussitôt arrêté et incarcéré, du 3 au 7 novembre, au Grand Châtelet pour le vol au Collège de Navarre. Soumis à la question, il est défendu par la Faculté de Théologie qui le fait libérer en contrepartie d’une promesse de remboursement de cent vingt écus d’or...

Décembre 1463. En rentrant d’un souper, François et ses nouveaux compagnons, passent devant l’étude d’un notaire royal, Ferrebourg, rue de la Parcheminerie. Les bureaux de l’étude, éclairés de chandelles, vitrés, donnent sur la rue.

Pris de boisson, l’un des compagnons brise une vitre, agresse un copiste et répand un flacon d’encre sur les documents. S’ensuit une rixe. Le notaire s’en mêle. Il est blessé. Les sergents du guet, alertés, viennent arrêter les agresseurs, dont François qui est incarcéré au Grand Châtelet avec ses compagnons.

Édition du XVIe s. des oeuvres de François Villon contenant Les Lais, Le Testament, Les Ballades et Poésies, Paris, ed. la Sirène. L'agrandissement montre La ballade des pendus - Épitaphe de François Villon - fac-similé de 1489 par Pierre Levet.

S’attendant à être pendu, et dans l’attente du verdict, il écrit pour lui et ses comparses son plus célèbre poème, La Ballade des pendus :

Représentation romantique du gibet de Montfaucon, Firmin Maillard, Paris, éd., 1863, Paris, Gallica. L'agrandissement montre le Supplice des Amauriciens. (Le gibet de Montfaucon est bien visible à l’arrière plan), Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460, Paris, BnF.Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieux en aura plustost de vous merci.
Vous nous voyez cy attachéz cinq, six,
Quant de la chair que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous les os devenons cendre et pouldre.
De notre mal personne ne s’en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

À l’issue du procès, il est effectivement condamné à être pendu et étranglé. Il attend de rejoindre le sinistre gibet de Montfaucon (à Paris, 53-57, rue de la Grange aux Belles, près de l'actuelle place du colonel Fabien).

Mais par une intuition de génie, il demande grâce par un poème, La Requête de Villon à la Cour du Parlement, vivement écrit et remit au tribunal. Le jugement est ainsi annulé le 5 janvier, mais, « en raison de sa mauvaise vie », il est banni de la Ville, de la Prévôté et Vicomté de Paris pour dix ans...

Non content de cet arrangement, il obtient, par un autre poème, Ballade de l’appel de Villon, de rester encore trois jours à Paris pour dire adieu à ses amis et trouver un peu d’argent pour le voyage… Il avait oublié qu’il avait cent vingt écus d’or dans sa poche !

Enluminure représentant une danse macabre, Livre d'heures de Catherine de Rohan et de Françoise de Dinan, XVe s., bibliothèque municipale de Rennes. L'agrandissement montre un panneau de la fresque de la Danse Macabre de l'abbataiale de la Chaise-Dieu en Auvergne. « La Danse macabre de Villon, c'est le Testament tout entier. » (Jean Favier).

L’exil

À partir de la mi-janvier 1463, nous ne savons rien de ce qu’est devenu François Villon. Aucune trace de lui aux alentours de Paris, ni vers le monastère de Saint-Maixent que Guillaume lui avait recommandé de rejoindre, où il avait un membre de sa famille qui le recevrait. Il faut encore moins croire en la fable de Rabelais qui relate un voyage de François en Angleterre...

François avait trente-deux ans, il était malade, faible, et pressentait sans doute qu’il n’avait plus que peu de temps à vivre. Il l’écrit à la fin du Testament :

Portrait présumé du poète gravé à la tête de ses Å“uvres publiées par Jean Tréperel en 1497.  L'agrandissement présente un portrait imaginaire de François Villon, lithographie de Ludwig Rullmann, XIXe siècle.Ici se clôt le Testament
Et finit du pauvre Villon.
Venez à son enterrement
Quand vous orrez le carillon...
Et il ajoute dans les trois derniers huitains :
... j’ordonne à Sainte-Avoye,
Et non ailleurs, ma sépulture ;
De tombe ? Rien. Je n’en ay cure.

... vueil qu’autour de ma fosse
Ce qui s’ensuyt, sans autre histoire,
Soit escript, en lettres assez grosse...
De charbon soit, ou pierre noire,
Au moins sera de moy mémoire.

Cy gist et dort en ce sollier,
Q’ Amour occist de son raillon,
Ung pouvre petit escollier,
Qui fut nommé François Villon.

Quant à son maître Guillaume de Villon, il quitta ce monde en 1468, âgé de soixante-dix ans.

Les grandes dates des éditions des œuvres de François Villon

1468 – Publication du Franc archer de Bagnolet.
1480 – Publication des Repus Franches de François Villon et ses compagnons.
1489 – Publication par Levet du Laiz, du Testament, avec bois gravés.
1533 – Publication des œuvres de François Villon par Clément Marot. À la demande de François Iᵉʳ, Marot corrige, selon lui, un millier de vers de François Villon… en réalité, une dizaine !

Bibliographie

François Villon, naissance d’une vocation, Roger Jouan, Riveneuve éditions, Paris, Mai 2019,
Villon, Paris sans fin, J. Dérens, J. Dufournet et M. Freeman, avec la collaboration de Roger Jouan, Paris bibliothèques éditions/Le Passage Paris-New York, Paris 2005,
Villon, poète de Paris, Jean Dérens, avec la collaboration de Roger Jouan, Paris bibliothèque éditions, Paris, 2003.

Publié ou mis à jour le : 2020-07-30 21:18:53

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