2000 av. J.-C.

Babylone, la Porte des dieux

Vers 2000 av. J.-C., en Mésopotamie, l'effondrement des cités sumériennes - Our en particulier - ouvre la voie à de petits royaumes indépendants. L'un d'eux va connaître un destin exceptionnel. Il s'organise autour de la cité de Babylone, dans une région appelée Babylonie (plus tard Chaldée), qui occupe l'ancien pays d'Akkad.

Une ville d'exception

Les habitants de cette région parlent l'akkadien (ou le chaldéen). Comme toutes les langues de la famille sémitique, l'akkadien se reconnaît à la racine El ou Balqui désigne la divinité. On en suit la trace de l'Arabie (Allah) à Carthage (Hanni bal) en passant par la Phénicie, la Palestine et bien sûr la Chaldée.

Dans cette langue, le nom même de Babylone signifie « porte des dieux » (de Bab, porte, et El, Dieu). Autant dire que cette ville est dès sa création vouée à un destin exceptionnel ! Effectivement, pendant une quinzaine de siècles, jusqu'à sa conquête par Cyrus le Grand (539 av. J.-C.), elle va rayonner sur le Moyen-Orient avec un prestige comparable à celui de Paris aujourd'hui.

La ziggourat de Babylone, vue par le peintre flamand Pieter Brueghel l'Ancien

La langue de Babylone, transcrite en caractères cunéiformes, sera d'ailleurs longtemps la langue internationale par excellence... d'où le mythe d'une langue unique à l'origine de l'humanité, que l'on retrouve dans la Bible à propos de l'histoire de la tour de Babel (Babel  étant bien sûr une déformation de Babylone et la tour elle-même une réminiscence de la ziggourat du dieu Mardouk).

Le premier empire babylonien

Infiltrée par des populations venues d'Arabie septentrionale, qualifiées d'Amorrites, Babylone connaît une première dynastie royale issue de ces populations.

La porte d'Ishtar et la voie processionnelle à Babylone (reconstitution de Pierre Bardin, 1936)La ville atteint son apogée sous le règne du roi Hammourabi (1792 à 1750 av. J.-C.), sixième souverain de la dynastie amorrite.

Ce premier empire babylonien est ruiné vers 1595 av. J.-C. par les Hittites sous la conduite de leur roi Mursili.

Les Hittites, nouveaux venus au Moyen-Orient, sont un peuple de langue indo-européenne établi au coeur de la Turquie actuelle en un royaume du nom de Hatti. Leur capitale est Hattousa. Ils ont l'avantage sur leurs voisins de maîtriser la métallurgie du fer et non plus seulement du bronze. Leur armement s'avère plus résistant et c'est ainsi qu'ils abattent l'empire babylonien.

Les Hittites portent par ailleurs des coups mortels à une puissance apparue sur le cours supérieur de l'Euphrate le Mitanni. L'affaiblissement du Mitanni favorise l'éveil d'un peuple rude et pauvre des confins montagneux de la Mésopotamie, les Assyriens.

Les Assyriens ont même culture que les Babyloniens et comme eux, parlent l'akkadien, une langue sémitique. Ils envient le raffinement de leurs cousins du sud mais sont eux-mêmes plus brutaux et plus rustres.

Les empires du Moyen-Orient au Ier millénaire av. J.-C.

Cliquer pour agrandir la carte
Les premiers empires universels apparaissent au Moyen-Orient au Ier millénaire avant notre ère : Hittites, Mitanni, Assyrie, Babylone, Perse...

Intermède assyrien

À la fin du IIe millénaire, Babylone passe sous la coupe des Kassites, un peuple venu de l'Est. À partir d'environ 900 av. J.-C., les rois de Babylonie et d'Assyrie cultivent de bons rapports de voisinage et marient leurs enfants les uns avec les autres pour éviter d'avoir à se faire la guerre.

Les Assyriens n'en dévastent pas moins Babylone une première fois en 814-811. Un siècle plus tard, le roi assyrien Sennachérib engage le fer c er contre les Chaldéens qui règnent à Babylone. Après plusieurs campagnes, il se résout à détruire la ville sainte jusqu'aux fondations en 689 av. J.-C..

Son fils Assarhaddon (en anglais Asarhaddon) lui succède en 681 avant JC. Tenaillé par de multiples maladies, il attribue celles-ci à une punition du ciel et, pour s'en faire pardonner, reconstruit Babylone et lui restitue une partie de sa splendeur passée.

Le renouveau de Babylone

Un lion en briques vernissées (Babylone)Nabopolassar, gouverneur de Babylone, s'allie à Cyaxare, le roi des Mèdes, un peuple de l'Iran actuel, et porte le coup de grâce à la monarchie assyrienne. Le 23 novembre 626 av. J.-C., il fonde la dynastie néo-babylonienne (aussi appelée chaldéenne) et restaure le prestige de Babylone.

Son fils Nabuchodonosor ne va pas montrer moins de talent dans le gouvernement de l'empire.

Enrichi par ses conquêtes, il hisse la ville à son maximum de splendeur. Il édifie les jardins suspendus (pour l'agrément de son épouse, fille du roi mède Cyaxare, nostalgique des montagnes de Médie). Il fait construire un grand pont sur l'Euphrate et aménage des canaux autour de la ville.

Il reconstruit les remparts, avec une double enceinte et cent portes monumentales en briques vernissées, telle la porte d'Ishtar, ouvrant sur une majestueuse Voie processionnelle. Il reconstruit aussi l'Esagil (le temple de Mardouk, dieu principal de Babylone) et l'antique ziggourat (l'Etemenanki).

Les réalisations de Nabuchodonosor consacrent Babylone comme la cité la plus prestigieuse de l'Orient antique. D'ailleurs, remparts et jardins suspendus figurent parmi les Sept Merveilles du monde antique répertoriées par les Grecs.

Nabuchodonosor se signale aussi par la répression d'une nouvelle rébellion en Judée, une province périphérique de son empire. Il déporte une bonne partie de leurs habitants en Babylonie selon un procédé habituel de l'époque. Cet exil de Babylone lui vaudra d'être voué aux gémonies par les rédacteurs de la Bible !

Déclin de Babylone et tutelles étrangères

L'empire néo-babylonien de Nabopolassar et Nabuchodonosor n'aura cependant qu'une existence éphémère.

À la mort de Nabuchodonosor (562 av. J.-C.), son fils, son gendre et son petit-fils se succèdent dans des conditions dramatiques avant qu'en 556 av. J.-C., un usurpateur nommé Nabonide s'empare du trône. Religieux et traditionnaliste, il s'exile pendant plusieurs années à Teima, dans le nord-ouest de l'Arabie, laissant le gouvernement de l'empire à son fils Balthazar. Celui-ci lui succède enfin en 548 av. J.-C. mais il est lui-même chassé par l'invasion perse... Ces épisodes de l'histoire babylonienne sont transfigurés par la Bible judaïque dans le Livre de Daniel.

En 539 avant JC, Cyrus le Grand, Roi des Perses et des Mèdes, s'empare de toute la Mésopotamie, y compris de la prestigieuse Babylone, réduite désormais à n'être plus qu'une ville provinciale. Il délivre au passage les Hébreux.

Babylone reprend espoir avec l'irruption d'Alexandre le Grand. Le conquérant macédonien entre dans la ville en 331 av. J.-C. et songe à en faire la capitale de son empire, unissant l'Orient perse et l'Occident héllénique. Il engage de grands travaux dans la cité et restaure le magnifique temple consacré à Mardouk, le dieu de Babylone. Malheureusement, Alexandre ne revient à Babylone huit ans plus tard que pour y mourir. Avec l'éclatement de son empire, le rêve babylonien s'évanouit à jamais.

Le général Séleucos 1er, qui gouverne la région après la mort d'Alexandre, transfère sa capitale dans un camp grec du nom de Ctésiphon, aujourd'hui dans la banlieue sud de Bagdad. Le site de Babylone, qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres carrés, revient alors peu à peu à la steppe après avoir donné vie à cette cité qui rayonna si longtemps sur l'Orient civilisé.

Disputée entre les Perses et les Romains, la Mésopotamie tombe beaucoup plus tard sous la coupe des Arabes. Elle retrouve un rôle de première importance avec la fondation sur les bords du Tigre de Bagdad (en persan, le « Don de Dieu ») et la montée en puissance de l'empire abbasside, qui atteint son apogée sous le règne du calife Haroun al-Rachid, en 786 de notre ère.

Fabienne Manière
Babylone biblique

Le souvenir amer de leur exil, au temps de Nabuchodonosor, va entretenir chez les Hébreux la détestation de Babylone. La ville, longtemps après sa disparition, va être érigée en symbole universel de toutes les turpitudes humaines dans la Bible hébraïque mais dans les écrits chrétiens.

L'Apocalypse de Saint Jean, dernier texte du Nouveau Testament l'évoque en ces termes :
Alors, Dieu se souvint de Babylone la grande,
pour lui donner la coupe où bouillonne le vin de sa colère.(...)
Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui réside au bord des océans (...)
Babylone la grande, mère des prostituées et des abominations de la terre (...)
Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande,(...)
O grande cité, Babylone cité puissante, il a suffi d'une heure pour tu sois jugée !
La grande cité dont l'opulence a enrichi tous ceux qui ont des vaisseaux sur la mer,
il a suffi d'une heure pour qu'elle soit dévastée !
Réjouis-toi de sa ruine, ciel !.
.. (traduction oecuménique de la Bible).

Le symbole de Babylone va être récupéré par les prédicateurs de la Réforme, à commencer par Martin Luther, pour désigner Rome, siège de la papauté honnie.

Jusqu'à nos jours, Babylone va faire l'objet de tous les fantasmes, moins à cause de son Histoire que de la Bible ! Il n'est pas jusqu'au cinéma qui ne cède à ce mythe, comme l'atteste le film de David Griffith Intolerance (1916), célèbre bien que n'étant plus guère regardé...

Intolerance (Griffith, 1916)


Publié ou mis à jour le : 2024-09-10 09:11:50

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net