Elle partage nos vies et fait partie de nos obsessions sans même que l'on s'en rende compte. Qui en effet peut prétendre se passer de l'eau ? S'en éloigner est même un déchirement si l'on en croit les 90 % de la population mondiale qui vit à moins de 10 km d'une étendue d'eau douce. Mais l'adorer ne signifie pas lui passer tous ses caprices, au contraire : on a sans cesse cherché à maîtriser cette farouche pour mieux l'exploiter et finalement bâtir nos plus belles civilisations grâce à son aide.
Auprès de mon eau...
Que diriez-vous d'un petit coin douillet, frais et ombragé pour faire un pique-nique ? Comme nous, nos ancêtres de la Préhistoire avaient bien compris l'intérêt de se rapprocher des points d'eau pour avoir à portée de main de quoi étancher leur soif, voire se mettre sous la dent quelque espèce de poisson peu farouche. Mais quand le mauvais temps arrive, une bonne grotte est la bienvenue !
C'est ainsi que les abris sous roche doivent en partie leur succès au confort qu'ils offraient contre la pluie et le froid. Puis nos ancêtres ont de plus en plus souvent préféré, à la grotte, des habitats sommaires qui leur permettaient de se déplacer plus facilement, mais toujours à proximité d'une source ou d'une rivière. Cela explique qu'en France, les vallées de la Dordogne ou de la Vézère soient devenus des lieux « fréquentés » grâce à leurs charmes très aquatiques.
Ce petit futé de Neandertal ne s'est pas contenté d'un toit sur la tête. Équipé d'une bonne outre, certainement confectionnée à partir de la vessie ou la panse d'un animal, il s'est aménagé ce qui ressemble bien à des cuisines primitives : dans l'abri de Romani, occupé il y a 60 000 ans, tout indique en effet la présence d'un point d'eau chauffé avec des pierres brûlantes, peut-être pour faire mijoter de bons petits plats. Un luxe qui avait un bel avenir devant lui !
Le triomphe de la cruche et de la rigole
Au Néolithique, on ne se contente plus d'improviser, on s'organise pour recueillir, transporter et conserver l'eau dans des poteries de plus en plus perfectionnées. Il devient aussi évident que l'on se marche un peu trop sur les pieds aux abords des cours d'eau. Il faut trouver une solution pour abreuver ce petit monde, et cette solution va venir des profondeurs de la terre : le puits !
Il arrive à point nommé puisqu'à partir de 8 000 av. J.-C., nos vieux chasseurs-cueilleurs du Proche-Orient se creusent les méninges pour quitter leur mode de vie nomade et passer le virage de l'agriculture. Cela sera fait en beauté grâce à la mise en œuvre de la domination de l'eau qui permet l'agriculture.
Après avoir fait confiance au ciel pour arroser les plantes, les premiers cultivateurs se sont vite rendu compte qu'il leur fallait créer des systèmes artificiels d'irrigation pour une plus grande régularité et donc un meilleur rendement. Pour commencer, un simple chadouf, système primitif de levage, fit l'affaire.
Puis l'ingénieur et le potier s'allièrent pour imaginer la noria qui permet de redistribuer l'eau grâce à des godets attachés à une roue.
Les premiers canaux, creusés au Ve siècle avant J.-C. en basse Mésopotamie (« le pays d'entre les deux fleuves ») par les Sumériens, sont vite accompagnés de barrages et de réservoirs tandis que les digues permettent de contrôler un élément qui reste dangereux. Le Tigre, l'Euphrate et leurs affluents peuvent en effet se montrer impitoyables dans ce pays relativement plat.
Mais à grands coups de pioche on canalise, on arrose, on draine... bref, on maîtrise enfin l'eau ! Les champs sortent de terre dans ce qui devient un Croissant fertile tandis que fontaines et jardins donnent aux premières villes un petit côté paradisiaque, bienvenu dans ces régions chaudes.