Les services secrets figurent en bonne place comme pourvoyeurs de « loups solitaires » et peuvent être tenus pour les instigateurs de multiples attentats. Ils ont stipendié nombre d’assassins de personnalités ou entretenu des liens avec eux. Le plus souvent, l’écheveau des responsabilités reste cependant complexe à démêler car les informations sont parcellaires et difficiles à vérifier.
Le 14 septembre 1911, le Premier ministre russe, Piotr Stolypine, est abattu de deux coups de fusil alors qu’il assiste en présence du tsar à une représentation du Conte du tsar Saltan, de Rimski-Korsakov, à l'opéra de Kiev. Grièvement blessé, il décède 4 jours plus tard.
Le meurtrier est un certain Dmitri Bogrov. Âgé de 24 ans, celui-ci est issu d’un milieu aisé, exerce la profession d’avocat et est membre du Parti socialiste révolutionnaire. Condamné à mort par le tribunal militaire, il est exécuté le 24 septembre sans avoir expliqué son acte. Bogrov a-t-il agi pour des raisons politiques ou par haine personnelle contre Stolypine ?
On sait que le meurtrier était depuis 1906 un indicateur de l'Okhrana, la police secrète du tsar, et il informait sur les activités des anarchistes et des socialistes révolutionnaires. L’hypothèse d’une intervention de l’Okhrana pour éliminer un Premier ministre trop réformiste ne peut par conséquent pas être exclue.
Héros de l’indépendance ukrainienne durant la révolution russe, Simon Petlioura quitte l’Ukraine en octobre 1920 après la proclamation de la République socialiste soviétique ukrainienne.
Il se réfugie en France en 1924 où il continue de lutter pour l’indépendance de son pays en faisant paraitre des revues. Le 25 mai 1926, il est abattu, rue Racine, par Sholem Schwartzbard, un révolutionnaire juif, né en Russie mais naturalisé français un an plus tôt.
Âgé de 40 ans, l’assassin a une longue expérience des armes : il a participé à la révolution russe de 1905, a pris part à des braquages dans l’empire austro-hongrois et s’est engagé dans la Garde rouge et dans la Tchéka. Déçu par la révolution, il a quitté la Russie en 1920 pour s’installer à Paris où il continuait à fréquenter un groupe d’exilés anarchistes.
Durant son procès, Schwartzbard explique qu’il a assassiné Petlioura parce que celui-ci était responsable des pogroms contre les juifs ukrainiens lors de sa prise de pouvoir.
C’est d’ailleurs suite à son procès qu’est créée la Ligue contre les Pogroms, ancêtre de la LICRA.
Soutenu par L’Humanité et défendu par Henry Torres, le meurtrier obtient l’acquittement.
Libre, l’assassin de Petlioura se consacre à la poésie et publie son autobiographie.
Il mourra en Afrique du Sud en 1938. Durant son procès, les services secrets français ont cependant été avertis par leurs confrères allemands que Schwartzbard était un agent du Guépéou (futur NKVD) et qu’il aurait assassiné Petlioura sur ordre de l’ambassadeur soviétique à Paris, Christian Rakovski…
Nationaliste bulgare, Vlado Tchernozemski adhère à 25 ans à l'Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, alors en lutte pour le rattachement de territoires macédoniens yougoslaves à la Bulgarie. Il participe à des actions commandos en Yougoslavie et s’illustre comme l’un des combattants les plus impitoyables de l’organisation.
En 1924, il assassine le président du parti communiste bulgare. Il parvient à s’évader et est condamné à mort par contumace. Durant sa cavale, il se rend en Croatie pour former au terrorisme les séparatistes oustachis. Proches des fascistes italiens, ces derniers cherchent à éliminer le roi de Yougoslavie, Alexandre Ier, qu’ils accusent de privilégier les Serbes au dépend des autres peuples du royaume.
Le 9 octobre 1934, le roi en tournée diplomatique en France, débarque à Marseille. Accueilli par le ministre des Affaires étrangères, Louis Barthou, il monte en voiture pour rejoindre la gare Saint-Charles. Présent sur le cortège, Tchernozemski bouscule le service d'ordre, fonce sur la voiture, grimpe sur le marchepied et abat le roi.
Dans la panique qui suit, des policiers du service de sécurité font feu dans tous les sens. Une dizaine de personnes sont touchées par des balles perdues, dont le ministre Berthou qui décède durant son transfert à l’hôpital. Tchernozemski trouve également la mort dans la fusillade. On ignore encore aujourd’hui qui des Oustachis, de l’ORIM ou même de l’Allemagne nazie fut le véritable commanditaire de l’attentat.
Né à Barcelone en 1913, Ramon Mercader est le fils d’une aristocrate d’origine cubaine. Acquis très tôt aux idées communistes, il s’engage à 23 ans dans l'armée républicaine espagnole et devient un agent du NKVD soviétique.
Chargé d’abord d’infiltrer les milieux trotskystes à Paris, il se voit confier en 1939 la mission d’éliminer Léon Trotsky, ennemi numéro un du régime et réfugié au Mexique.
Le 21 juillet 1940, se faisant passer pour un journaliste canadien, il est reçu par Trotsky dans sa villa à Mexico et l’assassine d’un coup de pic à glace dans le crâne. Arrêté, il est condamné à 20 ans de prison.
La police mexicaine mettra dix ans à découvrir sa véritable identité. Sa peine purgée, Mercader s’installe en URSS où les autorités lui accordent une rente, un appartement et une datcha de vacances.
Il se voit également décerné le titre de « héros de l’Union Soviétique » et est (discrètement) décoré de l’Ordre de Lénine. S’acclimatant mal à la Russie, il émigre finalement à Cuba où il meurt en 1978. Ses cendres seront transférées à Moscou, au cimetière de Kountsevo, où l’on peut lire sur sa tombe : « Ramon Ivanovitch Lopez, héros de l’Union Soviétique ».
Chef du gouvernement de Vichy de février 1941 à avril 1942, l’amiral Darlan se trouve par hasard à Alger lors du débarquement allié du 8 novembre 1942.
Peu coordonnés avec les Forces françaises libres (de Gaulle n’a même pas été prévenu du débarquement !), les Américains font de Darlan leur principal interlocuteur pour mettre fin aux combats à Oran et au Maroc. Avec réticences, l’amiral accepte de signer un armistice et se rallie aux Américains.
Il se voit alors propulsé à la tête du nouveau pouvoir exécutif, le Haut-commissariat de France en Afrique du Nord. Cette nomination du dauphin de Pétain, lourdement compromis dans la collaboration, est fort mal accueillie par les groupes résistants d’Afrique du Nord qui craignent qu’elle rende impossible toute union entre l’armée d’Afrique et les Forces françaises libres.
Le 24 décembre 1942, Darlan est abattu dans l'ancien palais d’été du dey, où le nouveau pouvoir s’était installé. Son meurtrier a été aussitôt appréhendé. Il s’agit d’un jeune résistant de 20 ans, Fernand Bonnier de La Chapelle. Ce dernier s’était résolu à assassiner l’amiral, après avoir été absous à l’avance par l’abbé Cordier et s’être vu assuré par Henri d’Astier de la Vigerie, l’un des chefs de la résistance en Afrique du Nord, qu’il échappera à la justice.
L’identité des commanditaires du meurtre est aujourd’hui encore incertaine. Sont suspectés le comte de Paris, le général de Gaulle et les services secrets britanniques. Bonnier de La Chapelle sera quant à lui condamné à mort à l’issue d’un procès expéditif et exécuté le 26 décembre.
À la libération, il sera réhabilité par la chambre des révisions de la cour d’appel d’Alger qui jugera que son crime avait été accompli « dans l’intérêt de la libération de la France ». Sur sa tombe figure l’inscription : « Mort pour la France ».
Entre 1963 et 1968, trois personnalités politiques de premier plan sont assassinées aux États-Unis, dans des circonstances très troublantes.
Le 22 novembre 1963, le président John Fitzgerald Kennedy est abattu à Dallas. Arrêté une heure plus tard dans un cinéma, le principal suspect est Lee Harvey Oswald, un ex marine de 24 ans. Acquis aux idées marxistes, il a séjourné deux ans en URSS et est marié à une soviétique.
Suivi par le FBI, il aurait précédemment tenté d’assassiner le général Walker, un homme politique texan violemment anticommuniste et aurait tenté d’obtenir un visa pour Cuba. Alors qu’il nie tout en bloc, Oswald est abattu deux jours plus tard dans les locaux de la police de Dallas par un mafieux notoire, Jack Ruby, empêchant tout procès.
En septembre 1964, la commission Warren conclura qu’Oswald a agi seul mais son rapport sera vivement critiqué. Nous ne saurons probablement jamais si Lee Harvey Oswald est l’assassin du président Kennedy où s’il n’a été qu’un pigeon utilisé par les vrais commanditaires (au choix : CIA, mafia, anticastristes, lobby pétrolier texan…)
Le 4 avril 1968, Martin Luther King est abattu sur le balcon d’un motel de Memphis, la veille d’une marche pacifiste. Malgré la présence d’une soixantaine d’agents, le tireur est parvenu à s’enfuir. Des empreintes permettent cependant de l’identifier : il s’agit d’un certain James Earl Ray.
Fiché par la police, celui-ci n’a pas du tout le profil d’un fanatique prêt à tuer par idéologie. Il s’agit d’un truand de seconde zone, âgé de 40 ans, récemment évadé de prison et sans aucun passé militant.
Après 111 jours de cavale, Ray est finalement arrêté à l’aéroport de Londres Heathrow alors qu’il tente de rejoindre Bruxelles. Tout indique qu’il a bénéficié de complicité.
Afin d’éviter la peine de mort, Ray choisit de plaider coupable et suite à un accord avec la partie civile, il est condamné à 99 ans de prison, sans procès.
Mais sitôt sa condamnation prononcée, il se rétracte et jusqu’à sa mort en 1998, il proclamera son innocence, affirmant n’avoir été que le pion d’une conspiration. De nombreux doutes subsistent sur son rôle exact dans le meurtre.
Trois mois seulement après le meurtre de Martin Luther King, l’Amérique est frappée par un nouvel assassinat spectaculaire.
Dans la nuit du 4 au 5 juin 1968, quelques heures après avoir remporté une victoire cruciale dans la course à la Maison Blanche, le sénateur Robert Kennedy, frère du président assassiné, est abattu à Los Angeles dans les cuisines de l’hôtel où il fêtait sa victoire avec ses partisans.
Se trouvant d’un état de totale hébétude, le tireur est immédiatement arrêté. Il s’agit d’un palestinien de 25 ans, Sirhan Sirhan, qui aurait agi par antisionisme, un an jour pour jour après le déclenchement de la guerre des Six Jours.
Prétendant durant son procès n’avoir aucun souvenir du meurtre, il est condamné à la peine de mort, peine finalement commuée en prison à perpétuité. Comme pour les deux précédents assassinats, cette affaire contient certaines zones d’ombre et l’hypothèse d’un second tireur a même été évoquée.
• 29 juin 1992 : Boudiaf, espoir trompé
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Ratfucker (21-07-2024 20:18:10)
Omission dans le profil de Sholem Schwartzbard: Il s'engage dans la Légion étrangère, ainsi que son frère, le 24 août 1914, peu après le début de la Première Guerre mondiale. Au sein du 363e r... Lire la suite