26 octobre 2019

À quoi sert encore l’OTAN ?

Divisée et affaiblie par le retrait américain de Syrie, l’Alliance atlantique voit ses principes fondamentaux remis en cause, écrivent Nathalie Guibert et Jean-Pierre Stroobants (Le Monde, 26 octobre 2019). Leur analyse rejoint la nôtre...

source : RTS (Radio-Télévision Suisse), 10 mai 2019

Le retrait des soldats américains de la zone frontalière syro-turque, sur décision du président américain, a permis à l'armée turque d'envahir cette zone et d'en chasser les miliciens kurdes, devenus encombrants depuis leur victoire chèrement payée sur l'État islamique, Daech (onze mille morts côté kurde, dix-sept côté américain).

Ce faisant, États-Unis et Turquie, alliés au sein de l'OTAN, ont montré aux Kurdes et au reste du monde ce qu'il en coûte de faire confiance à l'alliance.

L'Europe, au sein de l'alliance et au Moyen-Orient, apparaît plus que jamais absente, réduite au rôle de potiche. La décision unilatérale de Donald Trump de retirer ses soldats témoigne une nouvelle fois, après la rupture des traités sur le climat et le nucléaire iranien, du mépris dans lequel l'Amérique tient ses « alliés » européens. Elle enfreint ouvertement la règle qu'avait fixée le président Trump lui-même à propos des interventions coalisées : « On entre ensemble, on sort ensemble. »

L'OTAN, un garant de liberté devenu facteur de désordre

Conçue il y a 70 ans pour protéger l'Europe occidentale contre la menace soviétique, l'alliance de l'Atlantique Nord (OTAN) a perdu sa raison d'être il y a 30 ans avec la chute du Mur de Berlin et la fin de l'URSS.

Qu'à cela ne tienne, l'OTAN a étendu son champ d'intervention, souvent au détriment de l'ONU, jusqu'à compter aujourd'hui 30 membres (le dernier en date étant la Macédoine du Nord) avec un budget annuel de près de mille milliards de dollars (55% des dépenses militaires mondiales) !

Paradoxalement, après avoir vaincu l'URSS et le Pacte de Varsovie sans combattre, l'alliance multiplie les recours à la force en échouant à chaque fois de façon piteuse. D'abord en 1999 en attaquant la Serbie et « libérant » le Kossovo, devenu un État mafieux au cœur de l'Europe. En envahissant en 2001 l'Afghanistan des talibans islamistes et surtout en 2003 l'Irak de Saddam Hussein, ancien allié de l'Occident contre l'Iran de Khomeiny. Ces interventions ont entraîné tout le Moyen-Orient dans un chaos sans précédent sans pour autant éliminer les talibans ! Et que dire de l'attaque sur la Libye en 2011, dont nous payons les conséquences chaque jour avec l'afflux de migrants clandestins au départ de ses côtes ?

Plus gravement encore, l'OTAN est devenue un facteur de division et donc d'affaiblissement de l'Union européenne en s'étendant jusqu'aux frontières de la Russie et en réactivant une pseudo-« guerre froide » avec celle-ci, qui ne représente plus de menace pour quiconque mais doit au contraire se protéger sur toutes ses frontières (les plus longues du monde).

Cette pseudo-« guerre froide » est une grande satisfaction d'amour-propre pour les États est-européens et même scandinaves qui rêvent de revanche sur l'« ogre russe » mais une désolation pour les États ouest-européens dont la France qui regrettent de ne pouvoir développer des liens avec ce pays proche et immensément riche en ressources minières et énergétiques.

Quelques dirigeants prennent conscience du tort croissant que leur fait l'OTAN. Parmi eux, le président Macron qui en vient à constater que l’OTAN est « en état de mort cérébrale » (note). C'est que les États-Unis d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose de commun avec la superpuissance triomphante et chaleureuse des années d'après-guerre. Quant à la Turquie d'Erdogan, elle ne manque pas une occasion d'affaiblir l'Union et de contester les principes sur lesquels elle a été fondée...

L'Union européenne est aujourd'hui confrontée à un choix déterminant :
• Demeurer dans l'OTAN et l'alliance américaine avec un statut de protectorat, sans avoir voix au chapitre sur les questions de souveraineté : stratégie, alliances, diplomatie, traités, économie et même fiscalité (voir la difficulté d'imposer les bénéfices astronomiques des GAFA, géants américains de l'internet).
• S'émanciper de l'OTAN et adopter une diplomatie et une stratégie strictement conformes aux intérêts supérieurs de l'Union européenne, ce qui veut dire un rapprochement avec l'Iran, un apaisement des relations avec la Russie et une grande fermeté envers la Turquie et l'Arabie, soit tout le contraire des priorités des États-Unis d'aujourd'hui...

André Larané

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