31 mai 1920

Frossard et Cachin au pays des Soviets

Le 31 mai 1920 au soir, deux voyageurs singuliers partent en train de Paris à destination de Moscou. L’un, Louis-Oscar Frossard, Belfortain de 31 ans, est le secrétaire de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) ; l’autre, Marcel Cachin, Breton de 51 ans, est député socialiste et directeur de L’Humanité.

La Grande Guerre a rebattu les cartes politiques en Europe, notamment au sein des forces de gauche car elle a accouché de la Révolution d’Octobre qui a permis à Lénine de prendre le pouvoir en Russie en 1917.

Les partis socialistes européens sont amenés à se positionner par rapport à ce nouveau régime qui se réclame du socialisme marxiste. La SFIO elle-même est divisée entre partisans (Frossard, Cachin) et adversaires (Blum, Faure) de l’adhésion à la Troisième Internationale communiste (Komintern) créée en 1919, qui est aux ordres de Lénine et vise à fédérer le maximum d’organisations socialistes.

C’est ce débat qui justifie le voyage de Frossard et Cachin à Moscou. Leur mission ? Observer le régime bolchevique et négocier un éventuel ralliement de leur parti à la IIIe Internationale.

Jean-Pierre Bédeï

Ludovic-Oscar Frossard (à gauche) et Marcel Cachin (à droite) en 1929.

Mission observation 

Le Kremlin à Moscou en 1920.Nos deux voyageurs entament leur long périple par Berlin où ils arrivent le 2 juin, puis par l’Estonie, avant qu’il ne les mène à la frontière russe puis à Petrograd (le nom russifié de Saint-Pétersbourg). Ce n’est que le 15 juin que les deux émissaires socialistes foulent le sol moscovite. Tout au long de leur séjour (un mois et demi), les deux hommes consigneront leurs impressions quotidiennement. 

Ils arrivent dans un pays ravagé et désorganisé par la guerre civile qui sévit entre les Rouges (les bolcheviques) et les Blancs (les contre-révolutionnaires tsaristes). 

Le 19 juin, Frossard et Cachin sont reçus au Kremlin par le Comité exécutif de l’Internationale socialiste en présence de Lénine. 

D’une part, on leur demande de justifier leur attitude pendant la guerre et d’exclure « les traîtres » et les « opportunistes » dans la perspective de la création du futur parti communiste. D’autre part, on les exhorte à se prononcer en faveur de l’adhésion à la troisième internationale dès leur retour en France.

Faire adhérer la SFIO à la Troisième Internationale

Estimant que les deux hommes peuvent être « convertis », les Soviétiques les invitent à participer au congrès de l’Internationale communiste qui se tient le 15 juillet. 

Les dirigeants soviétiques ont déployé toute une mise en scène fastueuse pour impressionner les 200 délégués représentant 34 pays (défilé monstre, spectacle musical, litanie de discours).

Suprême honneur, juste avant qu’ils ne regagnent Paris, Frossard et Cachin, sont reçus personnellement par Lénine et Trotsky.

Ils reviennent à Paris avec la ferme intention de faire adhérer la SFIO à la Troisième Internationale. Pendant plusieurs jours, ils relatent dans les colonnes de L’Humanité « Ce que nous avons vu en Russie », une série de témoignages louangeurs des réalisations soviétiques.

Tous leurs efforts paieront puisque quelques mois plus tard, en décembre 1920, au congrès de la SFIO à Tours, la motion défendue par Cachin et Frossard l’emportera, provoquant la scission et la création du parti communiste français qui se placera dès sa naissance sous la tutelle de Moscou.

Publié ou mis à jour le : 2020-05-29 19:15:11

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