L’Égypte des pharaons a prospéré pendant trois mille ans, ce qui fait d’elle l’une des plus grandes civilisations humaines par la durée et aussi les réalisations. Autant dire qu’on ne saurait la résumer aux règnes de Ramsès II et Toutankhamon, même si les expositions organisées autour de ces rois ne cessent de nous fasciner.
Nous nous proposons ici de suivre les profondes mutations de cette longue Histoire en nous laissant guider par les archéologues et les voyageurs qui lui ont redonné vie...
Vincent Boqueho présente dans cette vidéo l'Égypte antique à travers ses oeuvres d'art et ses réalisations architecturales, depuis l'époque néolithique jusqu'à son annexion à l'empire romain.
La vallée du Nil au commencement
L’Histoire de l’Égypte antique débute au Néolithique (dico) quand l’assèchement du Sahara oblige ses populations de pasteurs et de cultivateurs à se replier vers la fertile vallée du Nil.
Elle s’étire sur plus de deux mille kilomètres du sud au nord, depuis les six cataractes de Nubie jusqu’à l’immense delta marécageux par lequel le grand fleuve africain se jette dans la Méditerranée. Les récoltes doivent leur abondance aux crues annuelles du Nil, en été, qui enrichissent le sol en limons fertiles.
C’est à partir de 4300 av. J.-C. qu’au sud du delta, en Haute-Égypte, on trouve des vestiges précurseurs de la civilisation pharaonique : c’est ce qu’on appelle la culture de Badari. Puis vers 3900 av. J.-C., la Haute-Égypte commence à se structurer en cités-États analogues à celles de Mésopotamie : Nagada, sur une boucle du Nil face à l'actuelle ville de Louqsor, a donné son nom à cette période ; les cités d’Abydos et de Hierakonpolis acquièrent aussi une importance de premier plan. L’art y atteint déjà un grand raffinement et la future écriture hiéroglyphique prend naissance à Abydos.
À cette époque est aussi fondée Memphis, qui deviendra la première grande capitale de l'Égypte, à l'endroit où le fleuve se transforme en delta, près de la capitale actuelle (Le Caire).
La chronologie de l'ancienne Égypte nous vient du récit des trente dynasties par le prêtre Manéthon de Sebennytos (IIIe siècle av. J.-C.). Vivant dans le delta à l'époque des Ptolémées, il a réparti ces dynasties selon trois périodes : Ancien Empire, Moyen Empire, et deux époques intermédiaires.
Cette chronologie est pratique mais approximative et quelque peu conventionnelle. En effet, comme beaucoup de peuples à gouvernement monarchique, les Égyptiens se repéraient dans le temps par rapport à l'avènement du monarque régnant (exemple : « Nous sommes dans la 10e année du règne de Ramsès »). Beaucoup de règnes ayant disparu dans l'oubli, il s'ensuit une incertitude de l'ordre d'un siècle sur la datation de la plupart des dynasties, des règnes et des événements.
Cette période tire son nom de This, une cité du delta du Nil encore inconnue des archéologues.
La première des trente dynasties royales d'Égypte est inaugurée par Ménès, roi mythique auquel on attribue l'unification de la Haute et de la Basse-Égypte : la Haute-Égypte, symbolisée par le lotus, est constituée par le cours supérieur du Nil, la Basse par le delta, domaine d'élection du papyrus.
Ménès est identifié au roi de la Haute-Égypte Narmer, qui régna sur Abydos, en Haute-Égypte, et conquis la Basse-Égypte.
Les rois (que l'on désignera plus tard sous le nom de pharaon) portent une couronne, le pschent, qui unit les couronnes des deux anciennes parties du pays. Ils sont enterrés à Abydos, en Haute Égypte, sous des tables de pierre appelées de nos jours mastabas (d'un mot arabe qui signifie « table »).
Tandis que la vallée du Nil se transforme en un État centralisé et puissant - le premier de l'Histoire humaine -, la Mésopotamie, à l'autre extrémité du « Croissant fertile », est encore divisée en cités jalouses de leur autonomie.
Grandeur de l’Ancien Empire
La Ière dynastie atteint son apogée sous le roi Den vers 2930 av. J.-C., puis l’Égypte connaît à nouveau une fragmentation.
Elle retrouve son unité et sa grandeur sous le règne de Djoser (on écrit aussi Djéser), souverain le mieux connu de la IIIe dynastie. Il installe sa capitale à Memphis.
Son architecte et médecin, Imhotep, construit la première pyramide à degrés qui est, en fait, une superposition de mastabas. Elle est érigée à Saqqarah, sur la rive occidentale du Nil, à une quinzaine de kilomètres au sud du Caire.
Un peu plus tard, sous la IVe dynastie, vers 2600 av. J.-C., le pharaon Snéfrou érige à Dahchour, au sud de Saqqarah, non plus une pyramide à degrés mais une pyramide rhomboïdale. Mécontent du résultat, il en érige une deuxième à proximité, aux formes plus pentues.
Son règne marque le début de la quatrième dynastie qui correspond à l’Âge d’or des pyramides. La perfection des formes est atteinte avec les réalisations des pharaons suivants, son fils Khéops ainsi que Képhren et Mykerinos.
On leur doit les fameuses pyramides du plateau de Giseh, sur la rive occidentale du Nil, à cinq kilomètres environ du fleuve et en bordure de l'agglomération actuelle du Caire. Celle de Kheops atteint une hauteur qui ne sera plus dépassée par aucun monument pendant près de quatre millénaires.
Ces fabuleux tombeaux royaux ont été réalisés par l'assemblage de millions de blocs de calcaire de plusieurs tonnes chacun, prélevés dans les carrières environnantes, avec un parement en granit (ce dernier ne subsiste que sur la plus petite des trois pyramides de Giseh, celle de Mykerinos). Le nom de « pyramide » (pain de sucre en grec) leur a été donné par les Grecs beaucoup plus tard en raison de leur forme.
Ces monuments sans équivalent ont pu être réalisés grâce à la réquisition des paysans, que les crues estivales du Nil rendaient disponibles pour la plus grande gloire du divin pharaon.
La statuaire, en plein essor, fixe les codes de représentation du pharaon, de la famille royale, et des divinités, à l'image du Sphinx, autre monument remarquable de Giseh. Cette statue est censée représenter Kheops avec un corps de lion. L’art acquiert ainsi un grand raffinement tandis que l’usage des hiéroglyphes se généralise.
Dès cette époque, l'administration se renforce. Le pays est divisé en « nomes » et leur gouvernement confié à des « nomarques » ou gouverneurs. En matière religieuse, l'État égyptien se voue au culte solaire de Rê, dieu d'Héliopolis. Il délaisse le dieu Ptah de Memphis.
L'Ancien Empire s'achève avec la VIe dynastie et le règne troublé de la reine Nitokris, transcription grecque de Neith-Ikeret. Cette reine a succédé à son époux, victime d'un assassinat. Selon la légende, elle aurait noyé les meurtriers après un splendide banquet. Elle aurait aussi achevé la construction de la pyramide de Mykerinos.
À la faveur des troubles politiques de cette époque de transition, le peuple obtient que l'immortalité ne soit plus l'exclusivité du souverain.
Jusqu'au 1er millénaire av. J.-C., les Égyptiens restent fidèles au silex, qu'ils utilisent avec une grande habileté. Ils emploient par ailleurs les métaux précieux et le cuivre comme métal d'ornement. Le bronze est connu dès le Moyen Empire. À partir de la XVIIIe dynastie (1540-1295), il est couramment employé pour la fabrication des armes.
Curieusement, les Égyptiens accusent un retard dans l'utilisation du fer par rapport aux autres peuples du Proche-Orient. On trouve seulement des traces de métallurgie à Naucratis, ville fondée par Psammétique Ier (664-610) dans le delta oriental.
La Basse Égypte (le delta) et la Haute Égypte (la vallée) refont leur unité autour de la capitale de Haute Égypte. Les anciens Égyptiens l'appelaient Ouaset (de was, ou sceptre, symbole du pouvoir royal) mais les Grecs l'ont faite connaître sous celui de Thèbes.
Plus tard, les envahisseurs arabes ont édifié sur l'emplacement de Ouaset-Thèbes une cité du nom de Louqsor (du mot arabe el-qsur, qui désigne une enceinte fortifiée et vient lui-même du mot latin castrum).
À Thèbes, le culte du dieu Amon se fond avec celui de Rê, le dieu-Soleil. Il est assuré par un clergé riche et tout-puissant. On peut encore admirer sur le site les puissantes colonnes du temple de Karnak dédié au dieu.
Du Moyen Empire, nous avons gardé en particulier le souvenir de trois rois de la XIIe dynastie, nommés Sésostris. L'historien Hérodote a recueilli quelques échos de Sésostris III qui régna vers 1850 av. J.-C. et conquit ou reconquit la Palestine et la Nubie.
La Nubie, appelée Koush (ou Kouch) du temps des pharaons, correspond à la région du haut Nil, entre la première et la troisième cataracte. Son nom lui vient sans doute de la racine égyptienne nebou, qui désigne l'or, l'une de ses principales ressources.
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Les premiers États apparaissent dans le Croissant fertile, en Mésopotamie (Irak actuel), en Égypte ainsi qu'au Proche-Orient et en Anatolie (Turquie actuelle), au IIe millénaire avant notre ère...
Les Hyksos, des peuples sémitiques poussés par les Indo-Européens, envahissent le pays et installent leur capitale à Avaris, dans le delta. Ils introduisent l'usage des chars de guerre.
Avec eux, les Égyptiens prennent conscience qu'ils ne sont plus seuls sur terre et doivent défendre désormais leur vallée, considérée par eux-mêmes et les voyageurs comme un paradis où l'on peut vivre dans une relative sécurité et bénéficier sans trop de mal de récoltes abondantes.
La reconquête part de Thèbes, capitale de la Haute-Égypte, vers 1580 av. J.-C., avec le roi Sekenenre. Son successeur Ahmosis, fondateur de la XVIIIe dynastie, chasse définitivement les intrus et les poursuit jusqu'en Syrie.
La XVIIIe dynastie est marquée par le règne de la reine Hatshepsout (ou Hatchepsout), qui nous a légué le temple de Déir el-Bahari (ou Der el-Bahri), dans la vallée des Rois, près de Thèbes.
Sous le règne de son neveu Thoutmosis III, l'Égypte atteint sa plus grande extension, jusqu'au royaume du Mitanni, du côté de l'actuelle Syrie. C'est avec Thoutmosis III que le terme « pharaon » est pour la première fois employé pour désigner le roi d'Égypte.
Vient ensuite le pharaon Amenhotep III (Aménophis en grec). Son architecte Aménhotep érige pour lui un magnifique temple près de Thèbes dont il subsiste deux statues monumentales, les « colosses de Memnon ».
Le fils et successeur d'Aménophis III gouverne d'abord sous le nom d'Aménophis IV, aux côtés de sa femme Néfertiti, dont quelques portraits nous ont conservé la beauté.
Il entre en rébellion contre le puissant clergé d'Amon et tente d'imposer le culte d'un dieu unique, Aton. Lui-même prend le nom d'Akhénaton (« Splendeur d'Aton ») et fonde une éphémère capitale, Akhetaton, plus connue sous son nom arabe, Tell el Amarna.
Dans cette ville, des temples à ciel ouvert permettent d'adorer le disque solaire (Aton lui-même).
Mais les prêtres d'Amon auront le dernier mot, comme le prouve le nom que se choisit le successeur de l'hérétique pharaon.
Cédant à la pression des prêtres et de son maire du palais, Ay, il change son nom de Toutankhaton en... Toutânkhamon et quitte El Amarna pour Thèbes.
Sa mort prématurée, à 18 ans, amène un général hardi, Horemheb, sur le trône de haute et basse Égypte.
La XIXe dynastie est inaugurée par un parent de Horemheb, Ramsès Ier. Ce dernier associe son fils au pouvoir avec les fonctions de « vizir » et entame la construction de la fabuleuse salle hypostyle du temple de Karnak.
Le fils de Ramsès Ier s'illustre comme pharaon sous le nom de Séthi Ier. Mais son propre fils va le dépasser en célébrité sous le nom de Ramsès II (1292 à 1213 av. J.-C.).
Vers 1284 av. J.-C., dans la cinquième année de son règne, Ramsès II s'avance avec son armée jusqu'à Qadesh (ou Kadesh), sur les bords de l'Oronte (Syrie actuelle).
Il veut imposer sa domination sur le Levant mais voilà que se présente le roi hittite Mutawalli II.
Ce roi a porté à son apogée le royaume indo-européen des Hittites, établi autour de la ville d'Hattousa, en Anatolie (Turquie moderne) et il ambitionne aussi de soumettre le Levant. Il a réuni pour ce faire une puissante coalition de tous les peuples d'Asie mineure.
Au terme de deux jours d'un combat, les deux armées se retirent sans vainqueur ni vaincu. Leurs souverains signent peu après une paix de compromis pour faire face ensemble à un nouveau-venu, le royaume de Mitanni (à cheval sur la Syrie et l'Irak actuels).
Profitant de la paix retrouvée, Ramsès II en profite pour construire de multiples monuments, sans doute plus qu'aucun autre pharaon. On peut encore admirer l'immense salle hypostyle du temple de Karnak et le temple d'Abou-Simbel, sur les bords de l'actuelle retenue d'Assouan, qui cultive le souvenir de la bataille de Qadesh.
Le prophète hébreux Moïse serait, selon certains historiens, contemporain de Ramsès II ou de son fils et successeur, le pharaon Merneptah (ou Mineptah).
Notons à la même époque quelques autres événements concomitants dans la Méditerranée orientale, comme l''invasion des Doriens en Grèce continentale, la guerre de Troie et également la destruction de la civilisation mycénienne en Crète et dans le Péloponnèse.
L'invasion des mystérieux Peuples de la Mer, d'origine indo-européenne bouleverse l'Égypte comme d'ailleurs toute la Méditerranée orientale et le Proche-Orient. Les ancêtres mythiques des Palestiniens en seraient le produit.
Dans cette longue période intermédiaire, de nouvelles dynasties royales apparaissent dans le delta du Nil, à Tanis et Saïs, cependant que la Haute Égypte passe sous la domination des Nubiens du royaume de Kouch.
Vers 730 av. J.-C., le roi de Kouch Piyé Menkheperret descend la vallée du Nil. Il vainc les Égyptiens du nord, commandés par le pharaon Tefnakht et son fils Bocchoris, et réunifie de la sorte l'Égypte. Il fonde la XXVe dynastie, dans la continuité des précédentes.
Lui-même et ses successeurs, qualifiés de « pharaons noirs », construisent ainsi des sépultures en forme de pyramides autour de leur capitale Napata, non loin de la Khartoum actuelle.
En 662 av. J.-C., l'Égypte est victime d'un nouvel envahisseur en la personne du roi assyrien Assourbanipal. Il met fin à la dynastie nubienne. Mais Psammétique Ier, prince de Saïs, dans le delta, finit par chasser les occupants, tant Assyriens que Lybiens ou Kouchites, et fonde à son profit la dynastie saïte (XXVIe dynastie) .
Son successeur Néchao II est encore connu pour avoir commandé à des navigateurs phéniciens de faire le tour de l'Afrique ainsi que pour avoir fait creuser un canal entre la mer Rouge et la mer Méditerranée, via le Nil.
Cambyse, roi des Perses, conquiert l'Égypte en 525 av. J.-C.. Le pays, politiquement très affaibli, est victime en 343 av. J.-C. d'une nouvelle invasion des Perses avec le roi Artaxerxès à leur tête.
Le roi de Macédoine, Alexandre le Grand, entre à son tour en Égypte en 332 et la « libère » des Perses avant d'abattre définitivement la dynastie achéménide.
À la mort d'Alexandre, un de ses généraux, Lagos, gouverne l'Égypte. Son fils Ptolémée fonde la dynastie du même nom et établit sa capitale à Alexandrie, ville nouvelle fondée, comme son nom l'indique, par l'illustre conquérant. Autour des nouveaux pharaons se forge une brillante synthèse des civilisations grecque et égyptienne, illustrée en particulier par la bibliothèque d'Alexandrie.
La dernière représentante des Ptolémées est Cléopâtre VII. Après la défaite d'Antoine face à son rival Octave à Actium en 31 av. J.-C., elle s'empoisonne avec un aspic pour échapper à une humiliante exposition à Rome. L'Égypte devient province romaine et le restera jusqu'à la conquête arabe, qui voit l'incendie des derniers vestiges de la bibliothèque d'Alexandrie en l'an 642 de notre ère.
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