Le 29 novembre 1574, Manille, capitale de la colonie espagnole des Philippines, est assiégée par un pirate chinois des plus redoutables, Limahong ou Lim Hong. Les habitants de cette petite ville de quelques années d'existence vont résister et finalement repousser les pirates chinois au terme d'une bataille meurtrière...
L'« Incident de la mer rouge »
Issu d’une famille pauvre du Guandong, le pirate chinois Limahong se fait d’abord connaître par ses raids dans le sud de la Chine contre les ports du Guangdong et du Fujian, avec une flotte d’environ deux mille hommes et 95 navires qui fait de lui une puissance avec laquelle il faut compter.
Le ministre chinois Zhang Juzheng ayant dépêché contre lui quarante mille soldats et 135 navires, le pirate choisit en 1574 de s’éloigner vers le sud.
Il cherche un gîte sur la grande île de Luçon, dans l’archipel des Philippines, où s’étaient déjà installés les Espagnols sous la conduite du vieux conquistador Miguel López de Legazpi. Mais il ne tarde pas à en être chassé par Juan de Salcedo, petit-fils du précédent.
Renvoyé au large, Limahong attaque les navires chinois qui commercent avec les Espagnols. Un jour, il capture un navire marchand dont l’équipage lui fait savoir que Manille, capitale espagnole des Philippines, est bonne à prendre, pleine de richesses et dépourvue de murailles. Limahong se met alors en tête de conquérir la ville et de s’y faire proclamer roi (comme un siècle plus tard son alter ego Koxinga).
Il rassemble donc une soixantaine de navires avec à bords 3000 Chinois et 400 Japonais. En mer, les pirates croisent une galiote espagnole que Juan de Salcedo, alors basé à Vigan, au nord-ouest de Luçon, avec une centaine d’hommes, avait envoyée chercher des provisions.
Limahong aborde la galiote, tue les 22 Espagnols qui s’y trouvent et s’empare de leurs canons. Salcedo, ayant compris les intentions de Limahong, fait prévenir Manille de l’attaque imminente des pirates et qu’il ne tarderait pas à les secourir.
Le 29 novembre 1574, donc, les pirates armés de piques, d’arquebuses et de haches, lancent une première attaque sur la plage de Parañaque. Ils sont repoussés par les habitants que guide l’Espagnol Martin de Goiti qui d’ailleurs perd la vie dans la bataille. Les habitants mettent à profit ce répit pour ériger des palissades autour de leur ville et Salcedo trouve aussi le temps d'arriver avec ses hommes.
Une nouvelle attaque est lancée par Limahong mais seuls quelques Chinois parviennent à passer à travers les fortifications, pour être immédiatement massacrés. 200 d’entre eux perdent la vie tandis que seulement trois morts sont à déplorer du côté des Espagnols. Les flots de sang répandus à cette occasion valent à cette bataille le surnom d'« Incident de la mer rouge ».
Après sa défaite, Limahong alla s’installer un peu plus au nord des Philippines dans l’actuelle province de Pangasinan où il construisit un fort, un palais et des pagodes, tout en annonçant aux habitants qu’il allait devenir leur roi et qu’ils devraient lui payer un tribut.
Mais les Espagnols ne pouvaient tolérer l'installation d'un pirate chinois si près de leur territoire. Le 23 mars 1575, ils lancèrent une expédition, toujours commandée par Salcedo, qui comprenait 256 Espagnols et environ 2 500 Philippins sur 59 navires.
Ils bloquèrent l’entrée du fleuve Agno où s’était réfugiée la flotte chinoise avant de lancer l’attaque sur le camp fortifié des pirates. Dans la bataille, les navires pirates furent incendiés tout comme le fort où s’était réfugié Limahong ainsi que quelques brigands. L'enclos intérieur resta néanmoins inviolé et les Espagnols décidèrent de l'assiéger, comptant sur la faim et la soif pour venir à bout de ses occupants.
La nuit du 4 août 1575, ceux-ci choisirent de s’enfuir par un bras du fleuve inconnu des Espagnols, à bord d’une trentaine de bateaux construits à l'intérieur du fort.
S’en étant aperçu, Salcedo ordonna à ses soldats de disposer des pieux dans le lit du fleuve, et de se cacher sur les rives pour tirer sur les Chinois, mais ces derniers réussirent tout de même à s’échapper. Par la suite, Limahong serait retourné piller le sud de la Chine mais mourut probablement peu après car on n’entendit plus jamais parler de lui.
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