Le 25 mars 1821, selon l'historiographie officielle, Germanos, archevêque de Patras, donne le signal du soulèvement des Grecs contre la tutelle ottomane.
En moins de dix ans mais au prix de grandes souffrances et avec le concours précieux des Occidentaux, les Grecs vont obtenir l'indépendance d'une petite partie de leurs terres, incluant l'Attique (Athènes), le Péloponnèse et le sud de l'Épire.
Le nouvel État balkanique, pauvre, de tradition byzantine et aux contours indécis, va dès lors se bâtir une identité nationale en cultivant le souvenir de l'Antiquité et en appelant les riches Grecs de la diaspora à le rejoindre.
Entre faveur et oppression
Après la chute de l'empire byzantin et la prise de Constantinople en 1453 par les Turcs, les Grecs ont appris à vivre sous l'autorité du sultan ottoman. Leur sort est, il est vrai, très différent selon qu'ils appartiennent à la bourgeoisie citadine ou à la paysannerie.
La bourgeoisie commerçante regroupée autour du patriarche grec de Constantinople, dans le quartier du Phanar conserve une grande influence à la cour du sultan en raison de sa richesse et de son rôle d'intermédiaire entre l'administration ottomane et les sujets chrétiens de l'empire (ils sont majoritaires dans la capitale elle-même jusqu'à la Grande Guerre).
Ces bourgeois que l'on appelle Phanariotes obtiennent même le droit d'administrer pour leur compte les provinces roumaines semi-autonomes de Valachie et de Moldavie. Mais leur prospérité demeure fragile et subordonnée au bon vouloir et aux caprices du sultan.
Tout autre est le sort des paysans et des villageois grecs, tant en Asie mineure qu'en Grèce continentale et dans le Péloponnèse. Ceux-là sont durement exploités par les fonctionnaires ottomans, par ailleurs incapables d'assurer la sécurité indispensable au développement économique et social.
Rébellions brouillonnes
Dès le XVIIIe siècle, les tsars de Russie lorgnent avec convoitise sur l'empire ottoman, en rapide déclin, et instrumentalisent à leur profit leurs affinités religieuses avec les Grecs orthodoxes.
C'est ainsi qu'en 1770, Catherine II pousse à la rébellion les paysans du Péloponnèse mais les lâche presque aussitôt en concluant avec le sultan le traité de Kütchük-Kaïnardji. Elle récidive en 1786 avec les Souliotes d'Épire (nord-ouest de la péninsule), lesquels sont férocement écrasés par le pacha de Janina, Ali pacha.
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, des Grecs libéraux, sensibles aux idéaux de la Révolution française, commencent à rêver d'indépendance. Le déclin de l'empire ottoman et l'occupation des îles Ioniennes par les Français, à partir de 1797, les y incitent.
Le tsar de Russie Alexandre Ier se montre lui-même réceptif à leurs revendications. L'un de ses aides de camp grecs, Alexandre Ypsilanti, prend la tête d'une association secrète de notables grecs des bords de la mer Noire, l'Hétairie. En 1821, il tente de soulever les chrétiens de Roumanie. C'est un échec, ces derniers n'éprouvant guère de sympathie pour les Grecs qui les ont longtemps exploités.
La même année, un autre appel à la révolte est lancé par Ali pacha. Celui-ci est entré en rébellion contre le sultan. En s'alliant avec ses anciennes victimes, il tente de se sortir du siège de la forteresse de Janina (Épire) par les armées du sultan. Son appel est mieux entendu que le précédent.
Douloureuse guerre d'indépendance
Finalement, l'insurrection décisive part du Péloponnèse et plus précisément de Patras, un grand port situé à l'ouest de la péninsule, où l'apôtre saint André aurait été martyrisé. Elle est déclenchée par l'archevêque Germanos. « La race impie des Turcs a comblé la mesure des iniquités ; l’heure d’en purger la Grèce est arrivée », déclare-t-il selon la légende. Et il bénit le premier étendard de la liberté, une croix bleue sur fond blanc.
Les Grecs commencent par massacrer des Turcs de leur région. Et les Turcs ripostent en massacrant des Grecs d'Istamboul ! Il s'ensuit une très dure guerre. Elle est d'abord favorable aux Grecs qui s'emparent d'Athènes et des îles de la mer Égée.
Un congrès national réuni à Épidaure, au coeur du Péloponnèse, proclame l'indépendance unilatérale de la Grèce dès le 12 janvier 1822 et appelle à l'aide les nations chrétiennes. Mais celles-ci font la sourde oreille. Les gouvernements européens n'entendent pas intervenir, en vertu du principe de légitimité défendu par la Sainte Alliance.
Les insurgés ne tardent pas à s'affaiblir du fait des luttes intestines entre factions et les Turcs reprennent l'offensive dès le mois suivant. Ils viennent à bout de la rébellion d'Ali Pacha et, en avril 1822, massacrent la population de l'île de Scio (ou Chios), ce qui suscite l'indignation de l'opinion occidentale. De nombreux Européens s'engagent comme volontaires aux côtés des insurgés grecs.
Le sultan Mahmoud II, qui n'arrive pas à mettre fin à l'insurrection, fait appel à son vassal, le vice-roi d'Égypte Méhémet Ali. Celui-ci lui envoie une armée commandée par son fils Ibrahim Pacha, avec une flotte formée par des spécialistes français rescapés de l'équipée napoléonienne.
Les troupes égyptiennes occupent la Crète puis reconquièrent le Péloponnèse et assiègent Athènes. Elles remontent le long du golfe de Corinthe jusqu'à Missolonghi. Le poète anglais Lord Byron, qui fait partie des volontaires étrangers, meurt de maladie pendant le siège de la forteresse. Les défenseurs se font finalement sauter plutôt que de se rendre le 25 avril 1826. À Athènes, l'Acropole défendue par le colonel français Charles Antoine Fabvier résiste jusqu'au 5 juin 1827.
La guerre a déjà fait 200 000 morts parmi les Grecs.
Les grandes puissances interviennent enfin
En Occident et en France en particulier, des comités de philhellènes se multiplient dans les milieux libéraux, appelant les gouvernements à intervenir aux côtés des Grecs contre les Turcs. Les gouvernements occidentaux s'y décident à contrecoeur. La France, l'Angleterre et la Russie font une offre de médiation le 6 juillet 1827 mais le sultan la repousse... On est dans l'impasse.
Faute de mieux, les Occidentaux envoient une flotte conjointe vers le Péloponnèse. Il ne doit s'agir que d'une démonstration de force mais, dans le golfe de Navarin, celle-ci va dégénérer en bataille navale. La flotte turco-égyptienne est détruite.
Pour ne rien arranger, les troupes russes s'apprêtent là-dessus à envahir le territoire ottoman.
Enfin l'indépendance
Le sultan Mahmoud II se résigne à signer un traité à Andrinople, le 14 septembre 1829, par lequel il reconnaît à la Grèce une très large autonomie.
Par le protocole de Londres du 3 février 1830, il confirme l'indépendance d'une partie de la Grèce historique. Le nouvel État est limité au Péloponnèse, à la région d'Athènes et aux îles Cyclades (au total à peine 700 000 habitants, soit beaucoup moins que l'ensemble des communautés grecques dispersées dans le reste de l'empire ottoman). Pour les habitants de cette petite Grèce, c'en est fini de quatre siècles d'occupation ottomane.
Vos réactions à cet article
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Frapi (27-06-2024 16:17:43)
Surprenant commentaire…
Diriez-vous la même chose pour les diverses colonies européennes ?
Erik (25-03-2021 20:43:29)
Il est quand-même malheureux de constater l'ingratitude des Hellènes qui ont profité pendant plus de trois siècles des avancées scientifiques, culturelles et technologiques que leur apportait la ... Lire la suite