24 octobre 1860

«Seconde guerre de l'opium» et traité de Pékin

Le 24 octobre 1860, l'empereur de Chine concède aux Français et aux Anglais, par la convention de Pékin, des avantages commerciaux qui réduisent l'empire à un statut semi-colonial.

Ce « traité inégal » survient près de vingt ans après celui de Nankin, qui avait autorisé les importations d'opium en provenance des Indes britanniques.

André Larané
La menace Taiping

Depuis la fin du XVIIIe siècle, l'Angleterre utilise l'opium qu'elle produit aux Indes pour équilibrer la balance de ses échanges avec la Chine. Elle y importe massivement cette drogue, malgré la prohibition que tente d'imposer l'empereur mandchou.

Celui-ci fait saisir et détruire des caisses d'opium à Canton mais Londres réagit en bombardant la ville et menaçant Nankin. Le gouvernement chinois se voit obligé de capituler par le traité de Nankin, qui autorise les Anglais à commercer librement dans cinq ports chinois et leur cède l'îlot de Hongkong.

Cette « diplomatie de la canonnière » suscite une profonde humiliation dans toute la Chine. Elle contribue à la révolte des Taiping (ou T'ai P'ing). Celle-ci s'étend rapidement à toute la Chine du Sud, laquelle échappe pendant plus de dix ans à l'autorité de Pékin. On peut penser à ce moment que la dynastie mandchoue ou Qin vit ses derniers mois. C'est compter sans les Occidentaux.

Attaque et prise des forts du Peï-Ho, le 20 mai 1858, Léon Morel-Fatio, 1867, musée de la Marine, Brest.

La « Seconde guerre de l'opium »

La torture et l'assassinat du missionnaire Auguste Chapdelaine, dans le Guangxi, au sud, ainsi que l'arraisonnement de l'Arrow, un bateau chinois battant pavillon anglais, fournissent au Premier ministre anglais Palmerston et à l'empereur Napoléon III le prétexte d'intervenir une nouvelle fois en Chine.

C'est ce que l'on a appelé plus tard la « Seconde guerre de l'opium ».

Les 27 et 28 décembre 1857, des navires français et anglais bombardent Canton, la métropole du sud (un million d'habitants), et s'en emparent.

L'année suivante, le 20 avril 1858, une escadre franco-anglaise paraît dans le golfe de Petchili (aujourd'hui, golfe de Bohai), par lequel on accède à Tientsin (aujourd'hui Tianjin) et Pékin. Elle s'empare en deux heures des deux forts qui défendent l'embouchure du Peï-Ho (ou Be He). Les troupes occidentales entament leur marche vers Tientsin et Pékin, en amont du fleuve.

Pris de panique, le faible empereur Xianfeng promet tout ce qu'on lui demande mais, l'année suivante, le 20 juin 1859, quand la flotte franco-anglaise amène les ambassadeurs européens destinés à ratifier le traité, elle est reçue à coups de canon, les forts du Peï-Ho ayant été entretemps réarmés à la hâte. L'amiral Hope, qui commande la flotte, est lui-même frappé d'une balle.

Napoléon III insiste pour une revanche, quoique son opinion publique y soit hostile. Il s'ensuit une nouvelle expédition de 8 000 Français et 12 000 Anglais, sous le commandement du général Charles Cousin-Montauban (65 ans).

Le pont de Pa-li-Kiao, le soir de la bataille, le 21 septembre 1860, Émile-Antoine Bayard.

Le golfe de Petchili

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Le golfe de Petchili (aujourd'hui Bohai) est au coeur de l'histoire chinoise depuis l'époque mandchoue (1644-1910). On voit sur la carte les lieux par lesquels transita la mission Macartney (1793), la ville de Tientsin (Tianjin), avant-port de Pékin, le Palais d'Été et le pont de Palikao, enfin le pont Marco Polo.

Le pont de Palikao

Après une étape à Shanghai, les troupes occidentales débarquent à proximité des forts du Peï-Ho (on n'est jamais assez prudent). Le 21 août 1860, quelques assauts à coup de canon ont très vite raison des forts du Peï-Ho, mal défendus par quelques milliers de Chinois équipés d'armes dérisoires (arcs, piques, fusils à mèche).

Six mille hommes prennent la route de Pékin, accompagnés du baron Gros, ambassadeur de Paris, et de lord Elgin, ambassadeur de Londres. Des plénipotentiaires chinois viennent à leur rencontre et les assurent de leurs bonnes intentions. Ainsi encouragés, une quarantaine de militaires et de civils anglais partent en avant-garde vers Pékin sans se douter qu'ils vont au-devant d'une mort horrible.

Le reste de la troupe poursuit sa route. Le 21 septembre 1860, elle arrive devant deux ponts qui donnent accès à une large voie dallée. Les Anglais se dirigent à l'aveuglette vers le plus étroit des deux ponts. Les Français se rapprochent de l'autre pont, un pont en pierre assez large pour être emprunté par des chariots, le pont de Pa-li-kao.

Tout d'un coup, Cousin-Montauban aperçoit dans sa lunette des foules de combattants chinois en train de manoeuvrer derrière les ponts. Il s'agit de 30 000 cavaliers tatares et d'un plus grande nombre encore de fantassins chinois, sous le commandement d'un général énergique, San-ko-li-tsing, décidé à en découvre avec les «longs-nez», surnom méprisant donné aux Européens.

Une habile manoeuvre des Français permet de repousser l'assaut de la redoutable cavalerie tatare. Une fois celle-ci hors-jeu, les Occidentaux peuvent marcher sans faillir vers les ponts, faisant refluer devant eux les malheureux fantassins chinois. La journée se solde par une dizaine de tués du côté européen, un millier du côté chinois, parmi lesquels les hommes de la garde impériale, qui ont résisté jusqu'à la mort.

Cette victoire vaudra à son héros, Cousin-Montauban, le titre honorifique de comte de Palikao. Le reste n'est plus qu'une promenade et le corps expéditionnaire entre le 13 octobre 1860 à Pékin, d'où s'est enfui l'empereur.

Sac du Palais d'Été

Soldats français et anglais mettent à sac le somptueux Palais d'Été, l'une des résidences impériales, au nord-ouest de Pékin.
Là-dessus, lord Elgin, qui commande le détachement anglais, apprend que les prisonniers européens de l'avant-garde ont été atrocement torturés par les Chinois. Il ordonne en représailles l'incendie du Palais d'Été le 18 octobre 1860.

Signature de la Convention de Pékin par le prince Gong et Lord Elgin, illustration chinoise publiée en Europe en 1883.

Humiliants « traités inégaux »

Le 24 octobre 1860, les représentants de l'empereur s'inclinent et signent la convention de Pékin. Par ce traité, ils accordent une indemnité de 60 millions de francs aux Occidentaux ; ils ouvrent à leurs commerçants le bassin du Yangzi Jiang, le « Fleuve Bleu » et à leurs missionnaires l'ensemble de l'empire. Ils concèdent enfin aux Britanniques un agrandissement de leur colonie de Hong-Kong avec la presqu'île de Kowloon.

Les Européens présents en Chine se voient accorder le privilège de l'extraterritorialité : ils ne peuvent être jugés que par leur propre consul et en aucun cas par les Chinois.

Dans les ports qui leur sont ouverts, par exemple Tianjin (Tien Tsin), ils s'établissent dans des concessions administrées par des fonctionnaires européens. Les commerçants européens sont dispensés de la plupart des taxes qui pèsent sur leurs homologues chinois. Pour couronner le tout, le service chinois des douanes est dirigé par un Anglais. En bref, l'orgueilleux Empire du Milieu est devenu une semi-colonie des Européens.

Comme si cela ne suffisait pas, l'empereur abolit l'interdiction faite à ses sujets de s'expatrier. Beaucoup de Chinois sont envoyés comme travailleurs sous contrat (coolies) dans les colonies européennes ou en Amérique même, pour être exploités sur les chantiers.

En dépit de révoltes locales ou de sursauts patriotiques, l'exploitation de la Chine allait perdurer pendant un demi-siècle, jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale et la chute de la dynastie.

Les voisins russes, qui ne veulent pas être en reste, se font accorder le 14 novembre 1860 la rive gauche de l'Amour, ainsi que, le long de l'océan Pacifique, la région qui s'étend de l'embouchure du fleuve Amour, au nord, à la Corée, au sud. Cette région devient leur Province maritime et pour s'en assurer le contrôle, ils construisent une capitale portuaire au nom prometteur : Vladivostok (« Domination de l'Orient » en russe). On peut dire que le véritable vainqueur de cette « Seconde guerre de l'opium » est le tsar Alexandre II qui n'y a pas participé.

Sur ces entrefaites, le 22 août 1861, à Jehol, meurt l'empereur Xianfeng (30 ans), pourri de débauches et décrépit. Il laisse le trône à son fils unique, Tongzhi (4 ans), né d'une concubine du nom de Cixi. Celle-ci, alors âgée de 27 ans, va s'approprier la réalité du pouvoir et le conserver jusqu'à sa mort, en 1908. Elle freine et étouffe toutes les velléités de réformes du vieil empire, dans lesquelles elle voit non sans raison une menace pour la survie de la dynastie mandchoue.

Publié ou mis à jour le : 2024-10-18 08:52:46

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