Le 1er septembre 1651, Robinson Crusoé s'embarque pour 28 ans d'aventures... C'est du moins ce que raconte Daniel Defoe dans son roman paru le 25 avril 1719. L'histoire s'inspire d'une situation assez fréquente à la grande époque de la marine à voile et de la piraterie, celle d'un marin abandonné par son capitaine sur une île déserte pour cause de désobéissance.
Sous le titre original : The Life and Strange Surprizing Adventures of Robinson Crusoe, l'ouvrage est considéré comme le premier roman d'aventures jamais écrit. Il est traduit en français dès l'année suivant sa publication et, depuis lors, trône parmi les grands succès de la littérature mondiale.
Daniel Defoe, heureux auteur de Robinson Crusoé, est lui-même un aventurier né le 10 octobre 1660, qui s'est lancé dans différentes entreprises avec des hauts et des bas. « J'ai connu trois fois la richesse et la pauvreté », dira-t-il.
Il connaît une faillite retentissante avant de se laisser gagné par le virus de l'écriture et de la politique dans les rangs des whigs. Ses pamphlets lui valent d'être emprisonné en 1704, sous le règne de la reine Anne. Il est ensuite chargé de quelques missions secrètes avant que son roman ne lui acquière la célébrité. Il décède le 21 avril 1731.
Le marin qui inspira le roman Robinson Crusoé s'appelle Alexander Selkirk. À 30 ans, il est recueilli par le capitaine Woodes Roger à bord du Duc le 2 février 1709 et, quatre ans plus tard, racontera ses aventures (Voïage autour du monde). Daniel Defoe en tirera l'histoire de son héros sans jamais avoir rencontré l'auteur.
Né en 1676 dans la famille d'un tanneur écossais, Alexander Selkirk choisit de prendre la mer. Il s'embarque en 1704 en qualité de second sur le Cinq-Ports, pour attaquer les colonies espagnoles de l'océan Pacifique. En remontant le littoral pacifique, il se plaint de l'état du navire et s'oppose à son capitaine Thomas Stradling sur l'opportunité de poursuivre la route. Enfin, quand le navire accoste sur un îlot inconnu à 600 kilomètres du Chili pour se ravitailler, il demande à être abandonné sur place (finalement, ledit voilier s'échoua sur la côte péruvienne, ne laissant que huit rescapés... aussitôt emprisonnés par les autorités locales !).
L'îlot sur lequel se retrouve Selkirk est un rocher escarpé à la végétation luxuriante qui culmine à 900 mètres. Il est habité par des milliers de chèvres mais aussi des chats, les uns et les autres abandonnées par de précédents naufragés, des phoques etc. Le nouvel Adam ne dispose que d'un mousquet, une livre de poudre, une hache, un couteau, une marmite et bien sûr une bible.
S'accommodant non sans mal de la solitude, Selkirk aménage de ses mains une cabane et apprend à tirer des chèvres l'essentiel de sa nourriture (ainsi que ses vêtements). Il s'occupe l'esprit en lisant la Bible et récite à haute voix ses prières pour ne pas perdre l'usage de la parole...
Un jour, un vaisseau accoste sur l'îlot mais il s'agit d'Espagnols et ces ennemis acharnés des Britanniques prennent en chasse le malheureux ermite qui finalement leur échappe.
Après plus de quatre ans de solitude forcée, Selkirk est enfin libéré par un équipage de compatriotes envoyé à sa recherche par son ancien employeur, le corsaire William Dampier. Son sauveur Woodes Rogers décrit « un homme vêtu de peaux de chèvres à l'air plus sauvage encore que leurs propriétaires originales ». Il jouit toutefois d'une excellente forme physique due à son mode de vie. Il est aussi apte à courir très vite !
À la différence du futur Robinson, qui a pu s'octroyer la compagnie d'un serviteur noir, Vendredi, Selkirk n'a eu d'autre compagnons que des chats.
De retour en Grande-Bretagne, il va rapidement réapprendre les usages sociaux et se mettre en ménage. Reprenant la mer comme quartier-maître, il mourra en pleine mer en 1721... deux ans après la parution de Robinson Crusoé.
Véritable phénomène de société en Angleterre et sur le Continent, le roman Robinson Crusoé va alimenter la croyance des lecteurs du XVIIIe siècle en un bonheur simple près de la nature, loin des artifices de la société. L'îlot sur lequel a vécu Alexander Selkirk, appelé Mas a Tierra, sera d'ailleurs rebaptisé Robinson Crusoé !
Le phénomène culminera avec la publication de Paul et Virginie en France, en 1788, à la veille de la Révolution. Ce court roman aura d'emblée un grand succès et nourrira le moralisme rédempteur des bourgeois de la Convention. Son auteur, Bernardin de Saint-Pierre, fut un fervent lecteur de Robinson Crusoé.
Plus près de nous, en 1971, le romancier Michel Tournier s'est également attiré un immense succès planétaire avec son roman Vendredi ou la vie sauvage qui revisite le mythe avec le regard du serviteur noir de Robinson. Bien entendu, le cinéma a aussi traité le mythe de toutes les façons possibles, mais sans qu'un chef-d'oeuvre en soit jamais sorti.
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