1848-1849

Le printemps des peuples

Le 22 février 1848 éclate à Paris une Révolution qui renverse en quelques jours la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe Ier. Elle a un énorme retentissement dans les élites européennes. Prenant peur de la contagion révolutionnaire, les monarques concèdent des Constitutions à Berlin, Munich, Vienne, Turin... C'est « le printemps des peuples ».

André Larané
Victor Hugo chantre des États-Unis d'Europe, du christianisme et de la colonisation

À Paris, oublieux de la répression sanglante qui frappe les ouvriers lors des journées de Juin 1848, les romantiques applaudissent au défilé des délégués européens. Les plus appréciés sont les Italiens et les Allemands.
Le 21 août 1849, Victor Hugo, qui préside le Congrès international des Amis de la Paix universelle, foudroie son auditoire lors du discours d'ouverture : « Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne (...) ».
Il place cet avenir sous le signe de Dieu et de la victoire du christianisme, représenté par ses deux principales entités, les États-Unis d'Europe et les États-Unis d'Amérique. Et conclut en prophétisant les conquêtes coloniales de la deuxième moitié du XIXe siècle : « Oui, la face du monde serait changée ! Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie ! »

Honoré Daumier, Souvenirs du Congrès de la paix n°1: Victor Hugo dans un discours en trois points, 1849. (musée Carnavalet)
– L'Autriche-Hongrie

À Budapest, capitale de la Hongrie, ancien royaume intégré à l'empire d'Autriche, un militant indépendantiste, Kossuth, dénonce dès le 3 mars la domination autrichienne et réclame un gouvernement proprement hongrois. Le 22 mars, les Hongrois se donnent un ministère autonome.

Idem à Prague, capitale de l'ancien royaume de Bohème, où l'on exige l'égalité de droits entre Tchèques et Autrichiens de langue allemande. Dès le mois de juin se réunit à Prague un congrès panslave en vue d'émanciper tous les Slaves de l'empire, des Tchèques aux Croates).

À Vienne, les libéraux s'insurgent le 15 mars et le prince de Metternich, chancelier d'Autriche, est obligé de s'enfuir. Il ne reviendra plus jamais aux affaires.

L'empereur Ferdinand Ier s'incline et sans attendre concède aux insurgés la liberté de la presse, la formation d'une garde nationale bourgeoise et même, le 25 avril, une Constitution. Dès le 8 avril, il a concédé aux Tchèques la Charte de Bohème et le 11 avril, a reconnu l'autonomie hongroise. Mais ces concessions n'arrangent pas ses affaires pour autant. Le 15 mai, un regain d'agitation oblige l'empereur à quitter Vienne pour Innsbrück et autoriser l'élection au suffrage universel d'une Assemblée constituante !

– L'Italie

En Italie, les nouvelles de France et plus encore d'Autriche réveillent les aspirations nationales de la bourgeoisie. L'hégémonie autrichienne est la cible des révolutionnaires qui revendiquent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, notamment à Milan où les habitants ont commencé à manifester contre la tutelle autrichienne dès le mois de janvier 1848 en s'abstenant de fumer pour ne pas payer la taxe sur le tabac. Les troupes d'occupation se plaisent alors à fumer sous leur nez de voluptueux cigares.

Le commandant en chef autrichien Radetzki est obligé d'évacuer Milan, possession autrichienne, après la bataille des « Cinq Jours », du 18 au 22 mars 1848.

À Venise, autre possession autrichienne, Daniele Manin proclame le 22 mars la République de Saint Marc.

Le même jour, le petit roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert Ier, se posant en champion de l'unité italienne, entre en guerre contre l'Autriche. Il reçoit le concours du grand-duc de Toscane et du roi des Deux-Siciles (Naples), poussés à intervenir par leur bourgeoisie libérale.

À Rome, le pape Pie IX lui-même est chassé par les révolutionnaires avec brutalité.

– L'Allemagne

L'Allemagne divisée n'échappe pas à la contagion. Le 5 mars 1848, des libéraux se réunissent à Heidelberg et organisent la réunion d'une Assemblée nationale constituante. Celle-ci se réunit à Francfort dès le 18 mai en vue d'instituer un gouvernement fédéral avec un « régent d'Empire ».

À Berlin, du 18 au 21 mars 1848, une révolution oblige le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV à accorder une Constitution à ses sujets ainsi qu'à adopter le nouveau drapeau national de l'Allemagne unifiée (noir, rouge et or).

À Munich, le roi de Bavière Louis Ier est obligé d'abdiquer le 20 mars.

Le printemps des peuples, d'après une lithographie romantique de 1848
La reprise en main

Le 29 avril, première dissonance : le pape Pie IX refuse de rejoindre le roi de Piémont dans sa guerre contre l'Autriche. Les autres alliés italiens hésitent, d'autant que le roi de Piémont profite de la guerre pour annexer en juin 1848 Parme, Plaisance et Modène. Le 15 mai, Ferdinand II écrase la révolution à Naples et rappelle ses troupes. C'est le début de la fin.

Charles-Albert Ier pèche par arrogance et refuse l'aide de la République française dans sa guerre contre l'Autriche. « L'Italia farà da sè », lance-t-il (« L'Italie se fera toute seule »).

Radetzki en profite pour relancer l'offensive. Il bat les Italiens une première fois à Custozza les 23-25 juillet 1848. Charles-Albert abandonne Milan cependant que Venise résiste seule aux Autrichiens jusqu'en août 1849. Reprenant le combat dans des conditions brouillonnes, le roi de Piémont est de nouveau battu piteusement à Novare le 23 mars 1849 et abdique le soir même en faveur de son fils, Victor-Emmanuel II.

En Bohème, la répression est menée par le prince de Windischgrätz, dont la femme a été massacrée par les émeutiers. Prague est bombardée et se soumet le 17 juin 1848. En Hongrie, les Autrichiens confient la répression... aux Croates !

Reste Vienne. La capitale de l'empire autrichien est touchée le 6 octobre 1848 par une troisième révolution encore plus radicale que les précédentes. Le comte Theodor Latour, ministre de la Guerre, est pendu à un réverbère. Trois armées font le siège de la capitale, qui est prise d'assaut le 31 octobre 1848. Les chefs révolutionnaires sont exécutés sans jugement et l'assemblée constituante dissoute.

L'autorité impériale est restaurée avec énergie par le prince Félix de Schwarzenberg. Nommé chancelier le 22 novembre 1848, il obtient dès le 2 décembre que l'empereur Ferdinand Ier, qui avait dû s'enfuir devant les émeutiers, abdique au profit de son jeune neveu François-Joseph Ier (20 ans).

À Paris, pendant ce temps, la République n'a pas craint de massacrer les manifestants ouvriers pendant les « Journées de Juin », se coupant ainsi de sa base populaire.

Au bout de quelques mois, la réaction aura partout raison du romantisme révolutionnaire. L'irruption de révolutionnaires ouvriers aux côtés des libéraux bourgeois et la brutalité de la répression donnent un avant-goût de la Commune de Paris, deux décennies plus tard.

Publié ou mis à jour le : 2021-10-23 20:11:28

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