Le 12 novembre 1920, à Rapallo, l'Italie et la Yougoslavie conviennent de rectifier leurs frontières.
Dans la petite cité balnéaire des environs de Gênes, il est convenu que l'Italie annexe l'enclave de Zara et quelques îlots de la côte dalmate, tandis que Fiume, autre ville de la côte dalmate (aujourd'hui Rijeka, en Croatie), devient un État indépendant. Cet arrangement bilatéral est le premier coup de canif dans les traités de paix des mois précédents qui ont mis fin à la Grande Guerre. Il témoigne de la montée des nationalismes.
Frustrations italiennes
Après la Grande Guerre de 14-18, les Italiens reprochent aux Alliés de ne pas leur accorder les territoires promis à Londres en 1915 en échange de son entrée en guerre à leurs côtés.
Ces territoires sont finalement cédés au royaume de Yougoslavie, né du dépècement de l'Autriche-Hongrie. Mais dans la nuit du 11 au 12 septembre 1919, le poète nationaliste Gabriele D'Annunzio (56 ans), surnommé il Vate (« le Prophète »), fait une entrée triomphale à Fiume, une ville yougoslave à population italophone revendiquée par les nationalistes italiens. Il défile à la tête de 287 volontaires italiens, les arditi ou corps-francs, anciennes troupes d'élite de la Grande Guerre.
La veille, il a écrit à Benito Mussolini, qui est alors directeur du journal La Gazzetta del Popolo :
« Mon cher camarade, le dé est jeté, je pars. Demain, je prendrai Fiume les armes à la main.
Que le Dieu de l'Italie nous assiste. Je suis fiévreux. Mais il n'est pas possible de différer. Encore une fois l'esprit domptera la chair misérable. »
C'est ainsi que D'Annunzio installe à Fiume une dictature personnelle, mettant en scène son pouvoir : chemise noire, cri de guerre A noi (« À nous »), poignard brandi... Autant d'artifices que lui empruntera plus tard Mussolini.
Compromis
À Rapallo, les représentants de Rome et Belgrade tentent de clore cet épisode théâtral. Favorable à l'Italie, le traité dont ils conviennent offre quelque réconfort aux « irrédentistes » désireux de rattacher à leur pays les territoires promis par le traité de Londres. Mais D'Annunzio ne s'en satisfait pas pour autant. Il s'insurge et occupe avec ses hommes quelques îles proches de Fiume.
Le Président du Conseil italien Giovanni Giolitti demande au général Caviglia, qui a remporté la bataille de Vittorio-Venetto pendant la Grande Guerre, de mettre un terme à la rébellion. L'armée italienne attaque Fiume le 25 décembre 1920 et le poète fantasque capitule le 31 décembre suivant après un baroud d'honneur qui laisse plusieurs hommes sur le carreau.
Il accepte de se replier à Venise et va beaucoup correspondre avec Mussolini tout en lui reprochant de s'être mis à la remorque de l'Allemagne. À sa mort, en 1938, il se verra accorder des funérailles nationales par l'État fasciste.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible