11 avril 1919

L'Organisation Internationale du Travail, un espoir vain

Centenaire et toujours là. L’Organisation internationale du travail (OIT) est née en 1919 dans le sillage du traité de Versailles. Sa raison d’être reposait sur une pierre d’angle : l’espoir d’instaurer une « paix universelle » grâce à l’amélioration des conditions de travail. Son mode de fonctionnement se distingue encore de tous les organes internationaux puisqu’il est basé sur un « tripartisme » réunissant à parts égales les États, les employeurs et les salariés.

Entre 1919 et 1939, ses membres vont multiplier les conventions sur la durée quotidienne du travail, établie à huit heures, comme l’avait institué la loi française du 23 avril 1919, ou encore le chômage, le travail de nuit des femmes et des enfants. Autant de résultats tangibles qui n’éviteront pas le second conflit mondial. L’OIT en sort cependant renforcé puisqu’elle devient la première agence spécialisée de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et se voit attribuer le prix Nobel de la Paix en 1969.

Dans un monde qui n’a plus rien de commun avec celui qui a présidé à sa naissance, quel rôle peut encore jouer l’OIT ?

Le « moment Albert Thomas »

L’idée d’une organisation internationale chargée d’améliorer les conditions de travail et notamment d’éviter ce qu’on nomme aujourd’hui le dumping est apparue avant même la Première Guerre mondiale. Une association internationale pour la protection légale des travailleurs a été ainsi fondée à Paris en 1900.

Albert Thomas, 1918, Agence de presse Meurisse, Paris, BnF. L'agrandissement est une photographie d'Albert Thomas en 1923, États-Unis, Library of Congress.La guerre précipite les choses et, en 1916, à Leeds, des syndicalistes issus de la Triple-Entente réclament la création d’une telle organisation. Leur demande porte d’autant plus que les États sont intervenus massivement dans la vie économique durant la guerre, renonçant au libéralisme traditionnel, et qu’ils craignent la contagion bolchévique si rien n’est fait pour les ouvriers.

Dans la foulée du traité de Versailles, c’est le Français Albert Thomas qui est nommé à la tête du Bureau international du travail, la structure permanente de l’OIT située à Genève. Il le dirigera de 1919 à 1932.

Ce choix est judicieux pour imposer l’organisation sur la scène internationale, même s’il faut renoncer à l’idée de doter l’OIT du pouvoir d’adopter des textes contraignants car les États-Unis n’en veulent à aucun prix.

Comme à la Société des Nations (SDN), du reste, ces derniers font en sorte d’empêcher que l’organisation intervienne dans leurs affaires intérieures, avant de refuser finalement d’y adhérer.

L’OIT doit donc développer des stratégies d’influence pour s’imposer. Son mode de fonctionnement, d’abord, tranche sur les pratiques habituelles puisqu’il repose sur le tripartisme : ses instances, au premier rang desquelles la conférence internationale du travail, le « parlement » de l’OIT, qui se réunit une fois par an, sont en effet composés de représentants des États, mais aussi des employeurs et des travailleurs.

Elle rédige des conventions que les États sont ensuite libres de signer ou non. 77 sont votées entre 1919 et 1939, sur la durée du travail (huit heures, sur le modèle de la loi française du 23 avril 1919), le chômage, le travail de nuit des femmes et des enfants.

Le succès de l’OIT durant ses deux premières décennies se voit aux tentatives menées par Mussolini pour l’enrôler dans son projet d’économie corporatiste, mais aussi et surtout par l’adhésion des États-Unis en 1934, puis par celle de l’URSS en 1935, même si l’Allemagne s’en retire en 1933 et l’URSS dès 1939.

La relance d’inspiration rooseveltienne

17 mai 1944, Edward J. Phelan signe la Déclaration de Philadelphie à la Maison Blanche en présence (de gauche à droite) du Président Franklin D. Roosevelt, de Cordell Hull (Secrétaire d’État américain), Walter Nash (Président de la 26e session de la CIT),  Frances Perkins (Ministre du Travail des États-Unis) et de Lindsay Rogers (Sous-directeur général de l’OIT), Washington DC.Pour le président Franklin Delano Roosevelt, l’OIT doit être un vecteur de diffusion du New Deal à l’échelle internationale. Non seulement il convainc son pays d’adhérer enfin à l’organisation mais il associe étroitement l’OIT, installée à Montréal pendant la guerre, aux réflexions sur la reconstruction à venir.

En 1969, lorsqu’elle reçoit le prix Nobel de la Paix, l’OIT a donc de quoi se réjouir du travail accompli durant mais les cinquante premières années de son existence : les cinquante suivantes seront toutefois bien plus difficiles. Le dépassement du cadre national par les multinationales, l’affaiblissement des syndicats, l’ubérisation du travail, remettent en cause le tripartisme traditionnel et rendent vains les appels des gouvernants à une nouvelle régulation du travail.

Publié ou mis à jour le : 2021-06-19 16:26:17
Christian (22-02-2023 08:39:33)

On l'oublie parfois, mais les Etats européens (y compris la France et l'Allemagne) avaient commencé à coopérer dans le domaine social avant 1914, posant les bases de la législation internationale... Lire la suite

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