25 décembre 800

Charlemagne sacré empereur

Le roi des Francs, Charles (Carolus, Magnus Rex) fils de Pépin le Bref, est couronné à Rome par le pape Léon III à la Noël 800.

En remerciement des services rendus à la papauté, celui qui restera dans l'Histoire sous le nom de Charlemagne reçoit du souverain pontife le titre inédit d'« Empereur des Romains ».

André Larané
Le sacre de Charlemagne, enluminure de Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460, Grandes chroniques de France, Paris, BnF.

Une restauration longtemps attendue

Depuis plusieurs années, le pape quêtait la protection du roi des Francs face à ses ennemis proches, aussi bien les Lombards que ses adversaires de l'aristocratie romaine.

Charles, très pieux, ne se fait pas faute de répondre à ses avances. Par conviction autant que par intérêt politique, il se présente en toutes occasions en défenseur de l'Église et du Saint-Siège. Lorsque Léon III succède le 26 décembre 795 à Adrien Ier, le roi lui adresse cette profession de foi : « À moi il appartient de défendre en tous lieux la sainte Église du Christ contre les païens et les infidèles, à vous, élevant les mains vers Dieu avec Moïse, d'aider par vos prières au succès de mes armes » !

Mais le pape, honni par l'aristocratie romaine en raison de ses origines modestes, est attaqué et blessé au cours d'une procession, en avril 799, par une faction romaine qui l'accuse d'« actes criminels et scélérats » (adultère, parjure etc). Jeté à bas de son cheval, roué de coups, menacé de se voir mutilé, il arrive à s'enfuir et se réfugie sans attendre auprès de Charles, dans sa résidence de Paderborn (Saxe).

Voilà Rome privée de pape et, qui plus est, Constantinople privée d'empereur ! Le dernier titulaire a été déposé (et aveuglé) par sa propre mère, Irène, qui a pris sa place. Une femme, qui plus est une usurpatrice, sur le trône impérial ? Inconcevable, assurément.

Troublé par ce double constat, Alcuin, principal conseiller de Charles, adresse à celui-ci une lettre qui se conclut par ces termes : « C'est maintenant sur toi seul que s'appuient les églises du Christ, de toi seul qu'elles attendent le salut : de toi vengeur des crimes, guide de ceux qui errent, consolateur des affligés, soutien des bons ! » C'est une invitation à peine voilée à restaurer la dignité impériale.

Le roi fait reconduire le pape à Rome et s'y rend lui-même pour juger des accusations d'inconduite portées contre Léon III. Le 23 décembre 800, le tribunal disculpe le pape mais ne s'en tient pas là. Il propose à Charles de relever le titre impérial et l'intéressé ne dit pas non. Aussi prépare-t-on sans attendre la cérémonie du sacre. Du jamais vu à Rome !

Couronnement de Charlemagne, Henri-Léopold Lévy, XIXe siècle, Paris, Panthéon.

Cérémonie impromptue

La cérémonie se déroule dans la basilique Saint-Pierre, en présence d'une nombreuse délégation de Francs.

Léon III reçoit ses visiteurs et se dispose à dire la messe. Durant le Credo, tandis que le roi Charles est prosterné, le pape s'approche de lui, dépose un diadème sur sa tête, le fait acclamer par la foule puis se prosterne à ses pieds.

À l'imitation du patriarche de Constantinople couronnant l'empereur byzantin, il déclare : « À Charles, très pieux Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire ». Et l'assistance reprend ses paroles.

Par ce sacre dans la Ville éternelle, Charles se démarque de son père, Pépin le Bref, sacré seulement à Saint-Denis.

Il se présente de façon symbolique en continuateur lointain de l'empire romain d'Occident et en rival potentiel de l'empereur byzantin. C'est ainsi qu'il va désormais arborer comme emblème l'aigle monocéphale (une seule tête tournée vers la gauche, l'Occident). Il rompt de la sorte avec la lignée de Clovis, qui a unifié trois siècles plus tôt les territoires francs des deux côtés du Rhin.

Notons toutefois que le Franc garde un goût amer de la cérémonie car le pape l'a couronné et proclamé empereur avant que l'assemblée de ses fidèles ne l'acclament, alors qu'à Byzance, l'acclamation populaire précède le couronnement. En d'autres termes, c'est au pape et non à son peuple que Charlemagne est redevable de son titre.

À la différence de l'ancien empire romain, où les sujets se reconnaissaient par la soumission à une même loi, ce qui fait l'unité du nouvel empire d'Occident est l'appartenance commune à la chrétienté occidentale, dirigée par le pape. L'empereur lui-même cultive ostensiblement la piété et se réfère volontiers à des rois bibliques tels que Salomon ou David.

À noter aussi que cet empire reste dominé par les Francs. On qualifie même le peuple franc d'« élu de Dieu », sans connotation raciste, sa supériorité militaire étant le fruit de sa piété.

Trois empires rivaux

Avec le sacre de Charles le Grand, le monde romain de l'Antiquité se trouve désormais partagé entre trois empires rivaux : l'empire byzantin (capitale : Constantinople), l'empire arabe (capitale : Bagdad) et l'empire carolingien (capitale : Aix-la-Chapelle).

Ce partage en trois zones culturelles distinctes et souvent ennemies va perdurer jusqu'à nous. En dépit des apparences, c'est un nouveau monde qui naît dans la douleur et succède à l'ancien empire méditerranéen de Rome.

Rome tirait sa prospérité des relations maritimes entre l'Occident et l'Orient et les royaumes barbares qui lui avaient succédé avaient prolongé cette tradition d'échanges. L'empire de Charlemagne se recentre quant à lui sur les pays rhénans. Ses activités économiques se concentrent autour d'un axe vital constitué par les régions situées entre Rhin et Meuse, en liaison étroite avec l'Italie.

L'historien belge Henri Pirenne, dans un article à sensation, « Mahomet et Charlemagne » (1922), soutient que les invasions germaniques du Ve siècle ont peu affecté l'empire romain, dont les infrastructures et le commerce étaient pour l'essentiel concentrés sur les bords de la Méditerranée. Le véritable changement d'ère et de civilisation fut occasionné par l'expansion de l'islam. En détruisant l'empire perse et surtout en s'emparant de la Méditerranée méridionale et du Proche-Orient, les Arabes ont mis fin pour plus d'un millénaire à l'unité du monde méditerranéen. 

« La Méditerranée occidentale, devenue un lac musulman, cesse d'être la voie des échanges et des idées qu'elle n'avait cessé d'être jusqu'alors », écrit l'historien. L'insécurité des rivages méditerranéens repousse le commerce et l'activité civilisatrice vers le nord. En Gaule, cette situation fait la ruine de l'Aquitaine et la fortune des régions rhénanes. Elle permet l'ascension sociale des Pippinides, une grande famille de propriétaires terriens établis entre la Meuse et le Rhin, dont le plus illustre rejeton est Charlemagne.

Et l'historien de conclure par cet aphorisme : « Sans l'islam, l'Empire franc n'aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne sans Mahomet serait inconcevable ».

Publié ou mis à jour le : 2022-12-20 14:57:37

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net