Dans l'Ancien Régime, en France comme dans les autres monarchies européennes, les affaires quotidiennes étaient débattues dans des assemblées locales, qui réunissaient les villageois ou encore les membres d'un corps de métier... C'était avant que la Révolution n'achève l'oeuvre centralisatrice de la monarchie (lire à ce propos Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, 1854). Le fruit des délibérations pouvait faire l'objet d'une résolution qui était adressée au représentant du roi, le bailli ou le sénéchal, afin qu'il la mette à exécution. Bien évidemment, le représentant du roi pouvait aussi repousser la résolution.
Cette forme de démocratie « délibérative » était le pendant naturel d'une administration décentralisée. Elle subsiste aujourd'hui en Suisse sous la forme des « initiatives » et des « référendums ». Il s'agit de deux types de « votations » (synonyme suisse de scrutin) à l'échelon local, cantonal ou fédéral. La première, l'« initiative », a lieu dès lors qu'un minimum de citoyens (10000 à l'échelon national) en ont décidé le principe en signant une pétiion. Quant au « référendums », il est organisé dès lors qu'un certain nombre d'élus l'ont décidé afin de faire passer une loi à leur goût.
Dans les grands États modernes, la démocratie « délibérative » a été remplacée par une démocratie « représentative » dans laquelle les citoyens abandonnent à leurs représentants le soin de délibérer des sujets qui les concernent, tout autant que des grands problèmes de la nation.
La démocratie « représentative » est le pendant naturel d'une administration centralisée. En France, sous la Révolution française, elle a débouché sur la pratique de l'« appel au peuple », chaque fois que le pouvoir exécutif désirait consulter les citoyens. Mais l'expression a été rapidement abandonnée au profit du mot référendum, créé à partir du latin referre (« faire un rapport », « soumettre »). Avant d'entrer dans le vocabulaire politique, ce mot a d'abord été employé au XVIIIe siècle dans le langage juridique pour signifier qu'un mandataire voulait demander l'avis de ses mandants avant de prendre une décision.
Le plébiscite concerne une consultation par laquelle les citoyens expriment ou non leur confiance envers le chef de l'exécutif. Le mot vient du latin plebiscitum (« décret du peuple »). Il désignait dans la Rome antique des votes de l'assemblée de la plèbe qui n'avaient de valeur que pour les plébéiens.
Mis en oeuvre par le chef de l'exécutif lui-même, le plébiscite se solde très généralement par un soutien massif à celui-ci, au point qu'il en est venu à caractériser les régimes personnels. Quand il est contesté par le pouvoir législatif ou les corps intermédiaires, le chef de l'exécutif peut être tenté de renforcer sa légitimité par le recours au plébiscite.
Le même défaut est de plus en plus reproché en France au référendum d'initiative gouvernementale : quand il n'est pas de pure forme (adoption du quinquennat en 2001) et aboutit à un résultat contraire à celui escompté par le pouvoir exécutif, celui-ci ne craint pas de le contourner au mépris de la parole donnée (traité constitutionnel européen en 2005, collectivité alsacienne unique en 2013, Notre-Dame des Landes en 2015...).
Pour contrer ce défaut, on a tenté de promouvoir en France le référendum d'initiative citoyenne (RIC) mais il y a peu de chance qu'il puisse s'implanter. Ce type de référendum assimilable à la votation suisse fait en effet figure de chimère (monstre improbable, mi-homme mi-animal) dans une démocratie représentative adossée à une administration centralisée. On imagine mal en effet que le pouvoir exécutif et l'administration mettent en oeuvre une décision référendaire s'ils la désapprouvent l'un et l'autre. Comment pourraient-ils mieux respecter un référendum d'initiative citoyenne qu'un référendum de leur propre initiative ?...
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