Au commencement de la IIIe République, dans les années 1870, à la tribune et au pouvoir, Léon Gambetta a le souci constant de ne pas brusquer une opinion publique majoritairement rurale et encore très peu républicaine. Il rappelle régulièrement qu'il attend le « moment opportun » pour mettre en oeuvre chacune des réformes de son programme.
Cela lui vaut une rupture avec une autre étoile montante de la classe politique, Georges Clemenceau, qui qualifie d'« opportunistes » son adversaire et ses soutiens à la Chambre des députés et au gouvernement : Jules Ferry, Charles de Freycinet, Jules Grévy, Jules Méline, Pierre Waldeck-Rousseau, etc. C'est ainsi que la Chambre des députés, à majorité républicaine à partir de 1877, va se scinder jusqu'à la veille de la Grande Guerre entre républicains radicaux à gauche, républicains opportunistes au centre et républicains modérés et monarchistes à droite.
Aussi passionnément républicains que Clemenceau, les gambettistes vont s'approprier le terme d'« opportunisme » pour désigner leur tactique. Ils ne vont pas imposer leur programme contre la majorité de l'opinion mais se saisir de chaque opportunité pour le réaliser par étapes, en profitant du ralliement progressif de nouvelles couches sociales. À chaque moment décisif, pour le vote des grandes lois de la République, ils pourront aussi compter sur le soutien des républicains radicaux situés à leur gauche dans l'hémicycle.
Les « opportunistes » domineront de la sorte les gouvernements français jusqu'à la fin du XIXe siècle. En définitive, leur programme sera complètement réalisé dès avant la Grande Guerre par la IIIe République.
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