862

Le pont fortifié de Pîtres

Navires normands (miniature extraite de la Vie de Saint-Edmund, XIIe siècle, Pierpont Morgan Library, New York)Juin 862. Les Vikings remontent désormais régulièrement la Seine. Pour tenter d'endiguer le flot des envahisseurs et protéger Paris de leurs attaques, le roi Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, décide de construire un pont fortifié sur la Seine, à la confluence avec l'Andelle et l'Eure.

Au commencement du mois, il convoque tous les grands de son royaume et beaucoup d'ouvriers avec leurs chariots au lieu appelé Pîtres. Les Romains y avaient par le passé établi une ville de garnison, avec des thermes et même un théâtre. Les rois mérovingiens prirent leur suite et y aménagèrent l'une de leurs résidences champêtres.

Au temps du roi Charles, il reste probablement d'impressionnants vestiges antiques, rappelant qu'une grande civilisation s'est autrefois épanouie ici.

Le souverain y possède un palais dans lequel il effectue de fréquents séjours. Très vite les ouvriers mobilisés se mettent à la tâche et entreprennent la construction d'un pont, ou plutôt d'une sorte de barrage fortifié sensé empêcher les navires de remonter le cours du fleuve.

Un pont de belle allure

Ah qu'il a belle allure, l’ouvrage du roi Charles qui émerge lentement des flots. Il ressemble sans doute à ce pont décrit par un contemporain comme «d'une admirable solidité avec, placés sur chaque rive, des forteresses ingénieusement crées pourvues de garnisons pour la sauvegarde du royaume»

Pour davantage de sûreté, on le place sous la protection de Dieu : «Faisons pénitence par la confession et l'aumône. Les fortifications que nous construisons ici, sur la Seine, nous seront alors utiles». Derrière un rempart semblablement sanctifié, les Parisiens peuvent espérer dormir sur leurs deux oreilles. C'est du moins ce que l'on veut croire !

Les Vikings semblent effectivement éviter d'abord le secteur des travaux, mais reviennent y rôder trois ans plus tard. Les défenses ne leur résistent pas et ils s'installent à Pîtres comme à la maison. Le roi Charles en personne vient contempler l'étendue du désastre : son beau pont fortifié encore inachevé, n'est déjà plus qu'un jouet brisé aux mains de ses ennemis. Les dévastations reprennent aux alentours de Paris. Comme trop souvent, il doit se résoudre à lourdement taxer ses sujets pour acheter le départ des pillards.

Qu'à cela ne tienne ! Dès que les trouble-fêtes ont vidé les lieux, le roi «marche de nouveau vers Pîtres avec des ouvriers et des chariots pour y faire des travaux qui empêchent les Normands de remonter de nouveau la rivière». Il y a du Boileau, chez ce Charles là, qui vingt fois sur le métier remet son ouvrage. Dieu finira bien par reconnaître ses mérites et par bénir ses entreprises ! Il insiste encore en 869 et ordonne d'envoyer à Pîtres des centaines d'hommes et de chariots, «afin que les serfs achèvent et gardent cette forteresse qu'il avait ordonnée de construire en pierre et en bois».

L'ensemble est terminé avant 873 et semble capable d'arrêter les Vikings en 876. Mais il est à nouveau emporté en 885, lorsque le chef Sigfried veut emmener sa flotte jusqu'en Bourgogne. Le pont de Pitres entre alors dans les brumes de l'Histoire et la légende.

Stéphane William Gondoin
La Seine à la hauteur de Pîtres (Eure). Il y avait là autrefois un palais carolingien (photo : Stéphane William Gondoin)
Publié ou mis à jour le : 2023-06-12 16:32:39

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