Bourgogne

Le duché qui voulait être Empire

La Bourgogne, province charnière entre l'Empire et le royaume de France, a connu au Moyen Âge une histoire mouvementée.

À la fin du XIVe siècle, le duché revient à un fils cadet du roi de France. Sous son autorité et celle de ses descendants, il va connaître un siècle de puissance et de gloire sans pareille, jusqu'à rivaliser avec les plus grands royaumes d'Europe.

Benjamin Fayet
La tour Jean sans Peur en images

La tour Jean sans Peur est le dernier vestige de l'hôtel que possédaient à Paris les ducs de Bourgogne. Ce somptueux monument médiéval a été érigé en 1409 par le duc qui lui a donné son nom. À l'occasion de son 600e anniversaire, nous vous invitons à le visiter en compagnie de Richard Fremder et de son directeur Rémi Rivière :

Des Burgondes aux Bourguignons

La Bourgogne était il y a 2000 ans le territoire des Éduens, l'un des principaux peuples gaulois. Elle tire son nom des Burgondes, l'un des peuples germaniques ayant traversé le Rhin lors de l'hiver 406. En 888, Eudes, élu roi des Francs, donne à Richard le Justicier la souveraineté sur les terres burgondes (les comtés de Sens, d'Autun, d'Auxerre et de Troyes) en remerciement de son dévouement et de ses victoires contre les Vikings. Richard le Justicier devient ainsi le premier duc de Bourgogne.

En 987, le nouveau roi Hugues Capet attribue le duché à son frère. C'est le début de la première dynastie capétienne de Bourgogne. Elle va perdurer durant près de quatre siècles jusqu'à son extinction en 1361. Cette année est tragique pour la France, dépecée par la paix de Brétigny et ravagée par les Grandes Compagnies. Mais elle prélude l'Âge d'Or du duché...

Les fastes de Dijon

En 1361, un jeune homme de 17 ans, Philippe de Rouvres, tombe malade. Diagnostic : la peste noire. Sa mort prématurée va avoir des conséquences incalculables car il est le dernier rejeton de la première dynastie des ducs de Bourgogne. Son héritier direct est son beau-père le roi de France Jean II le Bon.

Comme les états de Bourgogne refusent une cession pure et simple du duché, le roi l'attribue à son quatrième fils Philippe le Hardi (22 ans), celui-là même qui l'avait protégé à Poitiers (« Père, gardez-vous à droite... »).

- Philippe le Hardi (1342-1404) :

Le 3 juillet 1362, le jeune Philippe fait son entrée en grande pompe à Dijon en qualité de seulement « lieutenant général par-dessus tous les autres ». Mais deux ans plus tard, des lettres patentes le font officiellement duc de Bourgogne et il jure, le 26 novembre 1364, en l'église Sainte-Bénigne de Dijon, de respecter les anciens privilèges.

Soucieux d'un bon mariage, le duc, qui  « voyait de loin », selon l'expression de Froissart, jette son dévolu sur la très riche héritière du comté de Flandre, Marguerite. Son père Louis de Maële (ou de Male) préfèrerait l'offrir à un prince anglais car sa prospérité repose sur les importations de laine anglaise ! Mais il en est empêché par la diplomatie française et se résout au mariage bourguignon. Il est célébré à Gand le 19 juin 1369. Marguerite apporte à Philippe les comtés de Rethel, Nevers, Artois et Flandre, sans compter les châtellenies de Lille, Douai et Orchies ainsi que la Flandre wallonne.  

À la mort du roi Charles V le Sage en 1380, Philippe II le Hardi et ses autres frères prennent la direction d'un conseil de régence, dans l'attente de la majorité du nouveau roi Charles VI, âgé de seulement 12 ans.

Au sein de ce « gouvernement des oncles », le duc de Bourgogne joue un rôle prépondérant du fait de sa richesse. Il oriente la diplomatie française vers un rapprochement avec l'Angleterre, étroitement associée à l'industrie flamande. Le mariage de ses enfants avec les héritiers du comté voisin de Hainaut-Hollande va l'éloigner encore un peu plus des intérêts capétiens.

En attendant, Philippe et son beau-père doivent faire face à la révolte des milices bourgeoises de Gand, les Witte Kaproenen (« Chaperons blancs »), sous la conduite de Philippe d'Artevelde. Le 3 mai 1382, ce tribun écrase les troupes du comte sur l'Eeverhoutseveld si complètement que Louis de Maële doit se cacher dans le sac d'une mendiante pour en réchapper.

- Jean sans Peur (1371-1419) :

Jean sans Peur (28 mai 1371, Dijon ;10 septembre 1419, Montereau) (école de Jan van Eyck, musée du Louvre)Avec Jean sans Peur, qui succède à son père Philippe II le 27 avril 1404, les dissensions s'aggravent au sein du conseil qui assiste le malheureux roi Charles VI, devenu fou. Le frère du roi Louis d'Orléans et son cousin se querellent. C'est au point que Louis d'Orléans est un soir de novembre 1407 assassiné au coin d'une rue !

Les Bourguignons entrent ouvertement en guerre avec les partisans de la victime, commandés par son fils Charles d'Orléans et le beau-père de ce dernier, le comte d'Armagnac, dont les troupes sont redoutées. À Paris, où il est amené à résider le plus souvent, le duc fait fortifier son hôtel, adossé à l'enceinte nord. Il en reste une très belle tour, la « tour Jean sans Peur ».

Les Anglais profitent de la guerre civile pour revenir en force. C'est Azincourt ! L'armée royale, réduite à peu de chose près aux Armagnacs, est anéantie. L'héritier du trône Charles tente un rapprochement avec Jean sans Peur. La rencontre sur le pont de Montereau aboutit au meurtre du duc le 10 septembre 1419.

- Philippe le Bon (1396-1467) :

Le nouveau duc Philippe le Bon, désormais rangé sans équivoque du côté anglais, négocie le traité de Troyes qui dépouille le Dauphin de ses droits.

L'historiographe Jean Wauquelin présente à Philippe le Bon son ouvrage, Les Chroniques de Hainaut.

Le malheur s'abat sur la France cependant que les possessions bourguignonnes, de plus en plus étendues, de plus en plus riches, affichent leur prospérité et font du duc l'un des seigneurs les plus puissants d'Europe. Craignant toutefois d'être débordé par la puissance anglaise, Philippe le Bon finit par se rapprocher du roi Charles VII et conclut avec lui le traité d'Arras, en 1435. En échange de grosses concessions territoriales sur la Somme et en Picardie, il renonce à l'alliance anglaise.

Ayant reconstitué pour ainsi dire l'ancien royaume carolingien de Lotharingie, il s'attribue le titre de « Grand-Duc du Ponant », ou Grand-Duc d'Occident, et tente avec son chancelier Nicolas Rolin d'unifier le gouvernement de ses diverses possessions. Protecteur des artistes comme les peintres flamands Jan Van Eyck et Roger Van der Weyden (Roger de la Pasture), le duc se comporte en précurseur de la Renaissance. Sa cour de Dijon connaît un faste inégalé dans le royaume de France.

Pour asseoir sa gloire, il institue en 1430 l'Ordre de la Toison d'Or, à l'occasion de son mariage avec sa troisième épouse Isabelle de Portugal. D'un naturel enjoué, le duc multiplie les aventures et on lui prête au moins dix-sept bâtards... mais un seul fils légitime, le futur Charles le Téméraire. 

Le duc accueille à Dijon le Dauphin, en conflit avec son père le roi Charles VII, et il se fait gloire de financer son sacre à Reims sous le nom de Louis XI. Il ne lui manque plus grand-chose pour devenir roi à part entière, sans lien de vassalité aucun...

Sur ses dernières années, Philippe le Bon a associé son fils Charles, comte de Charolais, à son gouvernement.

- Charles le Téméraire (1433-1477) :

Devenu duc en 1467, Charles le Téméraire ou le Hardi va dilapider en dix ans l'héritage de trois générations...

Il est très vite conduit à combattre Louis XI. S'ensuivent des coups bas et la mémorable entrevue de Péronne. Louis XI, aussi réfléchi que son adversaire est impétueux, dresse contre lui les Suisses, redoutables paysans-soldats que le duc qualifie avec mépris de « peuple de bouviers ». Ils infligent aux Bourguignons les défaites de Grandson et Morat, les 2 mars 1476 et 22 juin 1476. À Morat, au nord de Fribourg (Suisse), le choc entre fantassins suisses et chevaliers bourguignons se dénoue en une heure et se solde par cinq heures d'épouvante au cours desquelles les vainqueurs massacrent leurs prisonniers en représailles du massacre de la garnison du château de Grandson par les Bourguignons.

Là-dessus, le duc, soucieux de réunir ses possessions en un bloc, tente dans l'hiver qui suit de reprendre la ville de Nancy au duc de Lorraine et à ses troupes suisses. Il disparaît pendant le siège, le 5 janvier 1477. Son corps est retrouvé seulement trois jours plus tard, à moitié dévoré par les loups. C'est la fin de la Bourgogne ducale. Il s'ensuit cette formule laconique connue de tous les écoliers suisses : « Charles le Téméraire perdit à Grandson le bien (sa fortune matérielle), à Morat le courage (à la suite de la destruction de son armée), à Nancy la vie ».

Le retour de la Bourgogne à la France

Louis XI intègre le duché proprement dit au domaine royal cependant que les autres possessions sont transmises par Marie de Bourgogne à son mari Maximilien de Habsbourg, fils de l'empereur d'Allemagne. Une étoile s'éteint, une autre s'élève, celle des Habsbourg.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-03 15:21:24

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