Coco Chanel (1883 - 1971)

Un parfum pour l'éternité

Gabrielle Chanel n'aurait jamais dû laisser son nom dans l'Histoire : fille d'un couple pauvre et illégitime, elle naît le 19 août 1883 dans un hospice de Saumur.

Avec sa sœur Julia, elle va passer son enfance sur les marchés avec son père, colporteur forain, spécialisé dans les costumes de travail. Mais la mort de sa mère, en 1895, change son destin : la voici abandonnée, confiée aux soins de l'orphelinat d'Aubazine (Corrèze).

À 18 ans, les portes s'ouvrent et elle s'envole : la première étape est une mercerie à Moulins où elle rêve de théâtre. Elle parvient à monter sur scène à Moulins, et surtout à se faire remarquer par un fils de bonne famille, Étienne Balsan. Elle le suit dans sa propriété aux environs de Paris, mais la proposition de mariage ne vient pas...

Isabelle Grégor
Coco ? Une poseuse !

Ce sont ses admirateurs des 10e Chasseurs de Moulins qui donnèrent à Chanel ce surnom désormais connu dans le monde entier. Dans le café-concert de La Rotonde, les membres de la garnison remarquent vite cette « poseuse », figurante destinée à faire patienter entre les numéros. La jeune fille timide ne connaît que deux chansons : « Ko Ko Ri Ko » et « Qui qu'a vu Coco ». Ainsi naquit « la petite Coco ».

De Paris à Deauville, quelle audace !

Son nouvel amour, l'Anglais Boy Capel, ne lui fait pas plus de promesses mais lui permet de réaliser son rêve : en 1910, elle inaugure à Paris sa première boutique de chapeaux. La voici enfin modiste !

Artistes et femmes de la société se pressent dans ses salons, tandis que ses créations sont publiées dans les journaux de mode. Il est temps de passer à l'étape suivante en ouvrant une nouvelle boutique à Deauville, en 1913, pour diffuser cette mode sport, décontractée mais toujours élégante, qui libère les femmes du bustier baleiné et des échafaudages de chapeaux.

Ses trouvailles vestimentaires sont plébiscitées pendant la Première Guerre mondiale, époque où les élégantes cherchent à la fois l'efficacité et la féminité. Elle crée alors à Biarritz sa maison de couture et poursuit ses audaces en dessinant des ensembles en jersey souple à la taille à peine marquée, et laissant même apparaître les chevilles de ces dames qui ont vite adopté sa coupe de cheveux « à la garçonne ».

D'emblée, elle témoigne de son habileté à saisir l'esprit du temps. Totalement indifférente au drame de la Grande Guerre, elle en tire néanmoins profit en s'installant opportunément dans les stations de luxe éloignées de la guerre, où se retrouve la haute bourgeoisie.  

Il ne lui reste plus qu'à conquérir Paris. C'est rapidement chose faite, notamment grâce au cercle des émigrés russes dans lequel Chanel s'est invitée en se liant avec le fils du tsar Alexandre II, le grand-duc Dimitri. Elle participe à l'ébullition régnant dans la capitale qui ouvre les bras aux insolences de Picasso, Cocteau ou encore Joséphine Baker.

Le style Art Déco triomphe, l'heure est à la sobriété, à la structuration des formes, à l'androgynie. Les collections présentées par Coco dans son nouvel immeuble parisien de la rue Cambon, aux parois revêtues de miroirs, sont là pour satisfaire les femmes en quête de modernité. Et qu'importe si les grincheux comme le grand couturier Paul Poiret trouvent qu'elles ressemblent à « de petites télégraphistes sous-alimentées » et y voit « un misérabilisme de luxe » !

« Voici la Ford signée Chanel »

C'est ainsi que le magazine américain Vogue présenta en 1926 la première « petite robe noire » dont la simplicité fit grincer des dents. Comment pouvait-on proposer un tel modèle, totalement impersonnel et couleur de deuil ? Les femmes n'allaient jamais accepter de toutes porter cet uniforme ! Et pourtant ce fourreau allait devenir la Rolls de la mode, élément indispensable de toute garde-robe, mille fois copié mais toujours inégalé.

Le confort avant tout

Après la Russie, l'Angleterre : Chanel est présentée en 1925 au duc de Westminster, homme le plus riche de son pays. Elle devient sa maîtresse et, grâce à lui,  s'empare du tweed, des rangs de perles et de la bonne société londonienne.

À l'écoute de son temps, elle traduit la libéralisation des mœurs et du corps féminin par la création de la mode unisexe. Les femmes aisées, qui découvrent les joies du sport et des loisirs, se jettent sur ces pantalons qui les laissent enfin libres de leurs mouvements. Mais l'élégance est toujours là : à la mode stricte des Années Folles succèdent, le soir, la robe longue en satin et les teintes pâles des années 30.

Pour Gabrielle, amoureuse du décorateur Paul Iribe, Paris est une fête. On lui prête cette jolie formule : « Personne n'est jeune après quarante ans, mais on peut être irrésistible à tout âge » !

Un chiffre : 5

Un cube en cristal aux arêtes marquées, un bouchon tout de sobriété et une étiquette blanche : en 1920, Chanel lance la star des parfums, le Numéro 5. Le fameux nez des Grands de Russie, Ernest Beaux, a présidé à l'élaboration de ce mélange subtil, le cinquième des échantillons présentés à la couturière.

Pour la première fois, le monde de la mode et celui du parfum se rejoignent pour créer un des plus gros succès du luxe dans le monde.

Les vedettes les plus en vue se bousculent pour incarner cette femme audacieuse, libérée et sensuelle qui, comme Marylin, ne portent pour tout pyjama que « quelques gouttes de N°5 ».

On ne danse plus...

Les années qui suivent sont celles de l'épreuve pour Chanel : en 1935, Paul Iribe, qui voulait l'épouser, meurt sous ses yeux d'une crise cardiaque.

Dans le monde de la couture, de nouveaux rivaux viennent fragiliser sa puissance, comme sa grande rivale Elsa Schiaparelli qu'elle appelait avec mépris « L'Italienne ». Puis de nouveau la guerre est là, il faut se décider à fermer la maison Chanel et licencier le personnel. 

Coco obtient des Allemands une suite à l'année à l'hôtel Ritz. Elle n'y est pas seule : elle entretient une liaison avec un officier allemand, le baron Hans Günther von Dincklage. Elle tente aussi de mettre à profit les lois sur l'« aryanisation » pour dépouiller les frères Wertheimer, propriétaires juifs de la maison Chanel, réfugiés aux États-Unis, mais sa manoeuvre échoue. Par un singulier retournement du sort, cette même famille s'est aujourd'hui réappropriée la marque . 

Affectée par le sort de son neveu André Palasse, prisonnier de guerre, qu'elle chérit plus qu'un fils, elle accepte, à la demande des Allemands, de se rendre à Madrid en vue d'entrer en contact avec son ami Winston Churchill et de sonder ses intentions.

Elle est recrutée en 1941 par l'Abwehr, le service de renseignements de l'armée allemande, sous le nom de code « Westminster ». Ces compromissions avec l'occupant nazi lui valent à la Libération d'être inquiétée jusqu'à l'intervention de Churchill en sa faveur. Fidèle en amitié et totalement hermétique au « qu’en dira-t-on ? », elle-même n'en poursuit pas moins une correspondance avec l'ancien responsable du renseignement Walter Schellenberg, condamné à 6 ans de prison à Nuremberg, et paiera même ses funérailles en 1952.

La Libération est suivie de huit années d'exil en Suisse, pendant lesquelles un jeune couturier nommé Christian Dior lance le raz-de-marée du « new look » et pulvérise avec sa taille de guêpe et ses balconnets tous les efforts de Coco pour libérer le corps. Mais rien ne peut abattre Chanel, plus tyrannique et tenace que jamais : le 5 février 1954, elle présente une nouvelle collection. C'est un échec incontestable. Il lui faudra un travail acharné, et le soutien des Américains, fous de son fameux petit tailleur de tweed, pour reconquérir à plus de soixante-dix ans sa place dans la mode.

« Mademoiselle » meurt le 10 janvier 1971, après avoir écrit à elle-seule une des pages les plus brillantes de l'Histoire de la mode.


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Le corps
Publié ou mis à jour le : 2021-08-30 23:51:55

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