Onzième épisode :
Les Hittites (de 200 à 1180 av. J.-C.)
Jusqu’alors en marge des grandes civilisations, l’Anatolie va sortir de l’ombre au 2e millénaire av. J.-C. sous l’impulsion d’un nouveau peuple : les Hittites.
L’Anatolie correspond plus ou moins à l’actuelle Turquie. Il s’agit de plateaux et de montagnes au climat assez rude en dehors des régions côtières. Elle borde la mer noire au nord, la mer Egée à l’ouest, et la Méditerranée au sud. Elle culmine à 5160 m d’altitude au mont Ararat. La partie orientale, riche en cuivre, a connu un développement précoce de la métallurgie du bronze.
La fin du 3e millénaire est caractérisée par 2 mouvements de population majeurs : vers 2300 av. J.-C., les Hourrites venus du sud du Caucase commencent à exercer une pression sur le nord de la Mésopotamie et forment des petits royaumes.
Dans le même temps, des peuples indo-européens commencent à s’installer en Anatolie, probablement venus du nord-ouest : les Hittites notamment, mais aussi d’autres peuples comme les Louvites. Il faut noter que c’est les premiers Indo-européens à entrer dans l’Histoire puisqu’ils adoptent l’écriture cunéiforme de Mésopotamie.
À partir de 1950, des royaumes hittites commencent à prendre de l’importance grâce au commerce du cuivre avec la Mésopotamie. Les villes d’Assur et de Kanesh apparaissent alors comme des plaques tournantes commerciales.
C’est vers 1780 qu’une 1ère tentative d’unification est menée en pays hittite : depuis la ville de Kussara, le roi Pithana parvient à s’emparer de Kanesh, puis son fils Anitta poursuit la progression vers le Hatti au nord : c’est ce pays qui donnera leur nom aux Hittites. Ce 1er royaume se désagrège peu après, mais il servira de référence pour les époques à venir.
Après une période obscure, le roi Labarna recrée un royaume puissant vers 1650 av. J.-C., cette fois de façon plus durable. C’est le fondateur de l’Ancien Empire hittite : dorénavant, le nom « Labarna » deviendra un titre hittite synonyme d’empereur.
Son successeur Hattusili Ier, qui règne de 1630 à 1610 av. J.-C., déplace la capitale à Hattusa. Cette ville restera le cœur du pays hittite jusqu’à la fin de cette civilisation.
Hattusili Ier lance une nouvelle phase d’expansion : au sud, il affaiblit le royaume de Yamkhad. A l’ouest, il combat les Louvites qui ont formé un puissant royaume : l’Arzawa. A l’est, il doit faire face aux prétentions des Hourrites, qui sont devenus l’ethnie majoritaire dans l’extrême nord de la Mésopotamie. Ceux-ci fomentent des révoltes dans le Hatti, qui occupent Hattusili jusqu’à la fin de son règne.
Son successeur Mursili Ier porte l’Ancien Empire hittite à son apogée : il met fin aux 2 principales puissances du Moyen-Orient en détruisant Alep, puis en pillant Babylone en 1595 av. J.-C.
Mais il ne cueillera pas le fruit de ces destructions : Mursili Ier est assassiné vers 1580 et les querelles de succession qui s’ensuivent affaiblissent le royaume. Vers 1550, l’Arzawa en profite pour s’étendre vers l’est. Peu après, c’est un autre royaume louvite, le Kizzuwatna, qui prend son indépendance vis-à-vis des Hittites. Le royaume hittite se replie et traverse une période chaotique : qui est surtout marquée par le règne de Telipinu autour de 1500 av. J.-C. Sa loi de succession va permettre de stabiliser le pays.
Pendant ce temps en Haute Mésopotamie, les Hurrites profitent du vide laissé par les raids hittites pour se regrouper en un royaume puissant : le Mitanni. En l’absence d’écriture et de vestiges archéologiques, son histoire reste très méconnue et même sa capitale, Washshukanni, est mal localisée. Dans tous les cas, le Mitanni étend peu à peu sa suzeraineté sur les royaumes voisins, y compris le Kizzuwatna. Vers 1460, sous le règne de Barattarna, la domination mitanienne englobe un domaine immense, de la Méditerranée aux monts Zagros.
Le Mitanni devient une sérieuse menace pour les Hittites, combinée aux raids des barbares Gasgas venus du nord. Mais l’expansion de l’Egypte de Thoutmosis III va déporter l’attention des Hurrites vers le sud. L’empereur hittite Tudhaliya Ier, qui monte sur le trône vers 1430 av JC, en profite pour restaurer son influence sur le Kizzuwatna. Cette expansion vers la sphère mitannienne amène en retour de nombreux Hurrites dans la Cour hittite. A l’ouest, les Hittites remportent des victoires contre l’Arzawa, à l’époque où les Mycéniens commencent à s’implanter sur la côte anatolienne. Mais au nord, les Gasgas continuent de pénétrer dans le royaume et de ravager le pays : la capitale Hattusa elle-même est pillée vers 1380. L’Arzawa en profite pour regagner du terrain.
Ce n’est qu’à l’avènement du roi Suppiluliuma Ier, vers 1360, que démarre vraiment le Nouvel Empire hittite. Il commence par repousser les Gasgas et l’Arzawa, puis se tourne vers la Syrie. A cette époque, les rois locaux sont au carrefour des influences de l’Egypte et du Mitanni. Suppiluliuma parvient à s’emparer de la région en profitant du pacifisme croissant de l’Egypte. A l’est, l’Assyrie en profite pour se détacher de l’influence du Mitanni. L’action combinée de Suppiluliuma et d’Assur-Uballit donne le coup de grâce au Mitanni qui devient un état vassal. La ville de Karkemish est la dernière à tomber vers 1326 av. J.-C., et devient la 2e ville de l’empire hittite. Les Hittites tentent de poursuivre leur avantage vers le sud, mais ils sont arrêtés par le pharaon Horemheb qui reprend Qadesh. Cette ville sera régulièrement perdue et reprise dans les décennies suivantes.
Suppiluliuma meurt de la peste vers 1322, de même que son successeur quelques mois plus tard. Mursili II monte alors sur le trône et reprend la lutte contre les Gasgas et l’Arzawa, qui s’est allié entre temps aux Mycéniens. Il finit par s’emparer de sa capitale Ephèse, et l’ensemble du territoire tombe sous suzeraineté hittite. A sa mort vers 1295 av. J.-C., l’empire hittite est à son apogée.
Muwattali II parvient à maintenir la vitalité de l’empire, et étend même sa domination au nord-ouest jusqu’à la ville de Troie. Mais il ne parvient pas à contenir les prétentions de l’empire assyrien qui s’empare de toutes les terres à l’est de l’Euphrate, tandis qu’au sud les Egyptiens restent très menaçants.
Mursili III lui succède en 1272 av. J.-C., mais il est victime d’un coup d’état perpétré par Hattusili Ier. Cet usurpateur règne 27 ans et déploie beaucoup d’efforts pour affirmer sa légitimité. Son activité diplomatique lui permet de mettre fin à plus d’un siècle de conflit avec l’Egypte. Mais l’empire assyrien demeure hostile, les Gasgas continuent de menacer les frontières, et la domination hittite à l’ouest est très contestée.
Le règne de son successeur Tudhaliya IV marque une profonde évolution religieuse qui confirme que la culture hurrite continue de gagner du terrain au sein du Hatti. Les hiéroglyphes hittites, inventés 2 siècles plus tôt par les Louvites, tendent à remplacer la vieille écriture cunéiforme. Tudhaliya IV conquiert également l’île de Chypre.
Avec son règne, le rayonnement de l’empire hittite touche à sa fin : en effet, sa mort vers 1215 av JC marque le début d’un effondrement rapide. Des peuples venus de la mer Egée s’avancent inexorablement en détruisant tout sur leur passage : les principales villes de l’empire comme Hattusa et Ugarit disparaissent définitivement vers 1180, et il ne reste plus guère que Karkemish. Ces peuples conquérants vont affaiblir tous les empires du Proche-Orient, mais c’est en Anatolie que la chute est la plus radicale. Leur origine est probablement à trouver en Grèce, où la civilisation mycénienne disparaît au même moment de façon tout aussi brutale. L’arrivée de nouveaux peuples venus du nord, les Doriens, a peut-être initié cette réaction en chaîne.
Finalement, les Hittites parviendront à reformer de petits états à l’ouest de Karkemish, mais ils ne retrouveront jamais plus le devant de la scène.
Dans cette vidéo, on aura pu constater que l’Egypte est complètement sortie de ses plates-bandes traditionnelles. C’est le moment de s’intéresser à l’époque de gloire du Nouvel Empire
Vincent raconte...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible