Le monde au Moyen Âge (622-1453)

Vincent raconte le califat des Fatimides (868 - 1073)

Le califat chiite des Fatimides (868 - 1073)

Dans les trois premiers épisodes de notre série, on s’est intéressé à l’expansion du califat jusqu’à l’apogée des Abbassides. Au IXe siècle, son affaiblissement va entraîner l’émergence de deux nouveaux pôles, en Egypte et en Iran.

Tout commence en 861, lorsque le calife al-Mutawakkil est tué par des Turcs issus de sa garde rapprochée. A partir de cet instant, ce sont ces Turcs appelés les Ghulams qui font et défont les califes, fragilisant leur autorité. Les marges du califat en profitent pour reprendre leur indépendance.

En Egypte, le gouverneur d’origine turque Ahmad Ibn Touloun cesse de transmettre les impôts vers la capitale en 875, ce qui marque une indépendance de facto de l’émirat toulounide. Le calife doit alors gérer une révolte dans le sud de l’Irak, l’indépendance des Saffarides en Iran, et la progression de l’empire byzantin vers la Syrie, ce qui l’empêche de réagir. Les ressources de l’Egypte restant sur place, Ibn Touloun peut renforcer considérablement son armée. En 878, il étend son emprise jusqu’à la Syrie en se posant comme le défenseur du califat face aux Byzantins. La ville de Fustat aujourd’hui intégrée au Caire s’embellit considérablement à cette époque.

A sa mort en 884, Ibn Touloun laisse un émirat florissant à son fils Khumarawaih. Celui-ci s’installe à Damas, mais il dilapide l’argent de l’émirat par son train de vie exubérant, ce qui affaiblit le pays. Il est finalement assassiné en 896 en laissant derrière lui un véritable chaos politique. Finalement, le calife abbasside peut reprendre le contrôle de l’Egypte en 905.

Jusqu’à présent, les différents émirats ont toujours respecté l’autorité spirituelle du calife abbasside. Mais l’affaiblissement croissant du pouvoir central favorise la montée du chiisme qui remet en cause la succession établie. Celui-ci remonte à la mort du calife Ali en 661 : plutôt que de reconnaître la nouvelle dynastie des Omeyyades, les chiites ont préféré suivre les préceptes des descendants d’Ali appelés les Imams. Des désaccords sur la succession des Imams ont eux-mêmes divisé le chiisme en 3 principales branches : le chiisme duodécimain bien implanté en Iran et en Irak, le chiisme zaydite surtout présent au Yémen, et le chiisme ismaélien centré sur la Syrie.

C’est ce dernier courant qui se montre le plus virulent à cette époque : l’Imam Ubayd Allah n’est pas reconnu par une partie des Ismaéliens, les Qarmates, qui fondent un véritable état indépendant centré sur Bahreïn en 903 et mènent des raids jusqu’en Syrie. Ubayd Allah doit alors trouver refuge en Kabylie où il rassemble ses partisans. Il parvient à s’emparer de la ville de Kairouan aux dépens des Aghlabides, puis s’empare de Tahert aux dépens des Rostémides, et se proclame calife en 909, fondant la dynastie des Fatimides. Il fait construire une nouvelle capitale, Mahdia, où il s’installe en 921.

Cette fondation d’un nouveau califat pousse l’émir omeyyade de Cordoue à faire de même en 929, ce qui fragilise encore plus les Abbassides. En Syrie, les émirs de la dynastie hamdanide en ont profité pour prendre leur indépendance. Les Qarmates sont alors au sommet de leur puissance et mènent un raid dévastateur jusqu’à La Mecque en 930. Les gouverneurs d’Egypte, les Ikhchidides, se chargent de protéger la région et prennent une grande autonomie vis-à-vis du calife abbasside. Peu après en 945, les Bouyides d’obédience chiite se rendent maîtres de l’Irak, ce qui met fin à l’autorité temporelle des Abbassides.

A cette époque, le Maroc est l’objet d’une compétition entre les Fatimides de Mahdia et les Omeyyades de Cordoue, ce qui finit par provoquer l’effondrement des Idrissides. En 969, les Fatimides peuvent se tourner vers l’Egypte dont ils s’emparent rapidement. Ils y fondent leur nouvelle capitale, Le Caire, juste à côté de Fustat, puis ils poursuivent leur progression vers la Syrie, juste à temps pour stopper l’avancée de l’empire byzantin qui a repris de la vigueur. Ça leur permet d’être reconnus par le Chérif de La Mecque.

Le déplacement de la capitale vers l’Egypte provoque une révolte en Ifriqya. Pour apaiser les mécontentements, les Fatimides y fondent un émirat aux mains d’une dynastie berbère, les Zirides. Le califat fatimide atteint son apogée et Le Caire s’embellit de plusieurs mosquées et palais. Si la population égyptienne est devenue majoritairement arabe, l’Egypte demeure un véritable carrefour des religions. On y trouve les chrétiens de l’époque ancienne, les musulmans chiites qui suivent les préceptes du calife fatimide, et les musulmans sunnites qui continuent de reconnaître l’autorité spirituelle des Abbassides, sans compter les juifs dans les grandes villes. Ça favorise les transferts de connaissances, dynamisés par la fondation d’une Université au Caire sur le modèle de Bagdad.

Le calife Al-Hakim encourage particulièrement cette entreprise, mais il est assassiné en 1021. La disparition mystérieuse de son corps renforce son statut de messie aux yeux de certains musulmans, ce qui conduit à l’apparition d’une nouvelle branche de l’islam, les Druzes, qui subsisteront principalement en Syrie.

Le califat fatimide commence à s’affaiblir après cette date, notamment en raison des attaques des Hilaliens qui regroupent des tribus venues d’Arabie. Au Maghreb, une nouvelle dynastie berbère, les Hammadides, proclame son indépendance dès 1014, puis ce sont les Zirides eux-mêmes qui prennent leur indépendance en 1048, tandis que le Maroc retrouve sa division en tribus. Les Fatimides parviennent à détourner les Hilaliens vers le Maghreb qui est ravagé à partir de 1050.

En 1055, la prise de Bagdad par les Turcs Seldjoukides contribue à redonner une nouvelle vigueur au sunnisme. Puis en 1073, les Turcs s’emparent de Jérusalem et les Fatimides ne conservent plus que l’Egypte. Leur califat finira par s’éteindre un siècle plus tard dans le contexte des croisades.

C’est ce qu’on verra dans l’épisode 10. En attendant, on va voir ce qui s’est passé en Iran pendant tout ce temps : comme l’Egypte, cette région a profité de l’affaiblissement des Abbassides pour retrouver un rôle de premier plan.

Vincent Boqueho

Publié ou mis à jour le : 2022-10-17 21:02:24

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