Bar-le-Duc

La belle endormie

Bar-le-Duc est un haut lieu de l'Histoire de France. En témoigne son riche patrimoine dont l'essentiel remonte à la Renaissance, du temps où elle était la résidence des ducs de Bar et de Lorraine.

Cette ville méconnue, au centre de la Lorraine, est le chef-lieu du département de la Meuse. Elle avait vingt mille habitants au milieu du XIXe siècle mais n'en a plus qu'environ seize mille.

Elle a perdu en effet la plupart de ses industries - à l'exception notable de la filature Bergère de France - et abandonné à Verdun le statut de métropole départementale. Verdun conserve aussi l'évêché, lointain héritage d'une Histoire agitée.

Bar-le-Duc tire son nom d'un mot celte qui désigne un promontoire. Effectivement, elle est née sur une hauteur qui domine l'Ornain, un affluent de la Marne. Elle a succédé au Moyen Âge à la cité gallo-romaine Caturiges, installée au bord de la rivière.

À l'époque moderne, à l'époque du duc Léopold 1er, l'urbanisation est redescendue vers l'Ornain, de sorte qu'aujourd'hui se font face une ville haute, avec ses rues médiévales et ses hôtels Renaissance, et une ville basse, avec ses avenues bordées d'hôtels du XVIIIe siècle et de la Belle Époque.

André Larané
L'église Saint-Étienne et le palais de Justice, sur la place Saint-Pierre, à Bar-le-Duc (Meuse)

Féodalité agitée

L'Histoire de Bar-le-Duc commence avec l'empereur germanique Otton 1er, quand un seigneur local, Frédéric d'Ardenne, érige un château au-dessus de l'Ornain.

Ce château va devenir jusqu'à la fin du Moyen Âge, au XVe siècle, la résidence des comtes puis ducs de Bar. Il n'en reste plus de trace.

Au XVIe siècle, suite à la réunion des deux duchés de Bar et de Lorraine par René II, les ducs se partagent entre Bar-le-Duc et Nancy, leur nouvelle capitale.

À la place de l'ancien château de Bar, les ducs de Bar et de Lorraine érigent à la fin du XVIe siècle un château de style classique pour les besoins de l'administration. Il abrite aujourd'hui le Musée barrois.

Renaissance épanouie

Antoine de Lorraine (Hans Holbein, Gemaldegalerie, Berlin)Le duc Antoine le Bon, mécène comme son grand-père René 1er d'Anjou, accueille de nombreux artistes à sa cour. Parmi eux le sculpteur Ligier Richier (Ligier est son prénom).

Ligier Richier innove par une attention inédite à l'émotion et au sentiment. Il serait né en 1500 à Saint-Mihiel, une petite ville voisine, sur la Meuse, qui s'est développée autour d'un très ancien monastère bénédictin dont il reste une splendide bibliothèque.

L'artiste est connu avant tout pour une œuvre sans équivalent, le « Transi », aussi appelé le « Monument au cœur de René de Chalon ». D'abord installé dans la chapelle ducale, la collégiale Saint-Maxe, qui n'existe plus, il trône aujourd'hui dans l'église Saint-Étienne, anciennement collégiale Saint-Pierre.

Cette sculpture en calcaire est censée représenter le gendre du duc Antoine, trois ou quatre ans après qu'il a été tué au siège de Saint-Dizier, le 15 juillet 1544, par l'empereur Charles Quint, à l'âge de 25 ans.

René de Chalon a été inhumé selon ses vœux à Breda, en Hollande, sa ville natale. La sculpture, commandée par sa veuve, représente le défunt décharné, le bras tendu vers le ciel, la main tenant son cœur, manifestant son espérance en la résurrection.

On peut voir aussi dans le chœur de l'église une sculpture en bois du même artiste, le Christ en croix entre les deux larrons.

La dernière œuvre connue de Ligier Richier est une Mise au tombeau avec différents personnages grandeur nature. Elle aurait été réalisée peu avant que l'artiste ne se convertisse au calvinisme en 1563 et ne s'établisse à Genève, où il est mort en 1567.

Son œuvre est visible dans une chapelle de l'église Saint-Étienne de Saint-Mihiel. Comme son homonyme de Bar-le-Duc, il s'agit d'une église-halle avec des nefs latérales de même hauteur que la nef centrale.

Le Transi de René de Chalon (Ligier Richier, 1547, église Saint-Étienne, Bar-le-Duc)

L'entourage des ducs et les marchands ont laissé dans la ville haute de nombreux édifices témoins de la Renaissance. L'un des plus curieux est assurément le collège de Trèves, en voie de restauration après avoir hébergé un établissement scolaire.

Il a été construit par Gilles de Trèves. Né à Trèves (en Anjou), en 1515, il devient à 22 ans doyen de la collégiale Saint-Maxe grâce à la protection du duc Antoine.

Comme les réformés protestants se scandalisent du mauvais comportement du clergé catholique, il tente de rétablir un semblant de discipline chez les chanoines, au sein du chapitre.

En 1549, il hérite de la fortune familiale et lance alors la construction du collège qui porte son nom. Cet édifice à un étage, organisé autour d'une cour carrée, va accueillir les étudiants en théologie seulement après sa mort en 1582.

Il passe en 1617 sous la tutelle des jésuites, lesquels accueillent cent à deux cents élèves répartis en trois classes de grammaire, une classe d'humanité et une classe de rhétorique. Qualifiés de « veneurs de beaux esprits », ils repèrent les élèves les plus doués et s'efforcent de les attirer dans leurs rangs.

Le collège de Trèves, à Bar-le-duc (photo : André Larané)

La « Voie sacrée »

Le château de Marbeaumont, à Bar-le-DucÀ la fin du XVIIIe siècle, Bar-le-Duc, délaissée par les ducs, retrouve un peu de couleur en devenant le chef-lieu du nouveau département de la Meuse.

Elle s'honore de quelques enfants au destin prestigieux, avant tout deux généraux d'Empire, Nicolas-Charles Oudinot (1767-1847) et Rémy Exelmans (1775-1852).

Le premier est titré duc de Reggio et hissé à la dignité de Maréchal d'Empire par Napoléon 1er. Mais il lâche son bienfaiteur après l'abdication de Fontainebleau, ce qui lui vaudra de finir ses jours comme gouverneur des Invalides. Le second, resté fidèle à l'Empereur, devra attendra cependant l'accession au pouvoir de son neveu Napoléon III pour obtenir le maréchalat.

Le plus illustre des Barrois demeure toutefois Raymond Poincaré, né le 20 août 1860 dans une maison aujourd'hui occupée par l'hôtel de ville. Président de la République, il guidera le pays pendant la Grande Guerre de 14-18. De retour à la Présidence du Conseil en 1926, il sauve in extremis le franc et redresse habilement l'économie.

Mais Poincaré n'est hélas pas le seul lien qui rattache Bar-le-Duc au souvenir de la Grande Guerre. La ville se retrouve aux avant-postes quand l'état-major allemand lance en février 1916 une puissante offensive sur le saillant de Verdun, en vue de « saigner l'armée française », rien que ça.

Stèle à l'entrée de la Voie sacrée (Bar-le-duc), photo : André LaranéVerdun n'est reliée à l'arrière que par une modeste voie ferrée métrique et une route de campagne qui rejoint Bar-le-Duc, à 57 kilomètres au sud. L'état-major français envoie immédiatement quelques milliers de « territoriaux », dont beaucoup de travailleurs indochinois, sur cette route en vue de l'élargir et l'empierrer.

Pendant toute l'année que durera la bataille, ces hommes vont nuit et jour consolider et réparer cette « Voie sacrée », par laquelle seront acheminés vers le front les munitions, le ravitaillement et les hommes.

En juin 1916, la voie ferrée est elle-même doublée par une voie au gabarit normal, ce qui permet de faire passer sa capacité de transport à 40.000 tonnes par jour au lieu de seulement 3.000 tonnes par jour. La « Voie sacrée », quant à elle continue d'acheminer vaille que vaille 15.000 tonnes par jour.

Au plus fort de la bataille, on compte un camion toutes les cinq secondes. Sur le retour vers Bar-le-Duc, une partie de ces camions sont affectés au transport des blessés. La ville ducale les accueille dans six hôpitaux de fortune.

Pendant quelques semaines, le général Pétain, qui commande le front, réside à Bar-le-Duc, au débouché de la « Voie sacrée », dans le château de Marbeaumont, une étonnante demeure bourgeoise construite dix ans plus tôt par le banquier Paul Varin-Bernier.

Ce château abrite aujourd'hui la médiathèque municipale, assurément l'une des plus belles qui soient en France. C'est un privilège rare qui est offert aux habitants de pouvoir s'asseoir dans l'un des salons de ce château au décor Art Nouveau, avec vue sur le grand parc.

Les Barrois jettent un regard apaisé sur ce passé agité. La ville haute bruisse chaque été de musique et de chants avec le festival Renaissance, une manifestation publique centrée sur les spectacles de rue et le cirque, bien dans la tradition festive de la ville.


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• 23 février 1766 : la Lorraine devient française
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14
Etienne Robin (15-08-2014 22:44:42)

Les princes de Bar-le-duc ont d'abord été comtes de Bar, puis ducs de Bar. A quelle date svp le comté du Barrois a-t-il été érigé en duché? Herodote.net indique, dans une rubrique consacrée ... Lire la suite

Louis (15-08-2013 16:48:05)

Merci pour l'histoire de cette ancienne capitale ducale que je ne connaissais pas.
Louis

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