L'insatiable inventeur américain Thomas Edison brevète dès 1891 un appareil à usage individuel pour le visionnage d'images animées, le kinétoscope. Conçu par l'un de ses techniciens, c'est une armoire surmontée d'une optique bioculaire à travers laquelle le spectateur peut suivre une séquence de quelques secondes.
Le 9 mai 1893, il fait une démonstration de son appareil devant 200 invités du Brooklyn Institute of Arts and Science (New York) : les spectateurs mettent une pièce de monnaie dans une fente, collent leurs yeux aux oeilletons et gagnent quarante secondes d'images animées. L'attraction séduit le public mais en reste au stade d'amusement individuel. Elle est très vite détrônée par le cinéma proprement dit, qui apparaît avec la projection sur écran des frères Lumière, à Lyon.
Des siècles de tâtonnements
L'idée du cinéma n'est pas sortie du néant. Sous le nom de « lanterne magique », elle excite les imaginations depuis la Renaissance. Léonard de Vinci, semble-t-il, s'y intéresse.
En 1829, le physicien belge Joseph Plateau montre que la rétine de l'oeil garde pendant un dixième de seconde le souvenir d'une image. Il en conclut qu'on peut reproduire l'impression du mouvement en faisant se succéder au moins une dizaine d'images à la seconde. Trois ans plus tard, il met au point le Phénakisticope, un jouet avec un cylindre comportant différentes vues : on fait tourner le disque et l'on peut voir les images s'animer sur un miroir.
Ce principe, à la base du dessin animé et du cinéma lui-même, va inspirer différents appareils à but ludique comme le Stroboscope et surtout le Praxinoscope, mis au point en 1877 par Émile Reynaud, un génial mécanicien de 34 ans, originaire de Montreuil-sous-Bois, près de Paris : les images sont disposées sur un cylindre et se réfléchissent sur autant de miroirs centraux, pour un résultat très supérieur au Phénakisticope.
Émile Reynaud améliore son procédé en stabilisant les différentes images sur le cylindre grâce à des perforations. Ainsi est-il à l'origine du film perforé.
Associant son appareil à une lanterne magique, il arrive aussi à reproduire la séquence animée sur un écran. Il brevète son invention sous le nom de « théâtre optique » et la présente l'année suivante, en 1889, au musée Grévin, à Paris, dans le cadre de l'Exposition universelle qui voit aussi la naissance de la Tour Eiffel.
Le « théâtre optique » d'Émile Reynaud, avec une succession d'images dessinées à la main, est l'ancêtre du dessin animé. C'est aussi, quelques années avant les frères Lumière, la première projection publiques sur écran ! L'inventeur imagine de développer son procédé en remplaçant les images par des photographies mais ses contacts avec le milieu de la photographie restent sans suite. Découragé, il se désintéresse de son invention.
Ce qu'il ne sait pas, c'est que, parmi les spectateurs du musée Grévin, figurait un Américain, Thomas Edison lui-même, qui a déjà à son actif le phonographe (1877) et l'ampoule électrique (1879). De retour chez lui, il se lance sans attendre sur la piste ouverte par Émile Reynaud en employant les grands moyens...
Dans son « usine à brevets » de West Orange (New Jersey), Edison entrevoit la possibilité d'associer l'image animée et du son. Il reprend l'idée d'Émile Reynaud mais lui associe la photographie et, pour la réalisation des séquences animées, brevète le 24 août 1891 une caméra de prises de vues - le Kinetograph -.
Il emprunte aussi au physiologiste Étienne Marey, découvert à l'Exposition universelle de Paris, l'idée d'un film en rouleau, conçu initialement pour visualiser le vol des oiseaux. C'est ainsi qu'il met au point le film perforé de 35 mm qui s'imposera à l'industrie du cinéma comme le format de référence. Il est toujours en usage.
Pour le visionnage des séquences animées, il brevète dans le même temps le kinétoscope. Mais celui-ci a l'inconvénient d'être inadapté à des séances publiques. Il ne tarde pas à tomber dans l'oubli, dépassé par la magie du cinématographe.
Quand les frères Lumière lancent celui-ci, Edison entre dans la course avec toute la pugnacité qui le caractérise.
Quatre mois plus tard, dès le 23 avril 1896, il donne une première représentation de cinéma aux États-Unis avec le projecteur Vitascope au Music-hall Koster and Bial's de New York.
Selon sa stratégie habituelle, il dépose des brevets tant et plus pour contrer ses concurrents potentiels aux États-Unis.
Il tourne ses films dans un studio giratoire (pour suivre le soleil), Black Maria, dans son centre de recherches de West Orange. Ce studio de cinéma, le premier au monde, ne sera plus utilisé à partir de 1901. Sa démolition en 1903 laissera le champ libre à Georges Méliès, héritier des frères Lumière.
Le 1er janvier 1909, Edison fonde avec huit autres producteurs une compagnie destinée à contrer la concurrence des producteurs indépendants. Ils mettent en commun leurs brevets au sein de la Motion Pictures Patent Company (MPPC) et obtiennent du fabricant de pellicules George Eastmann qu'il leur réserve ses produits.
Cet arrangement ne va heureusement pas durer au-delà de 1914. Dès 1913, un producteur indépendant, William Fox, intente un procès à la MPPC au nom de la loi antitrust. Pour Edison, l'aventure cinématographique s'arrête là.
En marge du cinéma, relevons l'aventure singulière du photographe Eadweard Muybridge, né en 1830 près de Londres. En 1872, il rencontre Leland Stanford, riche propriétaire de chevaux, par ailleurs ancien gouverneur de Californie et fondateur de l'université qui porte son nom.
L'Américain lui demande de vérifier par une succession de photos si les pattes d'un cheval au galop touchent en même temps le sol. Il s'ensuit en 1878 un petit film spectaculaire de quelques secondes, obtenu avec plusieurs prises de vues quasi-simultanées par différents appareils. Cette décomposition de la course va faire la célébrité de Muybridge.
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