Le musée d'Orsay, à Paris, nous présente jusqu'au 3 mars 2002 une charmante et instructive exposition : «A table au XIXe siècle». C'est l'occasion pour les Parisiens et les touristes de passage de découvrir ce musée consacré à l'art du XIXe siècle, où il est très plaisant de se promener et de se perdre. L'un des rares musées où les enfants ne baillent pas...
L'exposition du musée d'Orsay consacrée à la manière de se restaurer au XIXe siècle vaut assurément le détour.
Il ne s'agit pas d'une exposition majeure mais elle a l'avantage d'être bien structurée, avec un parcours simple, des commentaires limpides et pittoresques, et surtout d'offrir un point de vue complet et inattendu sur la restauration au siècle bourgeois.
Disons tout de suite que le XIXe siècle ne se signale pas par de grandes révolutions dans l'alimentation et la gastronomie.
On peut seulement retenir que c'est en 1795, sous la Révolution, que Nicolas Appert invente le moyen de conserver les légumes en les chauffant sous vide. Son procédé sera longtemps connu comme l'appertisation. Aujourd'hui, on parle simplement de conservation. La réfrigération sera quant à elle inventée en 1875. Les boîtes de sardines à l'huile apparaissent timidement sur les tables, notamment sous la marque Saupiquet, et jusqu'au début du XXe siècle, la réclame les présente comme un plat de luxe réservé à l'élite !
Au XIXe siècle, les changements concernent principalement l'art de la table, le mode de restauration et l'ordonnancement des repas. De ce point de vue, l'exposition du musée d'Orsay nous révèle un siècle étonnamment moderne et proche de nous.
Les restaurants tels que nous les connaissons sont nés en... 1766 (sous le règne de Louis XV !), à l'initiative de Roze de Chantoizeau, qui crée le premier établissement du monde où l'on mange à son heure en choisissant ses plats sur une carte (à la différence des gargotes et auberges traditionnelles).
La Révolution, en ruinant les nobles, oblige beaucoup de grands cuisiniers à se reconvertir dans la restauration publique. C'est ainsi qu'émerge l'un des plus grands cuisiniers-pâtissiers de tous les temps : Antonin Carême. En activité chez Talleyrand, il maintient les traditions de l'Ancien Régime et notamment le buffet habituel ou «service à la française», concurrencé par le «service à la russe».
Auparavant, les convives piquaient dans les plats disposés devant eux dans l'ordre de leur choix. Des domestiques, derrière eux, leurs servaient du vin au verre lorsqu'ils manifestaient l'intention de boire. Peu à peu, suivant l'exemple montré par l'ambassadeur de Russie à Paris, en 1810, les convives voient les plats se succéder selon l'ordre que nous connaissons : entrée, poisson ou viande, légumes, dessert. Ils disposent des verres devant eux.
Comme il se doit dans le pays qui a donné au monde le plus grand nombre d'écrivains qui soit, la gastronomie donne naissance en France à une littérature spécialisée avec Grimod de la Reynière et surtout Brillat-Savarin, un digne conseiller à la Cour de Cassation, célibataire et amateur de repas fins, dont le nom survivra pour l'éternité avec un seul livre : Physiologie du goût.
À noter une dédicace de Grimod de la Reynière à une célébrissime courtisane du temps de Louis XIV, Ninon de Lenclos : «Ninon quelquefois infidèle aux amants mais toujours fidèle aux gourmands».... : -))
L'exposition du musée d'Orsay présente des documents très riches de sens, à savoir les menus de quelques restaurants.
Ainsi ai-je relevé celui de la Maison Egalité, à Paris, en 1795 (on est alors à la fin de la Révolution). Le Clos Vougeot, le Champagne et le Bordeaux y sont proposés au même prix : 30 francs, la blanquette de veau aux champignons à 10 francs... Les convives peuvent finir avec un café et un digestif (porto...). Autant dire que nous ne serions pas dépaysés dans cet établissement ! Un siècle plus tard, vers 1895, le restaurant populaire Aux trois faisans, à Dijon, propose pour 5 francs un repas complet avec soles frites, filet aux pommes, pain et gâteau.
Sous le Second Empire, en 1854, tandis que se développe la Révolution industrielle et que se multiplient à Paris les ouvriers et les employés, un homme du nom de Duval crée dans la rue de la Monnaie un restaurant d'un nouveau type, le bouillon. Cette première forme de restauration rapide aura un grand succès au fil du siècle. Il reste quelques bouillons à Paris, le plus célèbre, très prisé des jeunes touristes étrangers, étant Chartier, rue du faubourg Montmartre.
Dans un genre différent, on peut apprécier au musée d'Orsay la présentation de la table de réception du duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, avec ses 36 couverts signés Christofle, Baccarat et Limoges.
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