Fontevraud

Des moines aux ordres d'une abbesse

Sur les bords de la Loire, près de Saumur, le village de Fontevraud abrite une splendide abbaye de style romano-poitevin. Elle a été fondée au XIIe siècle par un mystique breton aux mœurs sulfureuses, Robert d'Arbrissel.

Cette cité monastique, qui avait la particularité d'abriter des couvents d'hommes et de femmes tous dirigés par une abbesse, s'est acquise une très grande prospérité grâce à Aliénor d'Aquitaine et aux Plantagenêt qui y sont inhumés. Elle manqua toutefois d'être détruite après la Révolution et fut transformée en prison. C'est aujourd'hui un centre culturel très actif.

André Larané

Le choeur de l'église abbatiale de Fontevraud

Un ermite sulfureux

L'abbaye de Fontevrault (ou Fontevraud) a été fondée à la Pâques 1101 par le fervent breton Robert d'Arbrissel. Celui-ci mourut le 25 février 1116 au prieuré d'Orsan, dans le Berry. Il a été inhumé le 7 mars suivant dans sa chère abbaye de Fontevraud.

Du fait de sa critique des abus du clergé et de ses pratiques ascétiques, comme de dormir nu au milieu de jeunes femmes pour mieux résister à la tentation (Gandhi agissait de façon semblable !), Robert d'Arbrissel n'eut pas la chance d'être canonisé à l'égal de la plupart des autres fondateurs d'ordres monastiques...

L'abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille adultérine d'Henri IV, tenta pourtant de le disculper. En 1645, soit cinq siècles après sa mort, elle envoya deux de ses moines à l'abbaye de la Trinité avec mission de retrouver et détruire des lettres compromettantes qui évoquent les pratiques curieuses du fondateur, mais ils échouèrent dans leur tentative...

Splendeur romane

L'église abbatiale est construite dans le style roman poitevin, avec des coupoles qui rappellent la cathédrale Saint-Front de Périgueux.

Ces coupoles, supportées par les piliers et non les murs, permettent de dégager sur les côtés de grandes ouvertures à travers lesquelles pénètre la lumière naturelle.

À côté de la grande salle commune se tiennent les cuisines (ci-contre). Il s'agit d'un curieux édifice octogonal hérissé de cheminées. À l'intérieur, chacun des huit alvéoles latéraux pouvait servir de foyer pour la cuisson des aliments.

Dans les conduits de cheminée, on mettait à fumer pendant plusieurs semaines les poissons de la Loire, qui faisaient l'ordinaire des repas, afin de bien les conserver. Cette organisation ingénieuse se retrouve dans les cuisines du palais de Cintra (Portugal) et du palais du Topkapi (Istamboul).

Le pouvoir aux femmes

La cité comprend une abbaye mère, le grand Moustier, dédié à la Vierge Marie, et trois prieurés : Saint-Jean-de-l’Habit, Sainte-Marie-Madeleine et Saint-Lazare. Au XIIIe siècle, elle compte au total jusqu'à une centaine d'hommes et près de 500 femmes.

L'ensemble a la particularité d'avoir toujours été commandé par une femme. Cette pratique inhabituelle est inspirée à Robert d'Arbrissel par les mots du Christ sur la Croix à l'adresse de sa mère et de Jean : « Mère, voilà ton fils, fils voici ta mère » (il serait anachronique d'y voir une forme de féminisme).

36 abbesses se succèdent ainsi à la tête de Fontevrault jusqu'à ce que les moines et les moniales en soient chassés à la Révolution. La première d'entre elles est une veuve énergique joliment dénommée Pétronille de Chemillé, qui bénéficie d'une importante donation de la duchesse Aliénor d'Aquitaine.

Sous le règne de Louis XIV, une abbesse n'est autre que Marie-Madeleine de Rochechouart de Mortemart, soeur de l'influente Madame de Montespan, maîtresse du Roi-Soleil, laquelle lui rend de fréquentes visites.

La règle est révisée et fixée au XVIe siècle par l'abbesse Marie de Bretagne. La discipline est assurée par des « soeurs cherches » nommées pour un an, dont la mission consiste à repérer « les oisives, les babillettes et les dormantes » (autrement dit les moniales qui tirent au flanc et celles qui babillent ou dorment pendant les offices religieux). La viande est absente des repas mais pas le vin... À noter que les moniales ont droit à une ration double de celle des hommes.

Après la Révolution, de 1804 à 1963, Fontevrault sert de prison et laisse le souvenir d'une très grande dureté. D'aucuns prétendent qu'elle aurait « hébergé » l'écrivain et truand Jean Genet mais il ne s'agit que d'une légende.

La nécropole des Plantagenêts

Le roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt, étant mort à Chinon pendant l'été 1189, a été inhumé dans l'urgence à Fontevrault, non loin de là.  Sa veuve Aliénor d'Aquitaine, qui a plus tard fini sa vie dans sa chère abbaye,  a été inhumée à côté de son mari ainsi que de son fils, le roi Richard Coeur de Lion. Sa bru Isabelle d'Angoulême, épouse de Jean sans Terre, a été également inhumée sur place.

C'est ainsi que les premiers Plantagenêt ont fait de Fontevrault leur dernière demeure. Ils reposent dans la crypte de l'église abbatiale pour l'éternité et chacun peut admirer leurs gisants polychromes dans la nef.

Selon la tradition médiévale, ces gisants sont orientés les pieds vers Jérusalem. Ils représentent les défunts dans leur tenue de la cérémonie funéraire. Aliénor tient dans ses mains un livre ouvert pour rappeler qu'elle fut, sa vie durant, l'amie des poètes et des troubadours.

Publié ou mis à jour le : 2021-06-03 10:54:07
Sourbier (01-03-2009 00:05:20)

Je suis étonné d'apprendre, avec cet article, le rôle des femmes dans les monastères masculins.
merci à hérodote

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net