Le 15 août 778, l'arrière-garde de l'armée franque est attaquée au col de Roncevaux, dans les Pyrénées, par des montagnards basques. Quelques chefs sont tués, dont le comte Roland, l'un des fidèles du roi Charles Ier, futur Charlemagne.
Trois cents ans plus tard, au XIe siècle, d'anonymes troubadours (dico) ou trouvères ont tiré de cette échauffourée pyrénéenne un poème épique : la Chanson de Roland. C'est l'équivalent de l'Iliade pour les Francs et l'ensemble des Occidentaux. Il exalte de façon quelque peu anachronique les vertus chevaleresques, magnifiées par le « beau Moyen Âge », celui des XIIe et XIIIe siècles (amour, honneur, défense de la foi, vaillance, fidélité, amitié).
La seule version que nous possédions de la Chanson de Roland est en dialecte anglo-normand. Elle comprend pas moins de 4002 vers de dix syllabes, répartis en 291 laisses (ou strophes).
L'action se situe au col de Roncevaux, passage usuel des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Et ce sont des Sarrasins musulmans, bien sûr, et non des Basques chrétiens, qui attaquent et exterminent l'arrière-garde de l'armée. Le poème fait de Roland le neveu de l'« empereur à la barbe fleurie », victime de la jalousie de Ganelon, un traître qui se vend au roi musulman Marsile.
XLII. Le Sarrasin dit : « Je m'émerveille grandement de Charlemagne qui est chenu et blanc ! A mon idée, il a plus de deux cents ans. Par tant de terres il est allé en conquérant ; il a reçu tant de coups de bons épieux tranchants ; tant de riches rois qu'il a tués et vaincus sur le champ de bataille ! Quand sera-t-il lassé de guerroyer ? - Pas aussi longtemps, répond Ganelon, que vivra Roland : il n'y a tel vassal d'ici en Orient. Très preux aussi est Olivier, son compagnon ; les douze pairs, que Charles aime tant, forment l'arrière-garde avec vingt mille Français. Charles est en sûreté, et ne craint homme vivant. »
XLIII. « Beau sire Ganelon, dit le roi Marsile, j'ai une telle armée que vous n'en verrez pas de plus belle ; je puis avoir quatre cent mille chevaliers : puis-je combattre Charles et les Français ? » Ganelon répond : « Pas pour cette fois ! Vous y perdriez beaucoup de vos païens. Laissez la folie ; tenez-vous à la sagesse ! Donnez à l'empereur tant de richesses qu'il n'y ait Français qui ne s'en émerveille. Pour vingt otages que vous lui enverrez, en douce France s'en retournera le roi ; il laissera son arrière-garde derrière lui. Il y aura son neveu, le comte Roland, je crois, et Olivier, le preux et le courtois. Ils sont morts, les deux comtes, si l'on m'en croit. Charles verra son grand orgueil tomber ; il n'aura plus jamais le désir de guerroyer contre vous » (traduction en français moderne par Lagarde et Michard, Bordas).
Sur la miniature ci-dessous, qui se lit comme une bande dessinée, Roland se résout à sonner du cor ; à droite, le traître Ganelon tente de dissuader le roi Charlemagne de revenir sur ses pas pour secourir son neveu ; au-dessous, Olivier et Roland, mourants, se disent adieu, et Roland brise son olifant (ou cor) sur la tête d'un Sarrasin.
CXXXIII. Roland a mis l'olifant à sa bouche ; il l'enfonce bien, sonne avec grande force. Hauts sont les monts et la voix porte loin : à trente grandes lieues on l'entendit se répercuter. Charles l'entend et tous ses compagnons. Le roi dit : « Nos hommes livrent bataille ! » Ganelon lui répliqua : « Si un autre l'eût dit, cela paraîtrait grand mensonge ! »
CXXXV. Le comte Roland a la bouche sanglante. De son chef la tempe s'est rompue. Il sonne l'olifant, à grande douleur, à grand'peine. Charles l'entend, et ses Français l'entendent. Le roi dit : « Ce cor a longue haleine ! » Le duc Naimes répond : « C'est qu'un baron y prend peine ! Il y a bataille, j'en suis sûr. Celui-là l'a trahi qui vous en veut détourner. Armez-vous, lancez votre cri de ralliement et secourez votre noble maison : vous entendez assez que Roland se lamente ! »
Roland et son ami Olivier ayant péri dans l'honneur, Charlemagne les venge et punit comme il se doit Ganelon. La belle Aude, fiancée de Roland, meurt incontinent de chagrin (...).
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Bh (31-12-2014 17:59:48)
la chanson de Rolland est du 12 eme siècle soit 400 ans plus tard que l'action de SARAGOSSE... je doute que ce fut le françois qui soit la langue usitée par Karolus magnus dont la zone de vie é... Lire la suite
CORNIBERT (13-08-2012 17:36:11)
L'olifant sonne encore pour nous avertir d'une menace d'envahissement sarrasine mais nul ne veut l'entendre et nous allons subir le même sort que Roland et Olivier.
Desmarès Jean (11-08-2008 09:40:30)
La langue française à l'époque était peu riche... D'où l'usage de répétitions : "Charles dormait, point ne s'éveille" et de descriptions courtes : "Clair fut le jour et beau fut le soleil"... Lire la suite