La famille royale au Temple

Le remords de la révolution 1792 - 1795

C'est l'histoire de la longue descente aux enfers de la famille royale que nous conte Charles-Eloi Vial, jeune historien talentueux issu de l'école des Chartes. Son récit, très documenté, alterne analyses de fond et restitutions de la vie quotidienne dans la prison du Temple.

Chassés des Tuileries le 10 août 1792 par la foule en armes, Louis XVI, Marie-Antoinette, le dauphin, leur fille Marie-Thérèse dite Mme Royale, et Mme Élisabeth, sœur du monarque, sont conduits au Temple, alors que la Révolution bascule dans sa période la plus violente, la Terreur.

La famille royale au Temple

L'auteur souligne le poids de la pression des Parisiens les plus extrémistes dans le destin tragique de la famille royale. « Toutes les décisions concernant le Temple furent conditionnées par cette présence de la foule », écrit-il. Il ajoute : « L'incarcération de la famille royale au Temple résume le dénouement dramatique d'une première Révolution qui se voulait pacifique, tout en annonçant une nouvelle phase, bien plus violente, du mouvement révolutionnaire. »

Selon lui, la famille royale devient alors le « bouc émissaire d'une Révolution qui se radicalise ». La révolution « bourgeoise » de 1789 est « submergée par la masse populaire », et dans une France en guerre, « le fardeau de Louis XVI et de Marie-Antoinette fut d’être considérés comme des adversaires de l'intérieur tout en étant assimilés aux ennemis de l'extérieur. (...) En chassant le roi du pouvoir puis en l'enfermant au Temple, la Révolution fit passer la peur du complot du domaine du politique à celui de l'irrationnel : l'obsession de la trahison et la crainte maladive d'une insaisissable conspiration devinrent les moteurs de la Révolution en marche. »

Ainsi Barère demande à la Convention de frapper « l'Angleterre, l'Autriche, la Vendée, le Temple. » Cet épisode signait la fin de la monarchie mais traduisait aussi un conflit de légitimités. « Après la prise des Tuileries, les deux pouvoirs en présence, la Législative et la Commune avaient cependant dû se reconnaître mutuellement, chacune concédant à l’autre le droit d’exister… du moins temporairement. Les députés avaient pour eux la légitimité de l’élection, la Commune celle des barricades et de la volonté du peuple en armes », écrit l’auteur.

De ce conflit devait dépendre le lieu de la détention de la famille royale. « Au palais du Luxembourg où les députés avaient décidé de l’envoyer, Louis XVI aurait encore été considéré comme un monarque, alors que la Commune voulait le voir traité en prisonnier. En instrumentalisant les captifs, elle avait réussi à s’imposer face à la Législative, à l’issue d’un véritable bras de fer institutionnel », selon Charles-Eloi Vial.

Anonyme, Ecole française, Tour du Temple, vers 1795, Paris, musée Carnavalet.

Le Temple

C’est ainsi que le donjon médiéval du Temple fut choisi, imposé par la Commune qui craignait que la famille royale ne s’évadât de la résidence princière du Luxembourg. « La municipalité était responsable du Temple mais derrière elle, les Parisiens étaient eux-mêmes chargés de la surveillance de l’ancien monarque, indépendamment de tout autre pouvoir.  »

A.Rotin (ou Rotion), La populace montrant la tête de la princesse de Lamballe à Marie-Antoinette, Paris, musée Carnavalet. L'agrandissement montre le tableau de François Jean Garneray, Louis XVI à la Tour du Temple, Paris, musée Carnavalet.À quoi ressemblait le Temple ? « Au cœur de Paris, il s’agissait d’une véritable ville, ceinte de vieux remparts, dont les portes étaient fermées à la nuit tombée, mais où quelque 4000 habitants avaient bénéficié pendant des siècles d’un privilège d’extraterritorialité ainsi que de nombreuses exemptions fiscales. »

C’est ici que les Templiers avaient été établi le siège de leur ordre vers 1140. Des rues, des maisons s’étaient ajoutées autour du donjon et de ses deux tours, dont la plus importante avait été utilisée auparavant comme prison ou poudrière.

La tour du Temple était vide depuis des décennies quand elle reçut Louis XVI et sa famille. Le roi et la reine ne purent emporter avec eux qu’un modeste pécule et garder à leur service que de rares domestiques. Le luxe et le ballet de valets empressés de Versailles n’étaient plus qu’un lointain souvenir. La famille royale était enfermée dans des chambres sordides de la petite tour. « Même les lieux d’aisance devaient être partagés entre les détenus et les geôliers », affirme l’auteur.

Louis XVI instruisant son fils dans la prison du temple, Paris, musée Carnavalet.Le déroulement des journées de Louis XVI était immuable : « Lorsqu’il était habillé, il passait dans une tourelle attenante à sa chambre. Il s’y refermait, priait et lisait jusqu’au moment du déjeuner. Alors, réuni en famille, il ne la quittait qu’après le souper. Remonté dans sa chambre, il rentrait dans sa petite tour et reprenait jusqu’à onze heures du soir, heure à laquelle il se couchait, ses occupations de la matinée. » Au fil du temps, il s’occupa aussi de l’instruction de ses enfants.

Quant aux conditions de détention, elles étaient très sévères : certaines fenêtres furent murées pour empêcher toute communication avec l’extérieur, la nourriture et les linges étaient examinés de crainte qu’ils ne dissimulent des messages. Sans oublier les humiliations quotidiennes infligées par les geôliers qui ne devaient jamais perdre de vue leurs captifs, et se relayaient toutes les quarante-huit heures afin de ne pas être tentés de fomenter une évasion du Roi. Preuve de la confiance qui régnait parmi les révolutionnaires eux-mêmes…

La famille royale de France, le 24 janvier 1793, trois jours après la fin tragique de Louis XVI. Madame Royale, âgée de quatorze ans, montre montre sa plaie à la jambe au chirurgien Brunier. Le fils de Louis XVI aide au pansement, Mariano Bovi, graveur, école italienne, Paris, musée Carnavalet.

Le rôle des prisonniers sous la Convention

Au-delà, des épisodes de leur vie quotidienne narrés avec beaucoup de précision, l’auteur décrypte les enjeux politiques de la détention de la famille royale. Lors du procès du Roi, il souligne : « Après avoir été l’enjeu d’un rapport de force entre la Commune et l’Assemblée durant l’été, le Temple et ses prisonniers étaient donc à nouveau les jouets d’un conflit politique, cette fois-ci entre Girondins et Montagnards. »

On connaît l’issue de cet affrontement. Aucun des parents ou alliés de Louis XVI n’a rien fait pour le sauver. Pas plus qu’ils ne songèrent à libérer la famille royale, le futur Louis XVIII espérant à terme hériter du pouvoir. Des complots d’évasion furent élaborés par quelques proches des prisonniers. En vain.

Après la mort de Louis XVI, alors que la France était en guerre, la Convention fut confrontée à une question : les prisonniers seraient-ils plus utiles à la République en tant qu’otages ou comme monnaie d’échange ? Des négociations furent entamées avec Vienne. L’objectif du gouvernement était de faire éclater la coalition en échange des prisonniers du Temple. En vain également.

« Aucun des conventionnels ne comprenait que Louis XVI et ses deux frères ne s’aimaient guère, que le comte de Provence avait tout intérêt à laisser sa belle-sœur croupir en prison, et que l’Autriche faisait passer ses intérêts avant ceux de la famille royale », explique Charles -Eloi Vial. Dès lors, le destin de celle-ci était scellé sur fond de rumeurs de conspirations et de pression des « Enragés ».

Il prenait le chemin d’un long calvaire, scandé par des dégradations de vie matérielle, par la séparation du dauphin et de sa mère, l’exécution de la Reine, la mort de l’enfant malade faute de soins après avoir été endoctriné par la propagande sans-culotte de ses geôliers, et enfin le sort funeste d’Élisabeth guillotinée à son tour pour « complicité avec les tyrans ». Seule Marie-Thérèse a échappé à la mort.

Après la chute de Robespierre, pour le Directoire, dans le cadre de la dénonciation de la Terreur, « il ne restait qu’à idéaliser la dernière captive, victime des abus d’un régime d’exception désormais disparu », souligne l’auteur. Agée de 17 ans, elle fut échangée contre des prisonniers français, et rejoignit sa famille maternelle, les Habsbourg.

En 1808, Napoléon ordonna la fermeture et la démolition du Temple. Comme si ce symbole du martyre royal constituait un remords de la Révolution.

Jean-Pierre Bédéï
Publié ou mis à jour le : 2019-07-12 10:27:56
Hb (14-07-2019 19:39:23)

"« Même les lieux d’aisance devaient être partagés entre les détenus et les geôliers », affirme l’auteur." Enfin, n'exagérons rien, les uns après les autres ! Ce livre est une ode à ... Lire la suite

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