10 mars 2019 : Soline Schweisguth a rencontré à Oxford l'historien Peter Frankopan. Professeur d’Histoire Globale à l’Université d’Oxford (Worcester College), il dirige le centre de recherches pour les études byzantines...
Peter Frankopan a proposé dans un premier livre, Les Routes de la Soie, une histoire du monde centrée sur les pays desdites routes de la soie. Ce livre a connu un succès mondial, notamment en Chine, en Inde et au Pakistan. Il a été traduit en français en 2017.
« Loin d’être en marge des affaires mondiales, ces pays sont très centraux - et ce depuis le début de l’histoire », souligne l'auteur. De l’Antiquité à nos jours, depuis les premiers mouvements de christianisation jusqu’à la guerre en Irak, en passant par le développement de l’islam des VIIe et VIIIe siècles, leur histoire a été trop longtemps méconnue. En l'abordant de front, l'historien remet en perspective l’histoire de l’Europe.
En novembre 2018, Peter Frankopan a publié cette fois un ouvrage intitulé Les Nouvelles routes de la Soie, plus directement en rapport avec la géopolitique contemporaine (traduit en français en novembre 2018). Son titre reprend l’appellation donnée à la politique du président chinois Xi Jinping, qui a annoncé en 2013 sa volonté de développer les échanges commerciaux entre les pays du continent asiatique.
La Chine a pour cela investi plusieurs milliards de dollars dans des infrastructures ferroviaires et maritimes. Les discours soulignant la coopération et l’ouverture se sont accompagnés de prêts pour l’aide au développement dans de nombreux pays d’Asie et d’Afrique. Cela pourrait bien accélérer la croissance économique de ces pays, mais dans le cadre d’un néo-colonialisme inavoué…
L’historien décrit et analyse la montée en puissance des pays le long des anciennes routes de la soie et un monde « dont le centre de gravité économique est en train de s’éloigner de l’ouest ». Il observe qu’« un nouveau monde est en train d’émerger en Asie, mais ce n’est pas un monde libre ». « Tous les chemins menaient à Rome, note-t-il aussi. Aujourd'hui, ils mènent à Pékin. »
Herodote.net : Quand vous avez écrit Les Routes de la Soie, aviez-vous déjà en tête l'idée de décentrer l'Histoire de l'Occident ?
En écrivant ce livre, je m’intéressais à trois choses. Premièrement, je voulais examiner les histoires des peuples, des cultures, des échanges, etc. qu’on oublie souvent quand on pense au passé. Habituellement, on s’attarde beaucoup sur Louis XIV, Henri VII, Napoléon ou Hitler. Mais on ne dit qu’un mot ou deux des Byzantins, des Ottomans, des Abbassides ou des Chola, des Khmers ainsi que des nombreuses ères et dynasties chinoises (pour ne mentionner que certains des manques les plus importants).