Res publica

République ? Quelle République ?

11 janvier 2011. Le mot république a beaucoup évolué au cours de l'Histoire. Les premiers Romains désignaient sous ce mot la « chose publique » sans plus de détails. En France, il en est arrivé à désigner un régime non monarchique, démocratique ou pas. Aujourd'hui, il en vient à désigner l'idéal d'une société, multiculturelle, ouverte et tolérante, détachée de toute référence nationale...

Le mot « république » vient du latin Res publica, qui désigne la « chose publique », autrement dit tout ce qui concerne la vie politique et les affaires de gouvernement.

Du Grec Platon (Ve siècle av. J.-C.) aux Français Bodin et Montesquieu (XVIe et XVIIIe siècles), tous les auteurs l'ont employé comme synonyme d'État ou de gouvernement. Il en va d'ailleurs de même du mot Empire.

À ses débuts, Rome, comme toutes les cités antiques, était gouvernée par un Sénat ou assemblée des Anciens, qui réunissait les représentants des grandes familles. Au Ier siècle avant notre ère, des généraux romains, de Marius à César, se sont mis en tête de réformer ce mode de gouvernement. Il s'en est suivi des guerres civiles au cours desquelles les partisans du statu quo ont été naturellement qualifiés de républicains, d'où une première évolution du terme, qui en est venu à désigner un gouvernement d'assemblée par opposition à un gouvernement autocratique, ou gouvernement d'un seul.

Démocratique ou pas, la République devient l'antithèse de la monarchie

Jusqu'au début du XIXe siècle, les États qui avaient à leur tête un roi étaient occasionnellement appelés monarchie ou royaume mais il n'existait pas de terme spécifique pour désigner ceux qui étaient dirigés par une assemblée (Sénat, conseil...), comme les cités italiennes ou les cantons suisses. Faute de mieux, ces États-là étaient donc désignés sous le terme très général de république. L'État né de l'Union de Lublin en 1569 est lui-même désigné comme la « République unie de Pologne-Lituanie  » alors qu'il a un roi à sa tête.  

Le 22 septembre 1792, après la chute de la royauté, la Convention française décréta que les actes publics seraient à compter de ce jour dater de l'an I de la République française, ce qui voulait simplement dire que la France n'était plus un royaume. Jusqu'en 1806, Napoléon Ier put également se proclamer « Empereur de la République française » sans que quiconque y trouvât à redire.

Au début du XIXe siècle se multiplièrent les monarchies héréditaires en réaction aux excès révolutionnaires. Fait nouveau, qu'on n'a jamais rencontré même au Moyen Âge : tous les États européens devinrent monarchiques à la seule exception de la Suisse ! Le terme république prit alors le sens exclusif que nous lui connaissons aujourd'hui : régime non monarchique, dont les dirigeants sont élus par le peuple, désignés par une assemblée elle-même élue ou issus d'un coup d'État.

Depuis le XXe siècle, les Français, définitivement débarrassés de la monarchie, emploient le terme république comme synonyme de démocratie et même de Nation. Il s'agit d'un abus manifeste car il n'y a aucune corrélation entre les mots république, démocratie et droits de l'Homme :

On observe d'une part que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, fondement de la démocratie française et de la Nation, a été promulguée par une assemblée royaliste, sous le règne finissant de Louis XVI, d'autre part que les démocraties les plus accomplies de l'époque contemporaine sont les monarchies constitutionnelles de l'Europe atlantique et scandinave (Angleterre, Espagne, Suède, Danemark...). Enfin, le terme de république a été déshonoré par les pires régimes du XXe siècle (Chine maoïste, Russie communiste, Iran islamiste...).

L'avenir de la république : un idéal en creux détaché de la nation ?

En ce début du XXIe siècle, nous observons en France un nouveau glissement sémantique. On évoque à satiété le « pacte républicain » ou encore les « valeurs républicaines, fondement du contrat social ». Ces expressions, qui écartent soigneusement toute référence à la Nation ou plus simplement à la France, vont de pair avec d'autres formules comme le « vivre-ensemble » (sous-entendu : « ... en dépit de nos différences et du fait que nous ne partageons rien en commun »). On s'en tient à la « République » et au banal « vivre-ensemble » plutôt que d'invoquer la « République française » et le « désir de vivre ensemble » (Ernest Renan,1882), une expression dans laquelle le mot le plus important est « désir ». Vivre ensemble est une banalité ; le maître et l'esclave, le patron et l'employé vivent de fait ensemble ! Ce qui leur manque est le désir ou le plaisir de vivre ensemble.

Les tenants de ce discours se détournent du concept de démocratie, qui voudrait que le bien-être commun résulte de la participation active des citoyens aux devoirs électoraux et au contrôle des pouvoirs. Ils se détournent tout autant sinon plus du concept de Nation, qui voudrait que le bien-être commun résulte de la solidarité naturelle consécutive au partage d'un même héritage (langue, culture, terre, coutumes...).

Né de la vague d'immigration récente qui conduit des groupes de toutes origines à s'établir en France, le nouveau concept de république tente d'établir le rêve d'une société universelle détachée de toute référence culturelle ou nationale. À la solidarité nationale, les nouveaux « républicains » substituent des valeurs en creux : tolérer et respecter les différences et se garder de promouvoir ses propres croyances.

Cet idéal peut convenir à des individus revenus de tout et pourvus de toutes les satisfactions matérielles et sociales, assurés de pouvoir toujours s'en sortir. Il n'est pas sûr qu'il convienne aux déshérités et aux opprimés qui, à défaut de promotion matérielle, aspirent à des idéaux porteurs de sens et à une solidarité effective. Si l'on met à part, peut-être, les guerres de Vendée, il n'est jamais arrivé que quiconque tombe au cri de « Vive la République ! » Il n'y a que la France et la nation (et Dieu pour les croyants) qui vaillent la peine que l'on vive et meure pour elles.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-07-11 09:05:16
lizzie van Nieuwenhuyse (16-03-2022 11:33:37)

cette mise au point fait plaisir à lire, à force d'entendre parler des "valeurs de la République", qui la précèdent et la suivent éventuellement, mais n'ont rien à voir avec elle.

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net