24 avril 2010

Vanités et tabou de la mort

Sous l’intitulé : «C’est la vie !», le musée Maillol (Paris) consacre une exposition aux «Vanités», du Caravage à Damien Hirst, du 3 février au 28 juin 2010.

Cette exposition couvre de fait les différentes représentations de la mort dans l’art occidental : mosaïques de Pompéi, danses macabres du Moyen Âge, peintures modernes et contemporaines (Zurbaran, Otto Dix, Andy Warhol etc).

L'exposition du musée Maillol cherche une continuité dans la représentation de la mort en Occident en alignant des œuvres généralement mineures, de l'Antiquité à nos jours, avec pour point commun un squelette ou un crâne.

vanites-maillol-caravage-st-francois.jpgMais quoi que disent ses organisateurs, le grand siècle des « Vanités » est et demeure le XVIIe siècle. Les autres époques n'ont qu'un rapport lointain, voire pas de rapport du tout avec ce genre artistique. La Renaissance et la Réforme sont passées par là...

Au temps des cathédrales (XIIIe siècle), la mort était abordée avec une relative sérénité car elle était considérée par tout un chacun comme un passage vers l'autre Vie. Puis sont advenues la Grande Peste (1347), la guerre de Cent Ans et d'autres calamités, pour ne rien dire du Grand Schisme d'Occident, un déchirement au sein de l'Église, prélude à la Réforme de Luther. On a alors découvert l'autre face de la Mort : les « transis » - corps décomposés des pierres tombales - et les danses macabres, rappels de la fragilité de l'existence terrestre.

Ces approches quasi-charnelles de la mort s'estompent à la Renaissance, au XVIe siècle, avec le retour à l'antique et aux belles lettres. On se détourne de la représentation brutale de la mort et l'on intellectualise les réflexions théologiques sur l'existence. Celles-ci passent par de savants symboles, des objets qui ne doivent pas être vus pour eux-mêmes mais pour ce qu'ils signifient dans notre culture : le miroir, le sablier, le crâne, les fleurs, les bougies etc.

Ars longa, vita brevis, Pieter Steenwijck, XVIIe siècle.

Cette approche est prisée en premier lieu dans les pays touchés par la Réforme protestante, l'Allemagne luthérienne et les Pays-Bas calvinistes.

Quand ils veulent se faire plaisir, les Hollandais riches et pieux commandent une nature morte qui satisfait le regard et, par ses diverses « vanités », suscite une méditation sur l'existence. Ils s'interdisent les représentations traditionnelles de la Vierge et des saints, considérant que la grâce est un don gratuit de Dieu et que l'on ne peut préjuger de ses bénéficiaires.

Les artistes baroques de la Contre-Réforme catholique ne souffrent pas de ces interdits. Tels Rubens et le Caravage, ils exaltent la vie sous toutes les formes, à travers de simples humains et des saints. Autant dire qu'ils se tiennent loin des vanités.

Niki de Saint-Phalle, Tête de mort II, 1988.La mort ne sera plus guère représentée sous sa forme répugnante par les artistes jusqu'à la Grande Guerre et à sa redécouverte par des expressionnistes allemands rescapés des tranchées, comme Otto Dix.

Aujourd'hui, elle est plus que jamais absente de notre horizon, si l'on met à part quelques provocations d'artistes ou de jeunes « gothiques » en mal de reconnaissance.

Elle est l'ultime tabou de notre société permissive, avide de jeunesse éternelle, qui relègue le deuil dans la sphère intime et se débarrasse des défunts de la façon la plus expéditive, de préférence l'incinération.

L'historien Philippe Ariès, a écrit là-dessus des pages mémorables dans son Histoire de la Mort en Occident.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-11-26 16:04:08

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