Éthiopie

« Lions vainqueurs de la tribu de Juda »

Alors que les croisés doivent abandonner Jérusalem à Saladin en 1187, rendant ainsi impossible le pèlerinage sur les traces du Christ, le roi zagwé Lalibela décide de créer dans sa capitale toute neuve, Roha (rebaptisée ensuite Lalibela), une nouvelle Terre sainte.

Prêtre éthiopien, Lalibela. L'agrandissement montre un fidèle de l?église de Nakuto Laab, XIIe siècle. Photographies G. Grégor.Si la légende fait rêver, la réalité n'en est pas moins incroyable. Simplement armés de marteaux et piques, les ouvriers ont délicatement taillé dans la roche, du haut vers le bas, pour dégager des milliers de m3 de tuf et faire apparaître les bâtiments monolithiques qui semblaient les attendre depuis toujours.

Encore quelques efforts pour installer des systèmes de drainage, relier l'ensemble par des fossés, créer portes et fenêtres, embellir de quelques sculptures ou peintures et voilà un des plus beaux sites religieux au monde.

Les pèlerins peuvent toujours se recueillir sur ces Terres saintes en miniature, passant de la grotte de Bethléem au Golgotha, du Tombeau d'Adam au Jourdain, de la Maison de la Croix à celle de Marie. Un peu à l'écart émerge du sol le toit en forme de croix grecque de Bieta Ghiorghis (Saint-Georges) qu'une tradition locale associe à l'arche de Noé.

Totalement évidée, l'église renferme comme ses comparses un Saint des Saints censé accueillir une représentation de l'Arche d'alliance.

Église Beta Ghiorghis, XIIe siècle, Lalibela. Photographies G. Grégor.

L'art éthiopien, un art à part

Du XIVe au XVIe siècle, l'Éthiopie va vivre une époque d'effervescence sans précédent, tant au niveau intellectuel qu'artistique.

Croix du trésor de l?église de Nakuto Laab, XIIe siècle. L'agrandissement montre un prêtre de l?église de Nakuto Laab. Photographies G. Grégor. Pour évangéliser le pays, les moines décident de copier et copier encore les textes saints tout en les rendant attractifs par toujours plus d'illustrations. C'est d'ailleurs à cette époque que le très pieux roi Zara Yakob (XVe siècle) impose la présence d'icônes de la Vierge dans les églises.

Jusqu'alors très influencé par la peinture byzantine venue d'Égypte, l'art commence à s’émanciper avec l'arrivée d'artisans occidentaux qui vont proposer des œuvres moins caricaturales. Si ombres et perspectives sont toujours absentes, désormais les personnages sont représentés de façon moins solennelle, les scènes s'animent, des décors apparaissent, les couleurs se diversifient.

Sur ses îles, quelques 38 monastères ont été édifiés pour certains dès le début du christianisme. Parmi les plus belles églises, de forme arrondie, citons Ura Kidanet Mehret (« le Pacte de la miséricorde ») et sa voisine Nerga Sélassié dont les œuvres en partie restaurées datent des XVIIIe et XIXe siècles et proposent un voyage tout en couleurs dans la Bible.

Le royaume du prêtre Jean en danger

On l'a enfin localisé ! Ce fameux prêtre Jean, objet de toutes les spéculations depuis le XIIe siècle, aurait élu domicile en Éthiopie.

Représentation du prêtre Jean, dessin des années 1900.Le prêtre Jean est assimilé aux négus (« rois »), à la grande satisfaction de ceux-ci qui vont mettre à profit la légende pour demander de l'aide face aux attaques des musulmans qui s'emparent d'Axoum en 1535. À la suite d'un appel lancé au roi du Portugal et à l'infant Henri le Navigateur, le jeune Christophe de Gama et 400 arquebusiers prennent ainsi la route pour l'Afrique où ils seront massacrés.

Mais les Ottomans sont repoussés quelques années plus tard, laissant le pays face à des conflits religieux internes.

Les pères de l'Éthiopie moderne

On l'avait surnommé Le Réformateur, tant il désirait changer la vie de son pays et lui apporter prospérité et unité. Mais Théodoros II ne put parvenir à réaliser son rêve, échouant face aux insurrections et aux complexes jeux diplomatiques avec l'Europe.

Gravure de Yohannes IV en 1868. L'agrandissement montre la statue de Yohannes IV à l'aéroport d'Axoum.Le Royaume-Uni étant resté sourd à ses demandes d’aide pour lutter contre les musulmans, il fait l'erreur en 1864 de prendre en otage des diplomates britanniques. La réaction est sans appel : un corps expéditionnaire vient libérer les prisonniers et mettre le siège devant la forteresse du négus, le poussant au suicide.

C'est alors que le chef d'une autre province, Yohannès IV, prend le pouvoir, aussitôt revendiqué par un autre souverain local, le futur Ménélik II. Celui-ci se lance dans la conquête des grandes routes commerciales ce qui lui permet d'acquérir assez de puissance pour être sacré par le patriarche éthiopien en 1889, à la mort de son adversaire.

Mais celui qui se présente comme le descendant du fils de la reine de Saba doit vite faire face aux velléités des Italiens qui viennent d'entrer dans la course aux colonies.

L'Empire éthiopien vers 1850. L'agrandissement montre l'extension de l'empire éthiopien sous Menelik II (1879-1889), University of Texas Libraries.Le 1er mars 1896, c'est le choc : les 100 000 soldats italiens découvrent avec surprise près de 50 000 éthiopiens prêts à en découdre, dans la plaine d'Adoua.

La défaite est totale pour l'Italie qui doit reconnaître l'indépendance du pays qu'elle convoitait.

Les 10 années qui suivent permettent à Ménélik II de moderniser l'Éthiopie en faisant construire une nouvelle capitale Addis-Abeba (« La Nouvelle fleur »), qu'il relie à Djibouti, sur la mer Rouge, par un chemin de fer. Hôpitaux, écoles, canalisations, lignes téléphoniques... Le pays entre dans le XXe siècle en choisissant la voie du progrès.

Jean Vignaud, Taye-Maoutcha dans la province du Tigré, gravure de l?ouvrage de Charlemagne Theophile Lefebvre, Voyage en Abyssinie, 1839?1843.

Le dernier Roi des rois

L'année 1926 voit l'arrivée sur le trône d'Haïlé Sélassié (« le Pouvoir de la Trinité »).

Portrait d?Hailé Sélassié, années 1930, Washington, Library of Congress. L'agrandissement présente une illustration des troupes italiennes en Éthiopie, sans date, Milan, Musée de l?histoire contemporaineIl s’attache à poursuivre l'œuvre de Ménélik en abolissant l'esclavage puis en acceptant une Constitution et un Parlement sans pour autant renier l'absolutisme qui fonde son règne. Mais en décembre 1934, un incident à la frontière avec la Somalie italienne sert de prétexte à Mussolini pour venger la défaite d'Adoua.

500 000 hommes, 400 avions et même des armes chimiques ne laissent aucune chance au négus qui doit fuir pour plaider la cause de son peuple auprès de la Société des Nations (30 juin 1936). En vain : les réactions de l'Europe, plongée dans d'autres drames, sont timides et Sélassié doit se résoudre à l'exil. Il ne reviendra à Addis-Abeba qu'en 1941, aux côtés des Britanniques.

Les années qui suivent vont être celles du rattachement de l'Érythrée à l'Éthiopie, décision qui entraîne la naissance d'un Front de Libération de l'Érythrée (FLE, 1960) et l'instauration d'un état d'urgence dans la région en 1970.

La terrible famine qui touche le pays en 1973-1974 et les revendications de plus en plus violentes des étudiants, inspirés par le marxisme, finissent par embraser le pays. C'est l'occasion que saisit en septembre 1974 un groupe d'officiers pour obliger le négus à abdiquer avant de le mettre en prison où il sera assassiné.

[Suite : Le Lion de Juda se réveille]

Publié ou mis à jour le : 2020-12-08 12:50:12

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