Fédor Dostoïevski (1821 - 1881)

« L’homme est une machine si compliquée… »

« La beauté sauvera le monde »... Par ces quelques mots, Dostoïevski montre qu'il a su trouver dans une existence faite de barreaux et de dettes l'optimisme nécessaire pour créer une œuvre admirable. L'anniversaire des 200 ans de sa naissance est aujourd'hui l'occasion rêvée de se replonger dans ses romans pour mieux le suivre au sommet de la littérature mondiale.

Hôpital Mariinsky (avec statue de Dostoïevski), Moscou. Dostoïevski est né ici. La statue a été créée par Sergey Merkurov en 1919.

La prédiction du bonnet

Un alcoolique et une brute : le père de Dostoïevski n'avait rien a priori pour aider son fils à partir du bon pied dans la vie.

Maria Fiodorovna Dostoïevskaïa, mère de Dostoïevski. Agrandissement : Mikhaïl Andreïevitch Dostoïevski, père de Dostoïevski. Né le 30 octobre (ou le 11 novembre dans le calendrier grégorien) 1821 à Moscou, Fiodor Dostoïevski ne recevra aucune tendresse de ce père médecin.

Sa réussite lui était-elle montée à la tête ? Devenu paranoïaque, il soupçonnait ses domestiques de le voler et ne sortait de son indifférence vis-à-vis de Fiodor que pour lui annoncer le pire : « Écoute, Fédia, contrôle-toi, un jour tu auras des ennuis, et tu finiras avec un bonnet rouge [celui des bagnards] ». C'est ce qui arriva quelques années plus tard...

En attendant, Fiodor se retrouve dans l'école du Génie de Saint-Pétersbourg où il dévore les écrivains européens. Mais dans ce cadre magnifique du palais Michel, le jeune garçon n'est pas heureux.

Ce fils de bourgeois est en butte aux moqueries de ses camarades et au mépris de son père qui le rejette au vu de ses résultats médiocres. En 1839, c'est le drame : le corps de celui-ci est retrouvé dans un champ. L'homme a été vraisemblablement assassiné par ses propres paysans, lassés d'être maltraités.

Succès littéraire, échec mondain

Devenu sous-lieutenant, Dostoïevski abandonne l'armée pour se lancer dans une vie de plaisirs et de littérature. En 1846, il fait paraître son premier roman, Les Pauvres Gens qui le rend aussitôt célèbre.

Le « nouveau Gogol » est invité dans les meilleures réunions mondaines où il se distingue, non par son bel esprit, mais par une timidité insurmontable qu'il dissimule derrière de la prétention. C'est l'époque où il commence à prêter l'oreille aux idées révolutionnaires. Mauvaise idée : un matin de 1849, il est arrêté, enfermé dans la forteresse Pierre-et-Paul et mené devant le peloton d'exécution.

Le Détenu, Vladimir Makovski, 1879, peintre admiré par Dostoïevski.

« Aujourd'hui, j'ai été à la mort... »

Fausse alerte ! Le tsar, qui aime s'amuser à se montrer généreux, met fin au supplice au dernier moment. Les fers aux pieds, direction la Sibérie et la petite ville d'Omsk pour quatre années de bagne. Morsures, moqueries, vols...

Photographie de Dostoïevski en 1872. Agrandissement : Vasily Perov, Portrait de Dostoïevski, 1872, Moscou, Galerie Tretyakov.Dostoïevski reste stoïque et se fait observateur. Il découvre la noirceur de l'homme, son désir infini de faire le mal, mais aussi la richesse de l'âme russe. Il croise également de vrais personnages de roman : « Que de types populaires, de caractères je rapporte du bagne ! […] J'ai appris à bien connaître, sinon la Russie, du moins le peuple russe » (Correspondance). Il s'en souviendra dans ses œuvres.

A peine sorti de « la maison des morts », le revoilà soldat dans une petite ville perdue de Sibérie qui contient un trésor : Maria Dmitrievna, qui va devenir sa femme. Il retourne dès lors à l'écriture en publiant un roman, Humiliés et offensés (1861).

Les critiques restant mitigées et les créanciers de plus en plus pressants, il décide de prendre quelque distance : on le voit tour à tour à Paris, Londres, Berlin, Bâle... Ces voyages, marqué par des crises de plus en plus fréquentes d'épilepsie, sont l'occasion de découvrir le monde du jeu qui va vite le fasciner et vider ses poches, comme ses héros du Joueur (1865).

À la roulette

En 1865 meurt sa femme Maria, tuberculeuse, quelques mois avant son frère. Désormais responsable de sa belle-soeur et de ses quatre enfants, il craint par-dessus tout de retourner en prison, pour dettes cette fois.

Si Crime et châtiment (1866) est un triomphe, l'auteur doit travailler de plus belle, aidé en cela par une jeune étudiante sténographe, Anna Grigorievna Snitkina, qui lui permet de boucler Le Joueur et qui accepte dans la foulée sa proposition de mariage.

Reparti sur les routes d'Europe, le couple ne manque pas de croiser des casinos où les attendent gains illusoires et dettes réelles. Anna y laissera même ses boucles d'oreilles en gage !

Nikolaï Nikolaïevitch Karazine, Illustrations pour le roman Crime et Châtiment, 17 janvier 1893.

Le chef-d'oeuvre : Crime et châtiment

Tout est dans le titre : c'est l'histoire d'un crime et de son châtiment. En une cinquantaine de pages au suspense digne des meilleurs romans policiers, le jeune Ralskolnikov élabore l'assassinat d'une vieille usurière pour devenir un grand homme – et tant qu'à faire éponger ses dettes. Mais le passage à l'acte, et surtout ses conséquences, ne sont pas si faciles à supporter. Dostoïevski nous entraîne alors au fond de l'âme humaine, dans les méandres d'une conscience en proie à la culpabilité et confronté aux basses réalités. Il veut en effet à tout prix dévoiler le mystère de l'Homme, quitte à en montrer les parts d'ombre en donnant à chacun de ses personnages des failles qui les fragilisent. L'auteur, qui semble avoir ici anticipé la découverte de l'inconscient, a laissé une œuvre d'une telle richesse qu'il est un des rares à avoir l'honneur d'un néologisme, la dostoïevchtchina, pour évoquer son influence sur la littérature.

Sous une couronne de lauriers

L'Idiot (1869), L'Éternel Mari (1870), Les Démons (ou Les Possédés, 1872)... Écrivain désormais reconnu, l'ancien bagnard consacre ses journées à des visites mondaines où il aime à se faire admirer.

La consécration a lieu le 6 juin 1880, à Moscou où est inaugurée une statue de Pouchkine. Les réactions à son discours sont dithyrambiques, il en est quitte pour une couronne de lauriers ! Son ultime satisfaction sera de réussir à terminer l'immense chantier des Frères Karamazov (1881) avant de mourir, le 28 janvier 1881.

Et c'est au milieu d'une foule de près de 60 000 personnes que l'ancien bagnard est mené au cimetière, riche de l'admiration de tout un pays.

Publié ou mis à jour le : 2021-10-29 16:37:07

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