L'écrivain et professeur William Marx (53 ans) a inauguré au Collège de France la chaire « Littératures comparées ». Dans sa leçon inaugurale du 23 janvier 2020 et dans un entretien publié dans Le Point de ce jour, il nous montre combien la confrontation aux littératures anciennes et étrangères peut être source d'émancipation et de liberté. Les extraits ci-après de son entretien en témoignent :
« Lire la littérature, câest donner voix à ce qui ne pourrait pas se dire ailleurs, des fantasmes, des contre-mondes. Câest encore plus vrai lorsquâon lit des textes empruntés à des cultures différentes, lointaines dans lâespace ou dans le temps. Lâeffort même de comprendre ces Åuvres dans leur contexte nous oblige à déstabiliser nos propres conceptions et à porter finalement un regard neuf sur nous-mêmes, en montrant quâune autre réalité est possible. Lire, par exemple, les merveilleuses Notes de chevet de lâécrivaine japonaise Sei Shônagon, écrites autour de lâan mil, et découvrir que pour elle la notion de péché nâexiste pas, mais seulement celle de honte, liée au regard dâautrui, comprendre quâà ses yeux lâadultère ne pose aucun problème sâil est bien dissimulé, voilà qui ébranle les habitudes morales héritées de nos divers monothéismes.
« Quand les diverses communautés dont se compose la société ont tendance à sâenfermer chacune dans ses codes et ses références, le simple fait dâaller voir ce qui se passe ailleurs, de faire dialoguer des Åuvres, de montrer la variabilité des faits culturels, cela devrait avoir un effet profondément émancipateur. Les textes du monde entier sont à notre disposition, ils appartiennent à tous, et toute culture est faite dâemprunts, toute culture a vocation à donner aux autres, à être transformée par eux, voire trahie. Les Mille et Une Nuits nâont pris le statut dâÅuvre majeure de la littérature universelle quâaprès le travail de récolement et de traduction entrepris au début du XVIIIe siècle par lâun de mes prédécesseurs au Collège de France, Antoine Galland. Câest la respiration normale des civilisations.
« Jâappelle contemporanéisme la tendance à mesurer la valeur des Åuvres à lâaune de notre présent. Dâoù une survalorisation des Åuvres les plus récentes, les plus aptes à sâadapter facilement à nos attentes. Câest dâautant plus vrai lorsquâon lit les littératures postcoloniales, qui sont par définition de jeunes littératures. Dans les collèges, on préfère souvent faire lire aux élèves de la littérature de jeunesse, censée parler plus directement des problèmes dâaujourdâhui. Je prône au contraire la vertu du dépaysement plutôt que lâenfermement dans le présent. Il faut faire lire Gilgamesh, Shakespeare et Gogol, comme Molière, La Fontaine et Corneille. Il faut accepter le fait que les littératures anciennes ou lointaines ne soient pas confortables, quâelles nous déroutent, quâon nây comprenne pas tout. »
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Périclès (02-02-2020 18:35:32)
Oui Nicole, sauf qu'on aimerait un dialogue avec un philosophe un chouya moins obscur dans sa façon de s'exprimer. Par contre, j'aime qu'on me parle de Spinoza, comme, par exemple, le fait si bien An... Lire la suite
nicole (02-02-2020 16:34:54)
La Lecture des écrivains ou philosophes de toute époque , apporte un état d esprit plus ouvert vers le monde , un dialogue avec Spinoza aide a comprendre ,même en étant pas tout a fait d accor... Lire la suite