Voyager au Moyen Âge


Fermail en or émaillé avec invocation à Saint Luc (XIVe siècle, musée national du Bargello, Florence)30 octobre 2014. Le Moyen Âge, une longue période d'immobilité avant les Grandes Découvertes ? Que nenni ! Le musée de Cluny nous montre brillamment le contraire à l'occasion de cette exposition, organisée avec trois autres grands musées européens (où elle sera présentée ensuite), ce qui explique la qualité des objets présentés.

Certes, les paysans ont un horizon restreint et ne voyagent que très peu, mais les occasions de voyager ou d'entrer en contact avec des horizons lointains sont plus nombreuses qu'on pourrait le penser.

L'exposition aborde ces différents types de « voyages » (auxquels on pourrait ajouter les migrations du Haut Moyen Âge, les guerres – pensons aux Anglais découvrant la Gascogne durant la Guerre de Cent ans – ou les voyages d'ampleur plus limitée vers les marchés ou le château seigneurial) et leurs implications.

Le voyage religieux

Le voyage est d'abord religieux : pèlerinage, recherche de reliques, visite d'un évêque à ses ouailles... Il peut s'agir d'un voyage de l'âme ou d'un saint mythique comme le voyage de Brendan, dont un manuscrit illustré est présenté : très populaire au Moyen Âge, cette œuvre raconte les tribulations de ce saint irlandais autour de l'an 500 dans l'Atlantique. Elle met ainsi ses lecteurs en contact avec un monde exotique (et largement imaginaire).

Autre forme de voyage, plus étonnante encore, les « rouleaux des morts » : lorsque les monastères perdent un de leurs membres éminents, ils font circuler parmi toutes leurs communautés partenaires un rouleau de condoléances. Celui de Saint-Bénigne de Dijon a circulé du 4 juin 1439 au 12 août 1441, recueillant 115 contributions. Il mesure 20m et mérite à lui seul une visite de l'exposition (deux autres rouleaux sont également montrés).

Rouleau de condoléances du bienheureux Vital, abbé de Savigny (Archives nationales)

La religion est aussi un soutien des voyageurs : on invoque volontiers saint Christophe, qui porta le Christ et est pour cette raison considéré comme le patron des voyageurs, et on porte sur soi des amulettes censées protéger des risques.

Le voyage, moyen de satisfaire la curiosité des hommes du Moyen Âge

On voyage aussi pour le commerce, avec des bourses, escarcelles ou « coffrets à mailles » pour porter l'argent. Au cours du Moyen Âge se développent les lettres de changes qui permettent de régler des transitions à distance.

Les Croisades sont aussi une occasion de découvrir d'autres horizons, ce qu'illustre le Voyage d'Outre-mer [expression qui désigne alors le passage en Terre Sainte], rédigé vers 1432 par Bertrandon de la Broquière, à la demande du duc de Bourgogne Philippe le Bon. L'ouvrage est censé préparer une croisade, qui n'a finalement pas lieu : la représentation iconographique de Jérusalem et de ses monuments est très exacte. L'expérience du voyage peut être transmise par écrit, comme c'est le cas avec le Devisement du monde de Marco Polo, un des best-sellers de la littérature du voyage à la fin du Moyen Âge.

Stèle funéraire de l'île de Gotland, racontant les exploits du défunt viking (musée de Stockholm)En conséquence, les hommes du Moyen Âge sont plus ouverts sur le monde qu'on le croit volontiers : les cartes géographiques prennent progressivement la forme qu'on leur connaît aujourd'hui et permettent aux navigateurs de s'orienter utilement.

Ces voyages mettent en contact avec des peuples divers.

Rappelons du reste que certains des grands personnages de la tradition chrétienne sont noirs : la reine de Saba, les rois mages, saint Maurice. On voit que, comme l'écrit le poète Eustache Deschamps au XIVe siècle, « Il ne scet riens que ne va hors » (« il ne sait rien celui qui ne voyage pas »).

Quelques objets méritent ici d'être cités pour leur intérêt extraordinaire, comme la Bible de Ceolfrid, la plus ancienne copie intégrale de la Bible en latin, réalisée en Angleterre au VIIe siècle : l'abbé de Monkwearmouth Jarrow Ceolfrid souhaite l'offrir au pape Grégoire II, mais décède en route – la traversée des Alpes représente alors un obstacle majeur – si bien que l'expédition n'aboutit pas, et que le manuscrit, de 34kg et qui a nécessité 2000 peaux de veaux, est aujourd'hui conservé à Florence.

Ou encore une stèle funéraire viking représentant un navire, ou une croix de procession réalisée en Abyssinie (actuelle Ethiopie au XIVe siècle) pour être offerte en Italie.

Yves Chenal


Site internet : cliquez ici

Localisation :
Musée de Cluny, 6, place Paul Painlevé 75005 Paris

Publié ou mis à jour le : 2016-06-30 14:08:57

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