Quinzième épisode :
La Chine pré-impériale (de 2200 à 700 av. J.-C.)
Dans cette vidéo, on va s’intéresser à l’essor d’une civilisation totalement isolée des autres : la Chine. Presque toutes les civilisations étudiées dans les précédents épisodes étaient des héritières du Croissant Fertile, ne serait-ce qu’au niveau agricole. La Chine est le premier pays à entrer dans l’Histoire sans avoir été influencé par ce foyer d’une exceptionnelle précocité.
Le pays s’étend aujourd’hui sur une superficie considérable qui englobe des peuples et des climats très divers, mais ce sont véritablement les plaines de l’est qui forment le cœur de la Chine. Deux Chines s’y distinguent clairement en termes climatiques, articulées autour de 2 grands fleuves : au nord coule le Huang He ou fleuve jaune, au sud coule le Yangzi ou fleuve bleu. Le nord est caractérisé par un climat plutôt froid et sec propice à la culture du millet. Le sud est caractérisé par un climat chaud et humide propice à la culture du riz. Cette dichotomie a entraîné l’essor de 2 sociétés agricoles bien distinctes. Dans les 2 cas, l’élevage du porc et du poulet constitue un complément essentiel.
La domestication du riz et du millet ont été réalisées à peu près en même temps, vers 7000 av. J.-C.. Mais à l’époque historique, c’est la Chine du nord qui va clairement prendre l’ascendant.
Dès l’époque néolithique, les alluvions des fleuves ont permis une forte expansion démographique sur tout cet ensemble. Il faut noter que l’embouchure du fleuve jaune a beaucoup fluctué au gré des alluvions déposés, créant une plaine fertile immense. Les Chinois étaient protégés à l’ouest par la présence des hauts plateaux tibétains, pratiquement inhabités. La principale voie de pénétration de la Chine a donc toujours été située au nord : à ce niveau, le pays s’ouvre directement sur les steppes mongoles, impropres à l’agriculture. La pression exercée par les nomades explique peut-être l’accélération des innovations en Chine du nord, et l’ascendant qu’elle finit par prendre sur la Chine du sud.
Comme dans le Croissant Fertile, la croissance démographique entraîne l’apparition d’une différenciation sociale. Vers 1900 av. J.-C., la ville d’Erlitou connaît un développement remarquable avec l’apparition des premiers palais en terre. Elle semble indiquer l’émergence d’un premier état qui domine la région. La dynastie mythique des Xia, qui n’apparaît dans les textes que 1000 ans plus tard, pourrait être inspirée de ce premier essor. La région voit alors l’apparition de la métallurgie du bronze.
Vers 1600 av. J.-C., Erlitou périclite et le centre du pouvoir glisse un peu plus à l’est, à Zengzhou. Cela correspond sans doute à l’émergence de la dynastie des Shang, qui est la première dynastie chinoise avérée. La sphère d’influence des Shang s’étend considérablement à l’est le long du fleuve jaune et au sud jusqu’au Yangzi. Il ne s’agissait sans doute pas d’un état unifié, mais plutôt d’un ensemble d’états partageant des liens dynastiques et dominés par le royaume de Zengzhou. Les guerres sont récurrentes : l’utilisation d’armes en bronze donne aux Shang une grande puissance qui explique peut-être leur expansion.
La période est caractérisée par le développement accéléré des villes, le renforcement de la centralisation, l’utilisation croissante du bronze et du jade, l’importance du culte des ancêtres, et le rôle essentiel de la divination.
L’influence des Shang atteint son apogée vers 1400 av. J.-C., avant de décliner dans le siècle suivant. Vers 1300, les régions périphériques retrouvent une totale indépendance tandis que Zengzhou perd son rôle central au profit d’Anyang plus au nord. La dynastie Shang continue de dominer le jeu politique, mais sur une aire beaucoup plus réduite. D’autres puissances indépendantes se développent plus au sud, mais qui seront plus éphémères.
Les premières traces d’écriture apparaissent à Anyang vers 1250 av. J.-C. : les signes sont inscrits sur des os ou des écailles et servent à la divination. Peu à peu, l’Histoire de la Chine va enfin pouvoir sortir de l’ombre.
Profitant du déclin des Shang, un état vassal de la bordure occidentale renforce son autonomie sous l’impulsion de la dynastie Zhou. Il s’agrandit vers l’ouest le long de la rivière Wei, renforçant encore sa puissance. La proximité des barbares des steppes explique peut-être la forte militarisation de cet état. Les Shang tentent vainement de brider cette expansion, en vain : les Zhou finissent par entrer en guerre contre leurs suzerains et parviennent à les renverser en 1046 av. J.-C..
La dynastie Zhou succède ainsi aux Shang avec Hao comme capitale. Cette dynastie aura une longévité exceptionnelle puisqu’elle durera 800 ans.
Les 3 premiers rois Zhou accroissent considérablement le rayonnement du royaume. Le roi Cheng successeur de Wu réprime une dernière révolte des Shang, puis étend son autorité sur tous les anciens territoires qui avaient été soumis un jour ou l’autre à la suzeraineté des Shang. Il en fait des états vassaux qui contrôlent eux-mêmes leurs propres vassaux : un système féodal à grande échelle se met en place. La ville de Chengzhou devient une capitale secondaire destinée à surveiller ces territoires conquis.
Après lui, le roi Kang affermit le royaume. A cette époque, l’écriture sort du domaine de la divination et il apparaît une véritable classe de lettrés. En Chine du nord, le peuple Han d’où sont issues les dynasties Shang et Zhou continue de gagner du terrain. L’expansion des Zhou se heurte toutefois à la résistance du Chu, un royaume puissant fondé le long du Yanzi suite au retrait des Shang.
Le roi Zhao, qui succède à Kang vers 990 av. J.-C., subit une défaite sévère en tentant de conquérir ce royaume, : c’est la fin de la période d’expansion des Zhou. Son successeur Mu connaît un long règne de près de 50 ans, et meurt peut-être centenaire. Le royaume est alors florissant, mais vers la fin de son règne 3 principales menaces commencent à se dessiner : à l’est ses vassaux commencent à devenir turbulents, à l’ouest les barbares des steppes exercent une menace croissante, au sud le Chu cherche à s’étendre. Peu à peu, le royaume s’affaiblit face à ces 3 menaces. Vers 850, la proximité du danger provoque une révolte dans la capitale qui pousse le roi Li à l’exil.
Les attaques sont finalement repoussées tandis qu’une régence assure la transition. Le roi Xuan, qui règne plus de 40 ans autour de 800 av. J.-C., marque un dernier regain de vitalité des Zhou. Il mène des expéditions contre les barbares au nord-ouest et contre des royaumes indépendants au sud-est. Mais il peine à contrôler ses vassaux et cette agitation orientale continue d’affaiblir le royaume. Quand les barbares lancent une nouvelle attaque, son successeur ne peut pas faire face : la capitale tombe en 771 et le roi Yu est tué. Son héritier parvient pourtant à s’enfuir jusqu’à Chengzhou qui devient la nouvelle capitale du royaume. C’est la fin de la période dite des « Zhou occidentaux ».
Les Zhou orientaux ne vont pas connaître le même rayonnement : leur suzeraineté sur les états vassaux devient purement symbolique. S’ouvre la période dite des « printemps et automnes », du nom d’une chronique rédigée plus tard. Elle est caractérisée par des guerres incessantes entre états rivaux. La Chine entre dans l’une des périodes les plus sombres de son histoire qui formera le terreau du confucianisme et du taoïsme.
En attendant, on va continuer notre petit tour du monde des civilisations anciennes : dans le prochain épisode, on s’intéressera à la civilisation des Olmèques en Mésoamérique.
Vincent raconte...
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Claude (17-11-2021 10:04:27)
Bravo, cher Monsieur Boqueho. Après chacune de vos vidéos, "on se sent moins sot". Merci pour votre précieux travail, qui remplit pleinement son office : instructif mais aussi divertissant, il don... Lire la suite