L'Antiquité en cartes animées

Vincent raconte Sabéens et Aksoumites: entre Éthiopie et Yémen

Sabéens et Aksoumites: entre Éthiopie et Yémen (2500 av. J.-C. à 640 après J.-C.)

Dans cet épisode, on s’intéresse aux grandes civilisations antiques qui ont prospéré à la charnière de l’Éthiopie et du Yémen.

À l’ouest comme à l’est de la mer Rouge, la région est caractérisée par de hautes terres arrosées qui émergent de la plaine désertique, et qui apparaissent comme des oasis favorables au développement des civilisations. Dès 2500 av. J.-C., l’Egypte envoie des expéditions vers cette contrée qu’elle appelle le pays de Pount. Elle y importe de la myrrhe et de l’encens qui poussent près de la côte désertique, et de l’ivoire, des plumes d’autruche et des peaux de fauves qui proviennent de l’intérieur de l’Afrique. La dernière mention de Pount par les Egyptiens date d’environ 1160 av. J.-C.. A cette époque, plusieurs royaumes sémitiques émergent dans l’actuel Yémen : l’Hadramaout, le Qataban, le Ma’in et le royaume de Saba.

À une date indéterminée, des migrations ont lieu du Yémen vers l’Éthiopie, peut-être aux dépens de la civilisation de Pount : une nouvelle langue sémitique s’y construit peu à peu, le guèze. Les liens sont alors forts entre les 2 rives de la mer Rouge.

C’est le royaume de Saba qui connaît le plus fort rayonnement grâce à ses travaux d’irrigation et au commerce sur la mer Rouge. Ces liens avec le Proche-Orient sont illustrés par la visite mythologique de la reine de Saba au roi Salomon d’Israël. Les premiers textes en alphabet sudarabique apparaissent. Vers -700, le roi de Saba lance des expéditions contre ses voisins et unifie toute la région sous la forme d’un ensemble d’états vassaux. Sa capitale est Marib.

Cet apogée de Saba dure 150 ans. Puis des rois originaires de l’Hadramaout arrivent au pouvoir, ce qui marque un affaiblissement de l’élite sabéenne. Cinquante ans plus tard, l’empire s’effondre sous l’influence des royaumes vassaux qui luttent pour l’hégémonie. C’est le Qataban qui finit par l’emporter : il fonde un nouveau réseau où les différents royaumes conservent une forte autonomie. C’est un nouvel âge d’or pour le Yémen pré-islamique : le pays s’enrichit grâce à l’essor de la Route de l’Encens qui le connecte au Proche-Orient via la ville de Pétra. Une nouvelle monnaie est créée et l’art atteint son apogée. L’enrichissement de la région lui vaudra le nom d’Arabie Heureuse. Dans le même temps, un premier royaume sémitique émerge en Éthiopie, le Damaat. 

L’hégémonie du Qataban s’achève en 120 av. J.-C. avec la sécession du royaume de Himyar à l’ouest. Cependant la région reste prospère : elle joue un rôle central dans le commerce maritime entre le monde gréco-romain et l’Inde. En 26 av. J.-C., l’empire romain envoie même une expédition pour conquérir l’Arabie Heureuse, mais elle est anéantie en chemin.

Le contrôle de cette route maritime est un enjeu majeur pour les royaumes : l’Hadramaout s’étend, l’Himyar conquiert l’autre rive de la mer Rouge, et le royaume d’Aksoum prend son essor en Éthiopie. Par le biais du port d’Adulis, il exporte les marchandises venues de l’intérieur de l’Afrique. Il fait ainsi concurrence au royaume de Méroé, qui utilise le Nil comme voie commerciale.

L’Arabie Heureuse est marquée par des conflits incessants dominés par la puissance de l’Hadramaout, puis par celle de Saba. Ces rivalités profitent au royaume d’Aksoum qui parvient à s’implanter sur la côte arabique. Peu après, le roi de Himyar parvient à réunifier la région vers l’an 300. Un équilibre durable s’installe entre les empires d’Himyar et d’Aksoum. Chacun d’eux bat sa propre monnaie, signe de leur prospérité économique. Celle-ci repose notamment sur le contrôle du commerce maritime entre l’empire romain et l’Inde. La région a aussi ses propres ressources, notamment l’encens, très prisé dans l’empire romain. Enfin le royaume d’Aksoum exporte beaucoup d’ivoire de l’intérieur de l’Afrique : c’est ce qui pousse les Himyarites à fonder des comptoirs sur la côte d’Afrique Orientale dès le IIIe siècle.

À cette époque, la civilisation égyptienne se maintient toujours au royaume de Méroé, de plus en plus affaibli par le détournement du commerce africain vers la mer Rouge. Vers 320, l’empereur d’Aksoum Ousanas en profite pour étendre son influence : il lance un raid contre Méroé, ce qui provoque l’éclatement du royaume en trois parties : Nobatie, Makurie et Alodie. Ousanas étend aussi son emprise le long de la côte aux dépens de Himyar, qui doit payer tribut.

Les deux rives de la mer Rouge, majoritairement polythéistes, sont depuis longtemps influencées par la diaspora juive. Mais l’adoption du christianisme par l’empereur romain Constantin contribue à sa diffusion depuis l’Egypte. Vers 345, l’empereur d’Aksoum Ezana se convertit et l’Éthiopie devient un défenseur de la chrétienté. Ezana affermit aussi les possessions acquises par son père : l’empire d’Aksoum est alors florissant. Il exporte de nombreux produits, notamment de l’encens, de l’ivoire et de l’or. Aksoum est alors une ville très cosmopolite qui mêle les cultures éthiopienne, égyptienne, gréco-romaine et indienne. De grands obélisques sont construits à la gloire des empereurs d’Aksoum. L’alphabet guèze est mis en place, remplaçant l’alphabet sudarabique déjà très ancien.

En 380, l’empereur d’Himyar se convertit au judaïsme, peut-être en réaction au christianisme d’Aksoum qui est alors en pleine expansion. Peu après, l’empire himyarite retrouve une certaine vigueur et étend son emprise vers l’intérieur de l’Arabie.

La rivalité entre Himyar et Aksoum entraîne des tensions croissantes entre juifs et chrétiens. En 519, Aksoum soutient le coup d’état d’un chrétien sur le trône d’Himyar. Cela déchaîne les représailles contre les chrétiens dans tout le royaume. Aksoum finit par intervenir militairement avec le soutien de Byzance. Le général éthiopien Abraha s’empare du trône d’Himyar, mais il trahit son empereur en le conservant pour son propre compte. L’empereur d’Aksoum est contraint d’accepter cet état de fait et les deux royaumes deviennent alliés. Abraha transfère la capitale de Zafar à Sanaa. Il mène une campagne contre les juifs et les païens et effectue même un raid jusqu’à La Mecque pour y combattre le paganisme.

Après sa mort en 570, ses fils lui succèdent et règnent de façon tyrannique. Un prince juif demande l’aide des Perses, qui envoient une expédition : malgré l’intervention de l’empereur d’Aksoum, les Perses s’emparent du royaume et en font une satrapie. C’est la fin de l’indépendance d’Himyar. Puis en 632, la région est conquise par le premier calife arabe. Le royaume d’Aksoum, quant à lui, parvient à résister à l’expansion du califat. Les royaumes du Soudan, qui viennent de se convertir au christianisme, résistent également. La Nobatie, affaiblie par ces incursions, se fait annexer peu après par la Makurie, donnant naissance au royaume de Nubie. Mais la mainmise du califat sur la mer Rouge va entraîner un isolement économique du royaume d’Aksoum et une perte de rayonnement : le pays cesse de battre monnaie et retourne dans l’ombre. Plusieurs siècles s’écouleront avant le renouveau de l’Éthiopie.

Dans le prochain épisode, nous poursuivrons notre périple antique en retournant en Chine, où l’empire connaît un superbe apogée sous l’impulsion de la dynastie Han.

Vincent Boqueho

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Publié ou mis à jour le : 2022-02-22 18:03:02

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