Le 10 mars 2010 est sorti sur les écrans La rafle, deuxième film de l'ex-journaliste Rose Bosch, précédé d'un battage médiatique exceptionnel. Ce film met en scène un des épisodes les plus sombres de l’histoire de France : la rafle de 13.000 juifs les 16 et 17 juillet 1942...
Rose Bosch s'est déjà illustrée au cinéma en écrivant le scénario de 1492, une mégaproduction internationale de Ridley Scott consacrée à Christophe Colomb.
La Rafle, comme ce précédent film, témoigne de moyens techniques tout à fait exceptionnels (reconstitution du Vél d'Hiv...) mais aussi d'une grande lourdeur didactique.
La réalisatrice s'est inspirée de l'histoire d'un jeune juif de Montmartre, Joseph Weissmann, qui a par miracle échappé à la déportation à Auschwitz et raconté son calvaire et celui de ses proches.
Elle souligne que tous les personnages principaux de son film et tous les détails sont véridiques : suicides, concierges en cheville avec leurs locataires juifs, pompiers secourables. Nul n'en doute et l'on rend hommage au travail documentaire qui se dégage du film.
Mais sans doute est-ce bien là le problème : le film de Rose Bosch, condensé scrupuleux de tous les témoignages et livres d'historiens sur le sujet, restreint la réflexion plutôt qu'il ne l'élargit. Réalisé au premier degré, sans nuances ni sous-entendus, il entrave le pouvoir de l'imagination. La Rafle est dépourvue d'un quelconque souffle. Rien à voir par exemple avec Monsieur Klein, chef d'oeuvre de Joseph Losey (1976, avec Alain Delon dans le rôle-titre), qui évoque la rafle avec tout ce qu'il faut de tension, de mystère et d'émotion.
Ce film-ci est une succession de saynettes : la vie heureuse à Montmartre, avant la rafle ; la rafle proprement dite, avec ce qu'il faut de cris, de pleurs et de violences ; le séjour au Vél d'Hiv (l'infirmière se pince le nez pour suggérer l'odeur d'urine qui empuantit l'atmosphère) ; le séjour dans le camp de transit de Beaune-la-Rolande ; enfin, le retour des survivants deux ans plus tard à l'hôtel Lutetia.
Quand au bout de deux heures, le petit Joseph retrouve le manège de son enfance et qu'arrive le mot Fin, on ne s'est pas trop ennuyé mais l'on s'étonne de n'avoir pas été non plus ému. On n'a d'autre part rien appris par rapport aux notices et aux articles sur le sujet.
Du point de vue historique, on peut s'offusquer d'une réflexion, à la fin du film, sur les Alliés qui, s'ils l'avaient voulu, auraient pu stopper l'extermination en bombardant les voies ferrées qui mènent vers les fours à gaz et les fours eux-mêmes ! Les historiens ont depuis longtemps fait litière de ce genre de « y avait qu'à ».
Plus criticables sont les saynettes qui mettent en scène Hitler lui-même, avec sa maîtresse et ses amis, dans leur chalet bavarois. La première fois que le dictateur apparaît, on croit à une parodie par un acteur farceur. Mais c'est bien le vrai Hitler que l'on prétend nous montrer. Guère plus sérieuses sont les saynettes mettant en scène Pétain et Laval, ou encore Bousquet et les commandants allemands de Paris.
La Rafle arrive en France à un moment où le « devoir de mémoire » commence à se faire très pesant. Depuis la lettre de Guy Môquet, imposée aux lycéens, il ne se passe plus de mois sans qu'il nous revienne à la figure.
Autant dire que ce film risque dans ces conditions d'avoir un effet contre-productif, surtout si les enseignants se mettent en tête d'en imposer la vision à leurs élèves... Un conseil : restons-en à Nuit et Brouillard et à la chanson du regretté Jean Ferrat : « Ils étaient vingt et cent... ».
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