Issu de la noblesse terrienne de Biélorussie, Piotr Stolypine devient gouverneur de la province de Sarotov et se fait remarquer par la fermeté avec laquelle il maintient l'ordre pendant la Première Révolution russe, en 1905.
Le tsar Nicolas II l'appelle au ministère de l'Intérieur en 1906 dans l'éphémère gouvernement d'Ivan Goremykine. Il devient Premier ministre après la démission de ce dernier, le 21 juillet 1906, et va dès lors déployer toute son énergie et son intelligence pour consolider le régime tout en développant la Russie.
L'horizon se découvre
Sans perdre de temps, dès son accession aux commandes, Stolypine dissout la première assemblée législative élue au suffrage universel, la Douma, et en convoque une deuxième.
En attendant son élection en février 1907, il engage de façon autoritaire une vaste réforme de l'économie russe et en premier lieu de l'agriculture, malgré l'opposition des conservateurs, de la Cour et du tsar lui-même.
Par un oukaze (décret) du 22 novembre 1906, son ministre de l'Agriculture Alexandre Krivocheïne liquide les vestiges de la féodalité et du servage. Il permet aux paysans les plus dynamiques de sortir du mir, une forme traditionnelle de propriété collective de la terre qui préserve les solidarités villageoises mais bride les énergies et décourage l'initiative individuelle.
Les paysans qui le souhaitent peuvent exiger du mir de recevoir en pleine propriété le lot de terre qu'ils ont la charge d'exploiter. Plus de deux millions répondent à son appel. Mais beaucoup se découragent très vite, faute d'expérience et faute d'outils en quantité suffisante. Les deux tiers d'entre eux choisissent de revendre leur lot à des paysans mieux outillés.
Ainsi la réforme va-t-elle aboutir à la formation d'une élite paysanne aisée, les koulaks.
Le gouvernement crée aussi une Banque paysanne dotée de terres, principalement de l'autre côté de l'Oural, en Sibérie et au Kazakhstan. Ces terres sont partagées en lots et revendues aux paysans avec de grandes facilités de crédit. Ils seront plusieurs millions à tenter l'aventure.
Sous l'impulsion du gouvernement, la Russie connaît une expansion économique très rapide qui fait d'elle, avec ses 175 millions d'habitants (1914) et ses territoires immenses, la grande puissance émergente du continent européen... et aussi une menace pour l'Allemagne, son voisin direct, et la Grande-Bretagne, sa rivale en Asie.
Terreur d'État
Mais Stolypine est avant tout un homme d'ordre. Il l'a manifesté comme gouverneur et ministre de l'Intérieur. En août 1906, sitôt après son accession à la tête du gouvernement, il est la cible d'un attentat terroriste qui fait 27 morts dans son cortège et blesse de nombreuses personnes dont deux de ses enfants. La répression est impitoyable.
Stolypine institue des « tribunaux militaires de campagne » qui exercent une justice expéditive contre les révolutionnaires et les suspects. Les procédures d'appel sont supprimées et les condamnés sont exécutés sitôt après le jugement. Au total, environ trois mille personnes sont de la sorte exécutées en trois ans et quelques autres milliers envoyées en Sibérie.
Avec l'humour noir propre à tous les peuples victimes d'oppression, les Russes surnomment les potences « cravate de Stolypine » et donnent aussi le nom de « stolypine » aux fourgons qui convoient les déportés.
Stolypine reprend aussi à son compte la vieille démagogie tsariste qui consiste à détourner la colère populaire sur les juifs...
Fin d'un espoir
Malgré ou à cause de sa redoutable efficacité, Stolypine échoue à obtenir la pleine confiance de Nicolas II. Celui-ci tend l'oreille à ses ennemis et ne craint pas de le faire surveiller, attendant la première occasion de le renvoyer comme avant lui Serge Witte, un autre réformateur énergique.
Le 18 septembre 1911, lors d'une représentation à l'opéra de Kiev en présence du tsar, un avocat anarchiste, Dimitri Bogrov, tire à bout portant sur le Premier ministre. Blessé à mort, Stolypine (49 ans) n'a que le temps d'adresser un signe de croix à Nicolas II qui se repend à ce moment-là de lui avoir témoigné de la défiance. L'assassin se trouve être en effet un agent de la police secrète du tsar !
Il est remplacé à la tête du gouvernement par le falot Vladimir Kokovtsov, avec aux Affaires étrangères Sergueï Sazonov en remplacement d'Alexandre Izvolski. Faute de direction ferme, le gouvernement ne tarde pas à se diviser, laissant le champ libre aux bellicistes. L'élan réformateur de la Russie est brisé.
Le nouvel homme fort du gouvernement est le ministre de l'Agriculture Alexandre Krivocheïne, réformateur mais ignorant des réalités internationales. Profondément nationaliste, il va peu à peu se rallier aux positions austrophobes du ministre des Affaires étrangères.
• 29 juin 1992 : Boudiaf, espoir trompé
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