Officier brillant, décontracté et atypique, le baron Kurt von Hammerstein-Equord est le descendant désargenté d’une vieille famille de junkers luthériens, ces hobereaux allemands de la Prusse orientale qui fournissaient l’essentiel de l’encadrement de l’armée allemande à la fin du XIXe siècle.
Militaire intelligent et dilettante
Il se distingue immédiatement par son intelligence qui lui permet entre d’autres d’obtenir après un premier échec la main de sa dulcinée, la fille du général Walther von Lüttwitz, un junker catholique nettement plus riche mais nettement moins clairvoyant.
Quelques années plus tard, en 1920, Lüttwitz participera à la pantalonnade du « putsch de Kapp » qui ne durera que quelques jours et à l’issue de laquelle il devra s’enfuir à l’étranger. Son gendre saura lui obtenir en 1924 une amnistie qui dégradera encore ses relations avec son beau-père, vexé de lui devoir quelque chose. Hammerstein lui apparaît en effet comme un aimable dilettante, capable d’intuitions fulgurantes mais enclin à déléguer à ses subordonnés les tâches fastidieuses qui forment l’ordinaire du commandement.
Son temps libre très extensif lui permet de jouir de la chasse et de la vie en famille au milieu de ses sept enfants, de se cultiver et d’appréhender d’autres réalités que celles de la caste militaire et de se signaler par la pertinence de ses vues. Il effectue une carrière météoritique qui le conduit en 1930, à 52 ans, au commandement suprême de la Reichswehr, l'armée de la République de Weimar. Il y préside au redressement rapide de l’armée allemande, dans l'apparent respect des limitations fixées par le traité de Versailles. En particulier, il organise des entraînements conjoints et secrets en territoire soviétique avec son homologue, le maréchal soviétique Mikhaïl Toukhatchevski, autre militaire de talent que Staline, jaloux de son prestige, fera fusiller en 1937.
Ayant accédé à la chancellerie, Hitler, conscient de la valeur et de l’influence d’Hammerstein sur l’armée, essaie de se le concilier en acceptant de dîner à sa résidence de général en chef : l’opération de séduction laisse de marbre Hammerstein, qui quitte son poste en 1934 pour éviter de se commettre avec ceux qu’il considère comme une bande de criminels. Il est mis à la retraite en septembre 1939.
Hammerstein est resté célèbre pour une typologie énoncée à propos de l’état-major allemand mais qui peut s’appliquer à toute grande organisation :
« Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux.
Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major.
Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90 % de toute armée et sont aptes aux tâches de routine.
Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles.
Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres. »
Cette « typologie d’Hammerstein », avec la mention du nom et de la qualité de son auteur, avait été affichée dans son bureau par un officier américain en poste à Londres pendant la Seconde Guerre guerre mondiale.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible