Peu d'industriels ont autant marqué leur époque qu'Alexis Godillot, figure emblématique du Second Empire. Il fait partie de ces Français talentueux qui ont révolutionné l'humanité. Pourtant, il n'est plus connu qu'à travers son nom, qui qualifie par antonomase de grosses chaussures et a même dérivé de façon péjorative en « godasse ».
Alexis Godillot naît à Besançon en 1816 au foyer d'un ancien soldat de la Grande Armée napoléonienne. Il passe son enfance dans la sellerie familiale.
Son père Félix Godillot avait constaté que les voyageurs qui prenaient la diligence avaient des sacs peu adaptés au transport à la main. Il conçut donc en 1826 un « sac de nuit » muni d’un fond de cuir rigide, d’un fermoir en fer et de deux poignées de cuir. C’est l’ancêtre de la valise. Il vaudra à la famille une honnête aisance mais pas la fortune, l'industriel ayant négligé de breveter son invention.
Les chemins de la fortune
Le jeune Alexis monte à Paris et, entrepreneur dans l'âme, se lance sous la Seconde République dans l'organisation de fêtes publiques. Bonapartiste déclaré, il obtient les faveurs du gouvernement de Napoléon III lorsque celui-ci accède au pouvoir.
C'est ainsi qu'il devient l'organisateur officiel des fêtes sous le Second Empire. Il ne s'en tient pas là. Renouant avec la tradition familiale, il ouvre des tanneries à Saint-Ouen, au nord de Paris. Quand éclate la guerre de Crimée, il fournit l'armée en tentes, selles et également chaussures de marche.
Quand, en 1859, l'armée, satisfaite, lui passe commande de cent mille paires de chaussures supplémentaires, il a l'idée de distinguer pour la première fois le pied droit et le pied gauche. Pour apporter aux soldats un meilleur confort de marche, Alexis Godillot conçoit une courbure de la semelle intérieure au niveau de la voute plantaire.
Jusque-là, depuis l'aube des temps, les chaussures étaient indifférenciées et les usagers devaient accepter de souffrir longtemps avant que l'une et l'autre s'adaptent à chaque pied. Depuis lors, une chaussure n'est plus concevable sans son symétrique !
Mais l'industriel ne s'en tient pas là. Il améliore encore les chaussures grâce au brevet n° 52.853, déposé le 1er février 1862, « sur l’imperméabilité du dessous de la chaussure par une application de la gutta-percha » (gomme issue du latex naturel).
Le succès vaudra à l'industriel des commandes considérables pendant la malheureuse guerre franco-prussienne de 1870-1871. Il en viendra à produire plus de 1 200 000 paires de chaussures par an et les militaires ne les appelleront plus que sous son nom. Suprême consécration, Vincent Van Gogh laissera une toile célèbre, simplement titrée : « Les Godillots » (1886).
Au comble de la fortune, Alexis Godillot fait les beaux jours du Second Empire comme de la IIIe République naissante.
Avec l'architecte Pierre Chapoulart, il participe au développement d'Hyères, sur le littoral varois, et en fait une villégiature à la mode. En 1886 est ainsi inaugurée la Villa Mauresque, dans le goût orientaliste de l'époque, où l'industriel vieillissant accueillera la reine Victoria.
La science et la vie
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