Tocqueville (par Jean-Louis Benoît)

Qui êtes-vous Monsieur de Tocqueville ? Question pertinente concernant celui qui possède la triste particularité d’appartenir, en France, à la catégorie des inconnus célèbres. Inconnu, parce qu’ignoré du grand public, célèbre, parce que son nom est cité par des chroniqueurs ou des politiques mais dont les références faites à ses textes sont rarement pertinentes car elles reposent plus souvent sur des emprunts approximatifs que sur une véritable lecture de ses textes.

Dans notre pays jacobin, dont le roman national est emprunté à Ernest Lavisse, on ne conçoit pas qu’un aristocrate puisse être le penseur majeur de la démocratie moderne. Aux États-Unis, à l’inverse, il demeure l’un des tout-premiers analystes de la démocratie américaine dont il a fait, dès 1835, une analyse capitale des institutions.

L’œuvre de Tocqueville demeure l’une des clés essentielles permettant de comprendre les forces et les faiblesses, les risques et les enjeux de la démocratie. Il explique comment et pourquoi l’alternative démocratie ou despotisme n’exclut pas que celui-ci puisse naître de celle-là : montée du fascisme et du nazisme, hier, prolifération des démocratures, aujourd’hui en sont la parfaite illustration.

Sa lecture est à la fois stimulante et d’une parfaite actualité. Elle nous fait découvrir un aristocrate siégeant à gauche sous la Monarchie de Juillet, luttant pour l’abolition de l’esclavage, faisant voter des crédits pour l’aide aux mères et aux enfants abandonnés, envisageant la participation comme l’un des moyens de combattre le paupérisme. Tocqueville nous rappelle que la démocratie repose sur un couple liberté/égalité et qu’elle court le risque de se perdre si elle sacrifie la liberté à la demande égalitaire et/ou sécuritaire.

Le but premier de la présente biographie et les textes à suivre est de donner au lecteur un accès concret et méthodique à sa vie, ses œuvres et son action politique.