Terrorisme et cinéma

Quand Hollywood annonçait Ben Laden

Voici un recensement des films-catastrophe des dernières années prémonitoires des événements tragiques du 11 septembre 2001...

Une enquête qui fait frémir... Beaucoup de films hollywoodiens apparaissent aujourd'hui prophétiques ou prémonitoires avec leur atmosphère de terreur et de panique, débris d'acier et de béton, gravats et nuages de poussières.

Le 11 septembre 2001, en prenant pour cible le World Trade Center et le Pentagone, les terroristes ont réalisé le pire des scénarios-catastrophe. Le drame survenu ce jour-là a donné lieu à des avant-premières involontaires (« sneak previews ») dans les cinémas du monde entier.

Beaucoup de films hollywoodiens apparaissent aujourd'hui prophétiques ou prémonitoires avec leur atmosphère de terreur et de panique, débris d'acier et de béton, gravats et nuages de poussières.

Hyperréalisme impressionnant

La Tour infernale Le film The Towering Inferno (La Tour infernale, États-Unis, 1974, 164 min) est l'un de ceux-là. Il a été réalisé par John Guillermin sur un scénario de Stirling Silliphant, inspiré de deux romans intitulés The Tower (Richard Martin Stern) et The Glass Inferno (Thomas N. Scortia et Frank M. Robinson).

die HardQuand le sapeur-pompier Michael O'Hallorhan (Steve McQueen) et l'architecte Doug Roberts (Paul Newman) tentent de sauver les otages du feu bloqués aux derniers étages de la tour, on pense aux corps qui, dans une ultime tentative, sautent des fenêtres - telles des virgules dans le vide - pour échapper désespérément aux flammes infernales.

La réalisation très efficace du premier épisode de la trilogie Die Hard (Piège de Cristal, John Mc Tiernan, États-Unis, 1988, 127 min), sur un scénario de Jeb Stuart tiré du roman de Roderick Thorp, nous présente l'inspecteur new-yorkais John McClane (Bruce Willis) venu rejoindre sa femme Holly (Bonnie Bedelia) dont il est séparé, dans l'espoir de se réconcilier avec elle pour les fêtes de Noël à Los Angeles.

Au Nakatomi plazza, grande tour de verre et siège de la compagnie pour laquelle elle travaille, son patron M. Takagi donne une soirée en l'honneur de ses employés. Au même moment, une douzaine de terroristes, menés par Hans Gruber (Alan Rickman), s'infiltrent dans l'immeuble et bouclent tous les accès.

Ils projettent de repartir avec 600 millions de dollars en bons négociables enfermés dans les coffres et prennent l'ensemble du personnel en otage... hormis John McClane, passé inaperçu mais décidé à contrecarrer leur plan par tous les moyens.

Sept ans plus tard, Die Hard 3 : with a Vengeance (Une Journée en enfer, John McTiernan, États-Unis, 1995, 131 min) se signale par des scènes spectaculaires d'explosions dans le Bonwit Teller department store, à la base d'un gratte-ciel de New York.

Dans ce film, sur un scénario de Jonathan Hensleigh et Roderick Thorp, et avec un sous-titre prémonitoire - «It's boomtime in the big apple» - le lieutenant John McClane (Bruce Willis) et Zeus Carver (Samuel L. Jackson) affrontent un terroriste allemand, Simon Peter Gruber (Jeremy Irons), qui fait régner la terreur dans les rues new-yorkaises.

Protéger Manhattan

Conçu sur un scénario de Lawrence Wright et Menno Meyjes, The Siege (Couvre-Feu, Edward Zwick, États-Unis, 1998, 115 min) raconte une vague d'attentats islamistes à New York.

L'agent du FBI Anthony Hubbard (Denzel Washington), son adjoint Samir Nazhde (Sami Bouajila), et Elise (Annette Bening), agente de la CIA, défendent les valeurs de la démocratie américaine face à l'armée, en charge de l'ordre public.

Car pour arriver à ses fins et maintenir l'état de siège sur Brooklyn, le général en chef William Devereaux (Bruce Willis) a recours à des méthodes contraires aux droits de l'homme.

Certains dialogues écrits trois ans avant les attentats contre les Twin Towers laissent songeur. Ainsi, comme les conseillers du président se réunissent, l'un d'eux s'exclame : «Messieurs, il va falloir sortir vos atlas ».

Elise explique aussi à Anthony Hubbard que «le cheikh - responsable des attentats - était notre allié et il s'est retourné contre nous, mais il faut les comprendre, on les a aidés et puis on les a laissés tomber».

Bio-terrorisme

Quelques jours après les attentats du 11 septembre, l'envoi aux médias et au Congrès américain de lettres empoisonnées par le bacille anthrax rappelle étrangement un épisode de la célèbre série britannique The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir).

En effet, malicieusement intitulé You'll Catch Your Death: Aka Atishoo, Atishoo... All Fall Down (A Vos Souhaits!, épisode n°10 de la 7ème session, 52 min, diffusé le 16 octobre 1968 sur la chaîne anglaise ITV), le scénario de Jeremy Burnham et R. Paul Dickson nous présente un facteur (Douglas Black-well) circulant en Rolls Royce, distribuant des courriers dans la boîte aux lettres de célèbres oto-rhino laryngologues londoniens.

Victimes pré-sélectionnées à travers le monde, les docteurs Camrose (Hamilton Dyce), Padley (Willoughby Gray) et Herrick (Andrew Laurence) reçoivent leur lettre, l'ouvrent et éternuent si fort qu'ils en meurent. Lorsqu'on retrouve les enveloppes sur les lieux du crime, elles sont désespérément vides. Il s'agit en réalité de la vengeance d'un scientifique dénommé Glover (Fulton Mackay) qui s'est servi du virus de la grippe, biologiquement renforcé, comme d'une arme fatale.

A une plus grande échelle et sur un scénario de Laurence Dworet et Robert Roy Pool, le film Outbreak (Alerte, Wolfgang Petersen, États-Unis, 1995, 127 min) raconte les efforts conjugués du colonel Sam Daniels (Dustin Hoffman), responsable de l'Institut de Recherche médicale de l'US Army, et de son ex-femme, le docteur Robby Keough (Rene Russo) du Centre de contrôle des épidémies pour contenir tant bien que mal, l'infection virale aérienne qui s'est abattue par contagion sur une petite ville de province des États-Unis.

Dans ce film, l'armée américaine impose médicalement la quarantaine et civilement la loi martiale. Tout ceci a aujourd'hui un petit air de déjà vu.

Des scénaristes à la caserne

Après les attaques terroristes, les studios d'Hollywood ont pris conscience que les pires prophéties ne sont pas très loin de la réalité.

Ils ont choisi de s'autocensurer en annulant la sortie de films-catastrophe, en revoyant ceux en cours de tournage pour gommer en urgence les références au terrorisme, aux avions qui explosent, aux immeubles qui s'effondrent.

Enfin, des projets ont été purement et simplement annulés comme World War III, le film de Jerry Bruckheimer où les villes de San Diego et Seattle sont détruites par une bombe nucléaire. Il en va de même pour Nose Bleed où Jackie Chan aurait dû jouer le rôle d'un laveur de carreau qui démasque un complot visant à détruire le World Trade Center !

Décrypter les scénarios

Quelques semaines après les événements du 11 septembre, l'Institute for Creative Technologies (ICT) de l'université de Californie du Sud (USC) organisait, le 9 octobre 2001 avec le soutien du Pentagone, une série de séminaires avec des scénaristes hollywoodiens.

Coordonnés par le général Kenneth Bergquist, les scénaristes Steven E. De Souza (Die Hard, Piège de Cristal ; Die Hard 2, 58 minutes pour vivre) et David Engelbach (série télévisée MacGyver), le réalisateur Joseph Zito (Delta Force One : the Lost Patrol, Invasion USA, Missing in Action, Portés disparus) devaient imaginer des scénarios d'attaques terroristes et mettre au point d'éventuelles répliques.

Le film de Phil Alden Robinson intitulé The Sum of All Fears (La Somme de toutes les peurs, États-Unis, 2002, 124 min) plonge le spectateur dans le spectre de la guerre nucléaire avec un scénario de politique-fiction de Paul Attanasio et Daniel Pyne tiré d'un roman à succès de Tom Clancy. Sous-titré «27.000 nuclear weapons, one is missing», ce quatrième volet cinématographique des aventures de l'agent de la CIA, Jack Ryan, a bénéficié du concours technique de la CIA et du Pentagone.

Alors que le président russe vient de décéder, un groupe terroriste néonazi décide de jouer sur les tensions entre les États-Unis et la Russie et s'empare d'une bombe atomique, retrouvée par hasard dans le désert de Syrie après avoir été abandonnée, en 1973, par un avion israélien durant la guerre de Kippour.

Les terroristes la font exploser sur Grozny, anéantissant ainsi la capitale tchétchène au nom du gouvernement russe. Afin de faire la lumière sur les derniers événements, le directeur de la CIA, Bill Cabot (Morgan Freeman) engage les services de Jack Ryan (Ben Affleck), jeune recrue spécialiste de la Russie.

Selon ce dernier, les principaux responsables ne sont pas les autorités russes, mais bien des terroristes qui espèrent provoquer la panique générale et relancer la défunte guerre froide.

Leur prochaine cible est la ville américaine de Baltimore où doit se dérouler le Superbowl - la finale de football américain - et auquel assistera le personnel de la CIA et de la Maison Blanche.

Le monde sera finalement sauvé du chaos par la coopération des présidents américain Fowler (James Cromwell) et russe Nemeroy (Ciaran Hinds).

Dans la bataille globale de la communication qui a suivi les événements du 11 septembre 2001, l'usage politique de tels films n'a pas longtemps tardé. En effet, l'attorney général John Ashcroft a spécialement attendu le lundi suivant le deuxième week-end d'exploitation du film pour annoncer publiquement de Moscou, l'arrestation du terroriste Abdullah al-Mujahir - de son vrai nom José Padilla -, lié au réseau Al-Qaida de Ben Laden.

Fiction anticipatrice

Au vu de ces similitudes, les services de renseignement ont demandé aux cinéastes d'Hollywood et aux romanciers de «techno-thriller» (Tom Clancy, Maud Tabachnik, Chuck Palahniuk, William Diehl) d'imaginer la lutte antiterroriste de demain.

Cette méthode d'investigation - bookish researcher - a déjà fait l'objet d'une intrigue de film d'espionnage puisque dans le film de Sydney Pollack, Three Days of the Condor (Les Trois Jours du Condor, États-Unis, 1975, 117 min), Joseph Turner (Robert Redford) travaille dans une cellule de la CIA où il épluche les romans d'espionnage étrangers pour découvrir d'éventuels scénarios.

Entre réalité et virtualité, il ne nous reste plus qu'à nous demander qui sera le réalisateur du prochain épisode... Nostradamus peut être.

Pierre Le Blavec de Crac'h, 2003
Publié ou mis à jour le : 2023-04-04 18:05:41

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