Arts de l'Islam

Splendeurs de l'Orient au Louvre

Les Arts de l'IslamLe Louvre a ouvert le 22 septembre 2012 un huitième département dédié aux Arts de l’Islam. C’est l’aboutissement d’un projet conçu par le directeur du musée Henri Loyrette et engagé par le président de la République Jacques Chirac en 2003.

C’est aussi une rupture par rapport à l’ancienne politique qui a conduit le Louvre à externaliser ses collections périphériques : l’Extrême-Orient au musée Guimet en 1932, l’art du XIXe siècle au musée d’Orsay en 1979. Dans le même esprit, on aurait pu cette fois déposer les collections islamiques dans le beau musée de l’Institut du Monde Arabe…

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.netLa collection des Arts de l’Islam compte environ 3 000 objets qui proviennent pour l’essentiel des réserves du Louvre et du musée des Arts décoratifs voisin.

Certaines pièces remontent aux collections royales. C'est le cas d'une aiguière égyptienne en cristal de roche évoquée par l'abbé de Saint-Denis Suger, au XIIe siècle, et du « baptistère de Saint Louis », une vasque richement ornée en cuivre qui servit à baptiser les enfants royaux.

Pour mettre en valeur la collection, les architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini ont conçu une « tente bédouine » en verre et aluminium qui abrite deux grandes salles d’exposition, l’une au-dessous de l’autre.

L’effet visuel ne manque pas de surprendre dans le cadre renaissant et classique de la cour Visconti du palais du Louvre. 

La première sensation est celle d’une extraordinaire profusion d’objets (vases, statuettes, orfèvrerie, dinanderie, faïence, tapis, mosaïques, armes…), dans une débauche de couleurs et de formes.

La promenade entre les vitrines et les estrades n’en est que plus distrayante. Elle permet de découvrir quelques merveilles comme une bouche de fontaine en bronze qui rappelle le patio des lions de l'Alhambra (le « lion de Monzòn », Andalousie,  affiche ci-dessus) ; un guerrier tcherkesse trayant une bufflesse (statuette ci-dessus, Palestine) ; une figure souriante aux traits mongoloïdes, inattendue représentation humaine en terre d'islam (Iran, ci-dessous à droite).

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.netEnsuite, on ne peut manquer d’être saisi d’une question saugrenue : islam ? vous avez dit islam ?...

La religion est en effet presque totalement absente de la collection du Louvre, si ce n’est à travers une lampe de mosquée et un manuscrit du Coran.

C’est une manière de rappeler la singulière ouverture d’esprit des anciennes civilisations islamiques.

On chantait le vin et l’amour des jeunes garçons à la cour du calife de Bagdad et, dans les différentes capitales du monde islamique, de Cordoue à Delhi, les élites de toutes les confessions coopéraient étroitement et sans façon à la prospérité commune.

Rien à voir avec l’omniprésence de la religion dans le monde musulman contemporain, dans l’espace public (minarets et muezzins, écoles coraniques, barbe rituelle, voile intégral…) comme dans l’espace privé (avec les sempiternelles représentations de la Kaaba, la pierre sacrée de la Mecque).

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.net

Absence de pédagogie

S’il est à déplorer une chose sous la lumière tamisée de la « tente bédouine » du Louvre, c’est l’absence de pédagogie.

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.netComme dans les musées archéologiques traditionnels, chaque objet est associé à un numéro qui renvoie un peu plus loin à un cartel (étiquette) très académique.

De quoi décourager les meilleures volontés et rebuter le grand public, à commencer par les collégiens.

La surabondance d'objets nuit gravement à la clarté de l'ensemble. Le vulgaire (tessons de carafe, rebuts de fouilles archéologiques...) côtoie le sublime jusqu'à l'étouffer dans la masse. 

Il manque également une mise en scène qui distinguerait clairement les différentes civilisations islamiques et mettrait en lumière pour chacune d’elles tel ou tel objet particulièrement significatif, comme nous avons essayé de le faire avec l’article d’Isabelle Grégor.

À la fin de la promenade, tout imprégné que l’on soit de sensations colorés, il est exclu que l’on sorte mieux informé sur les civilisations islamiques et mieux à même de distinguer l’art andalou de l’art moghol, les Persans des Arabes et des Turcs.

Ainsi que l'écrit Michael Barry (département d'art islamique du Metropolitan Museum de New York) : « les départements des arts européens songeraient-ils à entasser de la sorte des pièces d'orfèvrerie byzantine, romane, gothique, parmi les souvenirs récents de Lourdes sous prétexte que tout cela relèverait d'un même "art chrétien"? » (Qantara, janvier 2013, page 18).

Attenantes aux Arts de l’Islam se tiennent les nouvelles salles consacrées à l’Orient des premiers siècles de la chrétienté.

Elles présentent de belles mosaïques venues d’Antioche et plus classiquement des statues en marbre, des stèles votives, des sarcophages et des objets de la vie quotidienne et rappellent par leur présence qu'elles contribuèrent à la floraison islamique. 

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.net
Vive la diversité

Les Arts de l'Islam au musée du Louvre (photo : André Larané, pour Herodote.netContrairement à ce que pourrait laisser croire l’intitulé des nouvelles salles du Louvre, les objets exposés sont le fruit non pas de sociétés proprement islamiques mais pluri-religieuses et pluri-linguistiques, le plus souvent même majoritairement chrétiennes (ou hindoues).
Il n’y a en effet que l’Arabie qui ait été à peu près totalement islamisé dès avant l’An Mil. Dans les autres pays à gouvernance musulmane (le « dar-es-islam »), ce n’est qu’aux Temps modernes, voire à la fin du XXe siècle (Liban) que les minorités non-musulmanes ont été marginalisées ou éradiquées (Turquie).
En Perse (Iran), une partie de la population, y compris des artistes majeurs tel Firdousi, auteur du Livre des Rois, sont longtemps restés fidèles au passé préislamique, voire à la religion traditionnelle, le mazdéisme.
Profitons-en pour souligner un singulier basculement de l’Histoire :
L'Europe devient en ce XXIe siècle aussi hétérogène ethniquement et religieusement que pouvait l’être l’Orient au Moyen Âge. Quant à l’Orient contemporain, il est en passe de devenir aussi monolithique que l’était la chrétienté médiévale.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2022-12-10 22:38:47

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