Paléolithique moyen

Néandertal, une autre humanité

Dans le découpage traditionnel de la Préhistoire, le Paléolithique moyen suit, comme il va de soi, le Paléolithique inférieur ! Avec lui arrive l'homme de Néandertal (on écrit aussi Neanderthal).

Dans les trois entretiens vidéo ci-après, la préhistorienne Marylène Patou-Mathis évoque ce vieux cousin mal connu et de mauvaise réputation, auquel nous rattachent pourtant une partie de nos gènes. Elle raconte son mode de vie, remet en cause bon nombres de préjugés et explique aussi les causes probables de sa disparition après trois à quatre cent mille ans d'existence (une existence plus longue que la nôtre au stade actuel).

L'invention de Néandertal

Comment expliquer que l’homme de Néandertal ait été tenu si longtemps pour une créature plus proche de l’animal que des autres hominidés ?

Une vision dépassée de Neanderthal : l?habitant de la Chapelle-aux-Saints, à l?époque moustérienne, vu par Frantisek Kupka (L?Illustration, 20 février 1909)Une grande part du mystère tient à la date de la découverte de l'un des premiers squelettes neanderthaliens,  à un moment où la communauté savante croit encore au créationnisme, inspiré d'une lecture littérale de la Bible (« Dieu a façonné l'homme à son image une fois pour toutes »).

Elle a lieu en 1856 en Allemagne, dans la vallée de Neander qui surplombe la rivière Düssel, à 13 km de Düsseldorf (d’où le nom donné à cette branche de l’humanité : Neanderthal, Néandertal en version francisée).

Trois ans plus tard, la théorie de Charles Darwin sur l’évolution des espèces va influencer le regard de ceux qui, de plus en plus nombreux, découvrent des fossiles néandertaliens. Postulant des traits grossiers à ces êtres si anciens et donc selon eux très bas dans l’échelle de l’hominisation, ils en déduisent qu’il s’agit d’une espèce de singe plutôt que d’homme.

À la fin du XIXe siècle, avec le succès des idéologies raciales, on voit dans Néandertal une espèce humaine inférieure, vaincue par une espèce supérieure, la nôtre (Homo sapiens ou Cro-Magnon). Pour que cela soit vrai, il faut que Néandertal ait bien l'air d'une brute et l'on s'applique à le représenter de la sorte.

Les premiers doutes interviennent au siècle suivant, avec la découverte de plusieurs sépultures...

Roméo et Juliette à l'Âge de la pierre taillée

Ces dernières décennies, il ne reste plus rien de la mauvaise image de Néandertal, du moins chez les spécialistes. Dans Neanderthal, une autre humanité, publié en 2006, Marylène Patou-Mathis a ainsi pu montrer avec brio que sa réputation peu flatteuse était sans grand rapport avec la réalité.

Elle entrevoit l'éventualité que Néandertal appartienne à la même espèce que l'Homo sapiens. Cette prémonition a été confirmée avec éclat le 7 mai 2010 par les découvertes génétiques de l’institut allemand Max Planck, sous la direction de Svante Pääbo.

Svante Pääbo (à droite de la photo)Ces généticiens ont découvert en effet que des croisements ont eu lieu au Proche-Orient entre des groupes de Néandertaliens et d’Homo sapiens, venus d’Afrique il y a 80 000 ans.

De ces croisements résulterait la présence de 1 à 4% de gènes issus de Néandertal dans le génome des Européens actuels.

L'équipe de Svante Pääbo a observé de semblables croisements en Asie et en Océanie entre l'Homo sapiens et un autre Homo, l'homme de Denisova (Sibérie).

Hormis les Africains, nous sommes donc tous apparentés à Néandertal et/ou à l'homme de Denisova !

Neanderthal, humain et différent

Marylène Patou-Mathis nous révèle un Néandertal différent d'Homo sapiens, ni inférieur ni supérieur mais autre.

Bestial l’homme de Néandertal ? Au contraire ! Il maîtrise le feu, porte des parures, utilise des outils en pierre ou en bois et parfois en os, et s’habille de peaux et de fourrures animales. Sa vie sociale n’a rien à envier à la nôtre. L’homme de Neanderthal prend en effet soin des malades et des infirmes comme l’atteste le squelette d’un homme décédé à l’âge canonique de 45 ans malgré un bras infirme de naissance. Survivre aussi longtemps avec un pareil handicap implique une prise en charge par le groupe.

Néandertal maîtrise le langage articulé comme le suggère sa morphologie et le confirme l'analyse des gènes. Quant à l’au-delà, l’homme de Néandertal en a sans doute une intuition puisqu’il inhume ses morts comme en témoignent une quinzaine de sépultures mises au jour surtout en Europe occidentale et au Proche-Orient.

Publié ou mis à jour le : 2023-10-30 00:05:28

Voir les 21 commentaires sur cet article

Philippe (27-04-2021 19:50:08)

Très vidéos pédagogiques, bravo.

Christian (31-10-2018 10:28:27)

Pourquoi parle-t'on souvent de la disparition de Néanderthal et jamais de celle de Habilis et Erectus ? Homo Habilis a prospéré et évolué pendant des centaines de milliers d'années jusqu'à ce q... Lire la suite

Piguet (01-05-2018 15:01:21)

Il serait intéressant de voir la différence d'ADN entre les populations aborigènes d'Australie, les sapiens et Neandertal Déjà que le génome africain n'est pas identique au sapiens européen, d... Lire la suite

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