Les deux universitaires s'affrontent sur la question de la laïcité réouverte par l'assassinat du professeur Samuel Paty, qui avait présenté à ses élèves des caricatures de Mahomet pour illustrer la liberté d'expression.
Retenons en particulier l'argumentaire de François Héran, démographe et professeur au Collège de France : « Savez-vous quelle est la première finalité des cours d’éducation morale et civique ? « Respecter autrui. » Et le programme de préciser: « Respecter autrui, c’est respecter sa liberté, le considérer comme égal à soi en dignité, développer avec lui des relations de fraternité. C’est aussi respecter ses convictions philosophiques et religieuses, ce que permet la laïcité. » La Charte de la laïcité à l’école va dans le même sens : la laïcité « repose sur une culture du respect et de la compréhension » (art. 9). Un juriste aura beau m’expliquer que « respect » veut dire « irrespect », je suis sûr de mon fait : la conception tolérante de la laïcité n’est pas une idée de mon cru, elle est dans les textes. Samuel Paty avait utilisé pour son cours la fiche « Religion et caricature de Mahomet » de DCL (Dessinez, Créez, Liberté), une association qui entend initier les élèves à la caricature. Accessible en ligne, cette fiche commente le dessin de Coco, « Une étoile est née », paru dans Charlie Hebdo le 19 septembre 2012 : Mahomet en prière, dans une posture obscène, le sexe à l’air, avec une étoile jaune sur l’anus. Invité à commenter ce dessin, Pétillon, le dessinateur, ne voyait pas à quel débat il pouvait contribuer. On nous dit que l’étoile jaune fait allusion à un remake du film A Star Is Born. Mais encore ? DCL a complété sa fiche par une interview de l’autrice, rescapée de la tuerie de janvier 2015 : la caricature doit désacraliser, justifie-t-elle, « avec ce dessin, je fais un usage absolu de ma liberté d’expression ». Tel est donc le résultat des attentats : sacraliser la liberté de désacraliser, exprimer librement… la liberté d’expression – mais pas en soi : sur le dos de l’islam. Le « droit au blasphème » vire ainsi au devoir de blasphémer. On rejoint la limite du dolus specialis : en matière de religion, l’outrage pour l’outrage serait le summum de la laïcité – une vision jusqu’au-boutiste où les djihadistes ont réussi à nous enfermer... »
Dans le droit fil de ce propos, rappelons que, dans un hommage maladroit à Samuel Paty, Emmanuel Macron a ramené la liberté d’expression au blasphème et à la caricature ! La liberté d’expression et la démocratie se réduisent-elles donc à cela ? N’avons-nous que ’outrage à proposer comme modèle de vie aux populations musulmanes issues de l’immigration ?...
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