Louis XIII

Une réhabilitation méritée

Nous avons lu pour vous Louis XIII par Jean-Christian Petitfils (Perrin , août 2008, 970 pages, 28 euros). Bien que volumineuse, cette biographie est d'une lecture agréable car l'auteur, éminent spécialiste du Grand Siècle (le XVIIe siècle français), sait varier les rythmes, alternant grands tableaux et récits au jour le jour.

Louis XIII

Dans cette somme de plus de 900 pages, Jean-Christian Petitfils ne cache pas son ambition de réhabiliter la figure de Louis XIII, un roi souvent mieux connu des Français par l'image littéraire péjorative qu'en a donnée Alexandre Dumas dans Les trois Mousquetaires que pour le rôle de «fondateur de l'unité française» que lui attribue l'auteur.

Louis XIII était-il le roi fainéant, sans charisme et terrorisé par Richelieu que se sont plu à décrire Hugo, Vigny et Dumas ?

Jean-Christian Petitfils s'insurge contre ce cliché historique, soulignant les paradoxes de la personnalité d'un roi certes bègue, complexé, atteint d'une maladie intestinale chronique, mais capable, dès son adolescence, de prendre de grandes décisions avec panache et chef de guerre audacieux.

Béatrice Roman-Amat.
Louis XIII et Richelieu, un duo complémentaire

L'historien dément du même coup la «légende noire» de Richelieu, «plus modéré et conciliateur qu'on ne le croit habituellement», et n'usurpant pas «la moindre parcelle de la majesté royale». Louis XIII ne lui donnait jamais de blanc-seing ; Richelieu lui présentait toujours la politique étrangère «sous forme d'options, tout en laissant entrevoir ses préférences» mais sans les lui imposer. Initialement «créature» de la reine mère, Son Éminence entra progressivement dans un système de double allégeance qui le poussa à présenter sans cesse sa démission, toujours refusée, dès que Marie de Médicis ou Louis XIII lui retiraient une parcelle de leur confiance.

Si Jean-Christian Petitfils reconnaît que le cardinal de Richelieu, âgé de 16 ans de plus que le roi, avait sans doute une intelligence plus aiguë que Louis XIII, il insiste sur le fait que les deux hommes partageaient les mêmes objectifs : asseoir la primauté du politique sur le religieux (contrairement à la position du puissant parti dévot), assurer la gloire des armes et le rayonnement extérieur de la France. «Tous deux étaient des pragmatiques, animés du culte de l'État».

En outre, s'il a laissé peu d'écrits politiques, Louis XIII n'était pas pour autant intellectuellement limité. Selon l'auteur, il connaissait sur le bout des doigts ses dossiers. Féru de musique et de danse, il aimait aussi peindre et avait une prédilection pour les œuvres de Georges de la Tour. Dans les années 1620-1630, il impulsa le renouveau de la peinture en France, notamment en rappelant Poussin d'Italie et en l'attachant à la Cour pendant deux ans. Il joua ainsi un rôle déterminant dans la vie artistique, à l'époque de la transition entre baroque et classicisme naissant. On est donc loin de l'image traditionnelle du roi uniquement préoccupé de fuir sa mélancolie à la chasse.

De la féodalité à l’absolutisme

Louis XIII fut aussi le «dernier grand roi de guerre à la manière médiévale». Ses successeurs ne jouèrent pas ce rôle chevaleresque, à cause de la montée de la «monarchie administrative». Sur les cendres mal éteintes des guerres de religion, il combattit pour l'unité du royaume, contre cette «vieille France médiévale, hérissée de villes libres et de privilèges». Ses campagnes contre les soulèvements des Protestants et le terrible siège de la Rochelle furent menés au nom du refus du « séparatisme provincial », Louis XIII n'ayant jamais souhaité convertir les Protestants par la force ou leur retirer leur liberté de culte.

L'interdiction des duels et la destruction d'environ 2000 forteresses qui ne défendaient pas de frontières tendaient également à débarrasser la France des restes de féodalité qui l'affaiblissaient, pour poser les premiers fondements d'un pouvoir absolu. Marqué par les guerres d'Italie et la guerre de Trente ans, le règne de Louis XIII fut en effet également secoué par les intrigues et soulèvements constants des grands seigneurs du royaume -notamment le prince de Condé et «Monsieur», Gaston, frère du roi, qui n'hésitaient pas à pas à conclure des alliances avec les ennemis du royaume.

À sa mort à 42 ans, Louis XIII laissa certes une France dévastée par les guerres incessantes, les famines et les pillages qui les accompagnaient, et écrasée d'impôts qui n'avaient cessé d'augmenter sous son règne, mais il légua à son fils «les grands outils de l'État, l'armée, la marine, la diplomatie, le renseignement, sans compter les arts et les lettres en plein bouillonnement créatif». Autant d'outils qui permirent l'épanouissement de la monarchie absolue.

Mythes et réalités

Bien que très volumineuse, la biographie de Jean-Christian Petitfils constitue une lecture agréable, car l'auteur varie les rythmes, passant avec talent des grands tableaux transversaux quasi-exhaustifs, comme celui sur la France «à l'orée du Grand Siècle», aux récits au jour le jour des intrigues de Cour et rapports de force se nouant autour de Louis XIII. L'épisode rocambolesque de la fuite de Marie de Médicis du château de Blois, en février 1619, est ainsi décrit de façon particulièrement vivante. On croit voir la reine mère sortir péniblement par une fenêtre du château, à la faveur de la nuit, ses bijoux cousus dans la doublure de sa robe, pour échapper à l'enfermement dans lequel la tenait son fils, soucieux de prendre les rênes du pouvoir.

Jean-Christian Petitfils sait également mettre en lumière les signes avant-coureurs de la période contemporaine qui apparaissent sous le règne de Louis XIII. Il insiste notamment sur le rôle de plus en plus prégnant de l'opinion publique, par le biais des pamphlets et des libelles qui circulent en permanence et de la Gazette de Théophraste Renaudot. Il explique également que Richelieu, en cristallisant la haine des Grands et des courtisans, préserva «le caractère à la fois sacré et paternel de la monarchie» : ce premier «Premier Ministre» de France joua le rôle d' «écran protecteur du chef de l'État», une fonction que certains dirigeants du XXIe siècle, à leur tour, ne manquent pas de confier à leurs premiers ministres !

Enfin, cette biographie démêle habilement le vrai du faux, parmi les mythes forgés avec talent par Alexandre Dumas. Si la rivalité entre mousquetaires du cardinal et mousquetaires du roi a par exemple bien existé, Jean-Christian Petitfils doute fortement qu'une réelle liaison ait pris forme entre Anne d'Autriche et le séduisant et belliqueux duc de Buckingham. Pourtant, à lire ce Louis XIII, peuplé de personnages aussi hauts en couleurs qu'Henri IV, Concini, la Galigaï ou Hercule de Rohan, on pense bien souvent que l'Histoire n'a pas besoin d'être enjolivée pour être romanesque.

Publié ou mis à jour le : 2019-04-30 00:24:06

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