Le sionisme, mouvement politique et religieux apparu en Europe orientale dans les années 1880, prône le retour des juifs en Palestine et y voit un préalable à l'accomplissement des promesses divines et à l'arrivée sur terre du vrai Messie (envoyé de Dieu).
Le problème est que la Palestine est alors possession du sultan de Constantinople et très majoritairement musulmane...
L'idée d'un retour physique des juifs en terre d'Israël (Eretz Israël) apparaît au XIXe siècle, dans la foulée de la Révolution française, en concomitance avec la montée des nationalismes et la laïcisation des esprits.
Le 24 avril 1799, après sa victoire sur les Turcs au mont Thabor, pendant la campagne d'Égypte, le général Napoléon Bonaparte rédige ainsi, de Jérusalem, une Proclamation à la nation juive, aux héritiers légitimes de la Palestine : « Israélites, nation unique que les conquêtes et la tyrannie ont pu pendant des milliers d'années priver de leur terre ancestrale, mais ni de leur nom ni de leur existence nationale... Levez-vous... Vous avez le droit à une existence politique en tant que nation parmi les autres nations » !
Une première ferme juive est créée en Palestine par des immigrants, en 1810, sur le mont Deron. Le baron Salomon Mayer de Rotschild ainsi que des rabbins commencent bientôt à s'intéresser à la colonisation agricole de la Palestine. En 1862, le philosophe allemand Moses Hess, proche de Karl Marx, appelle à la création d'un État juif dans son livre Rome et Jérusalem (il n'aura pas le même écho que l'ouvrage postérieur de Theodor Herzl). En 1869, enfin, l'Alliance israélite universelle, fondée peu avant par Adolphe Crémieux, ouvre une école agricole à Jaffa pour encourager la colonisation.
La décennie suivante voit l'émergence de l'antisémitisme moderne (le mot est inventé en 1875 par le journaliste allemand Wilhelm Marr).
Le sionisme proprement dit en est la conséquence directe (le mot est inventé en 1886 par le philosophe et journaliste autrichien Nathan Birnbaum). Ce mouvement politique et religieux tire son nom de Sion, une colline de la Jérusalem biblique. Il se développe sous l'impulsion de juifs bien intégrés dans la société de leur temps mais déçus de voir leur sécurité compromise par les pogroms, à partir de l'assassinat du tsar Alexandre II (1881).
Le premier groupe sioniste, « Les Amants de Sion » (Hibat Sion en hébreu), est créé en 1882 à Saint-Pétersbourg à l'instigation du rabbin Samuel Mohilever. La présidence en est confiée au médecin Léon Pinsker, qui publie la même année le livre Autoémancipation, dans lequel il postule que l'antisémitisme exprime le malaise des Européens face à un peuple dépourvu de terre, le peuple juif. Il en conclut que l'antisémitisme disparaîtra à la seule condition que les Juifs se dotent d'un État à eux, comme les autres peuples d'Occident.
Le sionisme prône le retour des juifs en Palestine, alors possession du sultan de Constantinople et y voit un préalable à l'accomplissement des promesses divines et à l'arrivée sur terre du vrai Messie (envoyé de Dieu). Quelques centaines d'étudiants juifs de Russie commencent ainsi d'émigrer. Ils désignent leur action du mot hébreu Alya (ou Aliyah) qui signifie « montée ».
Cette immigration idéologique est regardée avec inquiétude par les autorités ottomanes qui administrent (plutôt mal) la province de Palestine. Elle est par ailleurs désapprouvée par les juifs locaux, au nombre d'environ 25 000... ainsi que par les militants du Bund (Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie), une organisation créée en 1897 en Russie, pour promouvoir le socialisme sur place.
Le sionisme reçoit une impulsion décisive avec l'engagement du journaliste Theodor Herzl. Choqué par la vague d'antisémitisme qui balaie la France, « pays des droits de l'Homme », depuis la condamnation du capitaine Dreyfus (1894), Herzl publie en 1896 L'État juif. L'année suivante, il réunit à Bâle le premier Congrès sioniste et fonde une Organisation sioniste dont il devient le premier président.
Lui-même, qui appartient à la bourgeoisie de Vienne, multiplie les contacts avec les sommités de l'heure. Il rencontre l'empereur allemand Guillaume II qui se montre intéressé par son projet, et même le ministre de l'Intérieur russe, qui ne craint pas de provoquer des pogroms meurtriers dans son pays. Lors de son voyage en Russie et dans les États baltes, en particulier en Lituanie et à Vilnius, Herzl est accueilli de gare en gare par des foules de pauvres juifs aux cris de « Vive le Roi ! » Il est vrai que sa barbe assyrienne et son profil de prophète concourent à la popularité de ses idées.
De riches philanthropes comme le baron Edmond de Rotschild soutiennent le mouvement sioniste et achètent des terres en Palestine ; à l'aube du XXe siècle, celle-ci compte une vingtaine de colonies agricoles exploitant 18 000 hectares.
Dans les vingt ans qui précèdent la Première Guerre mondiale, la population juive de Palestine passe ainsi de 50 000 à 85 000 personnes, soit 12% de la population totale de la province. Notons que la ville de Jérusalem compte déjà une majorité de juifs (environ 30 000)... dont une bonne partie sont de souche locale, pour moins de 10 000 musulmans.
En 1903, le pogrom particulièrement sanglant de Kichinev, dans la province russe de Bessarabie, ravive l'urgence d'un État juif. Les autorités anglaises proposent à l'Organisation sioniste la création d'un foyer juif en... Ouganda, au coeur de l'Afrique ! Theodor Herzl se laisse tenter mais il est désapprouvé par les délégués du 3e Congrès sioniste (ou Congrès juif mondial), toujours à Bâle. Usé par la tâche, il décède l'année suivante, à 44 ans.
La déclaration Balfour, pendant la Grande Guerre, va enfin donner une assise juridique internationale à la revendication sioniste.
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