François Rabelais, premier des très grands écrivains de langue française, fut d'abord et aussi un médecin de bonne réputation...
L'écrivain naît à la Devinière, dans le val de Loire . Cette métairie de la ravissante campagne de Chinon se situe « à deux portées de fusil » de l'abbaye bénédictine de Seuilly, une dépendance de l'abbaye de Maillezais (Bas-Poitou).
C'est là que François Rabelais va entamer de longues études monastiques. Elles vont le dégoûter à tout jamais de l'enseignement scolastique décadent du Moyen Âge finissant.
Devenu moine au couvent franciscain de Fontenay-le-Comte, en 1520 (il a déjà 26 ans), il découvre avec bonheur les auteurs de l'Antiquité et correspond avec l'humaniste Guillaume Budé. Mais les franciscains, à l'instigation de la Faculté de théologie de Paris (la Sorbonne), interdisent l'apprentissage du grec. Ils retirent à Rabelais ses livres.
Le moine, dépité, change d'ordre et passe chez les bénédictins grâce à la protection de l'évêque Geoffroy d'Estignac. Il entre à l'abbaye de Maillezais puis suit son protecteur jusqu'à Rome.
En 1528, alors âgé de 35 ans, il se rend à Paris où il loge rue Saint-André-des-Arts et fréquente l'Université. Il jette son froc aux orties et prend l'habit de prêtre séculier. Désormais libre de ses mouvements, il entame un tour de France et étudie la médecine dans les livres. C'est ainsi qu'il se fait immatriculer le 17 septembre 1530 à la très réputée Faculté de médecine de Montpellier. Devenu docteur en médecine, il s'illustre comme professeur à l'Hôtel-Dieu de Lyon.
Connu comme humaniste (dico) autant que comme médecin, Rabelais correspond avec le célèbre Érasme et se lie avec Étienne Dolet. Mais ces nourritures spirituelles ne compensent pas la médiocrité de son revenu de professeur (quarante livres par an).
Un jour, le savant découvre sur un marché un roman à succès : Les Grandes chroniques du grand et énorme géant Gargantua. L'idée lui vient d'écrire une suite à ce récit qui semble très bien se vendre, et ainsi d'arrondir ses fins de mois.
C'est ainsi qu'à près de 40 ans, l'humaniste publie les Horribles et Espouvantables Faicts et Prouesses du très renommé Pantagruel, roy des Dipsodes, fils du grant Gargantua sous le nom d'Alcofribas Nasier (un anagramme de François Rabelais).
Son livre, qui se veut seulement drôlatique, est mis en vente le 3 novembre 1532 à la foire de Lyon. Il recueille de suite un grand succès auprès du public populaire.
L'auteur est comblé. Comme un bonheur n'arrive jamais seul, voilà que son nouveau protecteur, l'évêque de Paris Jean du Bellay, oncle du poète Joachim du Bellay, est envoyé par le roi François Ier en ambassade auprès du pape. Il engage Rabelais en qualité de médecin personnel. L'humaniste entreprend ce deuxième voyage à Rome avec plein d'enthousiasme.
À son retour à l'Hôtel-Dieu de Lyon, Rabelais se met à l'écriture d'un nouveau livre : La Vie très horrifique du grant Gargantua, père de Pantagruel.
Comme le précédent, publié deux ans plus tôt, ce livre est une énorme farce, « pource que rire est le propre de l'homme ». Il est écrit dans un style parlé inhabituel pour l'époque. Il est également servi par une langue d'une richesse incomparable où l'auteur réussit la synthèse des parlers populaires et de sa propre érudition.
C'est aussi une critique acérée des moeurs éducatives, politiques et religieuses de son temps. Et l'auteur lui-même nous invite à dépasser le stade de la farce, « mordre l'os et sucer la substantifique moelle ».
À la fin de Gargantua, l'humaniste développe l'utopie d'une éducation libérée de toute contrainte en faisant la description de l'abbaye idéale de Thélème dont la devise est : « Fays ce que voudras ».
La publication de Gargantua survient en pleine « affaire des placards ». Le roi François 1er, indigné que des protestants aient pu placarder des protestations antipapistes jusque sur la porte de sa chambre, sévit contre les impudents. La Sorbonne en profite pour dénoncer et pourchasser les esprits anticonformistes.
Rabelais, prudent, s'éloigne de Lyon et se rend auprès de l'évêque de Maillezais. Puis il retrouve à Lyon l'évêque Jean du Bellay et en profite pour un nouveau voyage en Italie.
Gargantua et Pantagruel l'ont entre-temps rendu célèbre. Toujours prudent, l'auteur réédite ses livres en les expurgeant de quelques tournures ironiques à l'adresse des théologiens de la Sorbonne (Sorbonicole par exemple)... Mais ne voilà-t-il pas qu'Étienne Dolet, devenu imprimeur à Lyon, les réédite de son côté avec lesdites tournures !
Rabelais, qui n'a cure du martyre, désavoue l'initiative et se fâche avec son ami. Ses deux livres n'échappent pas malgré tout à une condamnation par la Sorbonne le 2 mars 1543. Ils sont inscrits l'année suivante sur la première liste de livres interdits, l'Indexde la Sorbonne !
Après quelques pérégrinations, l'auteur publie en 1546 Le Tiers Livre, un ouvrage plus recherché que les précédents dans lequel il raconte le projet de mariage de Panurge et disserte longuement sur les femmes et le mariage. L'ouvrage est à son tour condamné et Rabelais doit s'enfuir cette fois à Metz.
Après la tempête, il retrouve le cardinal Jean du Bellay pour un quatrième voyage à Rome et, au retour, à Lyon, publie le Quart Livre. Ce sera le dernier de ses livres. C'est l'époque où l'on se passionne pour la recherche d'un « passage du Nord-Ouest » qui permettrait de gagner la Chine en contournant le continent américain. Le Quart Livre en est une parodie. Il raconte la quête par Pantagruel de la Dive Bouteille qui contient la réponse au projet de mariage de son ami Panurge !
Le cardinal Jean du Bellay octroie à Rabelais, toujours à court d'argent, les revenus de deux cures, Saint-Martin de Meudon, près de Paris, et Saint-Christophe-du-Jambet, près du Mans. Rabelais poursuit par ailleurs l'exercice de la médecine mais il perd ses cures en 1551 et finit sa vie dans l'oubli et la solitude deux ans plus tard, dans sa maisonnette des environs de Paris.
D'une personnalité attachante, curieux et avide de voyages, non dépourvu de courage, François Rabelais est un parfait représentant de la Renaissance, contemporain des poètes Clément Marot, Pierre Ronsard, Joachim du Bellay.
À la différence des autres humanistes de son temps, comme Guillaume Budé et Érasme, c'est en français et non en latin qu'il a choisi de s'exprimer.
Vos réactions à cet article
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Claude Beuzelin (10-05-2020 12:58:00)
Bonjour. J’ai pris la liberté, et le risque (hénorme !) d’effectuer une traduction-transposition pour le XXIème siècle du Gargantua de Maître François Rabelais, d’une part en français mod... Lire la suite
el (18-12-2017 05:52:01)
cher Mehdi, il serait impensable d'accuser Hérodote à ce propos, surtout en lui rappelant Avicenne et son fameux Canon. l'histoire elle-même est plus totale que ce que vous dites ici, surtout si on... Lire la suite
Mehdi (20-08-2009 11:12:30)
Votre dossier médecin et savants ne prend en compte que des européens! Et le reste du monde? Et ne commence qu'au XIVème! Que faites vous des Avicenne avec son Canon qui a influencé l'Europe a ét... Lire la suite