C'est l'histoire de la longue descente aux enfers de la famille royale que nous conte Charles-Eloi Vial, jeune historien talentueux issu de l'école des Chartes. Son récit, très documenté, alterne analyses de fond et restitutions de la vie quotidienne dans la prison du Temple.
Chassés des Tuileries le 10 août 1792 par la foule en armes, Louis XVI, Marie-Antoinette, le dauphin, leur fille Marie-Thérèse dite Mme Royale, et Mme Élisabeth, sœur du monarque, sont conduits au Temple, alors que la Révolution bascule dans sa période la plus violente, la Terreur.
L'auteur souligne le poids de la pression des Parisiens les plus extrémistes dans le destin tragique de la famille royale. « Toutes les décisions concernant le Temple furent conditionnées par cette présence de la foule », écrit-il. Il ajoute : « L'incarcération de la famille royale au Temple résume le dénouement dramatique d'une première Révolution qui se voulait pacifique, tout en annonçant une nouvelle phase, bien plus violente, du mouvement révolutionnaire. »
Selon lui, la famille royale devient alors le « bouc émissaire d'une Révolution qui se radicalise ». La révolution « bourgeoise » de 1789 est « submergée par la masse populaire », et dans une France en guerre, « le fardeau de Louis XVI et de Marie-Antoinette fut d’être considérés comme des adversaires de l'intérieur tout en étant assimilés aux ennemis de l'extérieur. (...) En chassant le roi du pouvoir puis en l'enfermant au Temple, la Révolution fit passer la peur du complot du domaine du politique à celui de l'irrationnel : l'obsession de la trahison et la crainte maladive d'une insaisissable conspiration devinrent les moteurs de la Révolution en marche. »
Ainsi Barère demande à la Convention de frapper « l'Angleterre, l'Autriche, la Vendée, le Temple. » Cet épisode signait la fin de la monarchie mais traduisait aussi un conflit de légitimités. « Après la prise des Tuileries, les deux pouvoirs en présence, la Législative et la Commune avaient cependant dû se reconnaître mutuellement, chacune concédant à l’autre le droit d’exister… du moins temporairement. Les députés avaient pour eux la légitimité de l’élection, la Commune celle des barricades et de la volonté du peuple en armes », écrit l’auteur.
De ce conflit devait dépendre le lieu de la détention de la famille royale. « Au palais du Luxembourg où les députés avaient décidé de l’envoyer, Louis XVI aurait encore été considéré comme un monarque, alors que la Commune voulait le voir traité en prisonnier. En instrumentalisant les captifs, elle avait réussi à s’imposer face à la Législative, à l’issue d’un véritable bras de fer institutionnel », selon Charles-Eloi Vial.
Le Temple
C’est ainsi que le donjon médiéval du Temple fut choisi, imposé par la Commune qui craignait que la famille royale ne s’évadât de la résidence princière du Luxembourg. « La municipalité était responsable du Temple mais derrière elle, les Parisiens étaient eux-mêmes chargés de la surveillance de l’ancien monarque, indépendamment de tout autre pouvoir. »